Des personnes masquées dans un bus dans l'épisode Haine Virtuelle de Black Mirror

Ces inventions de Black Mirror devenues réalité

© Black Mirror - Netflix

La série d’anticipation pousse le curseur (juste) un peu plus loin que la réalité, qui finit par rattraper la fiction. La preuve en 5 exemples.

Épisode « 15 Million merits », la gamification du travail à son paroxysme

Dans la série :  Tous les matins, Bingham enfourche un vélo d’appartement pour des heures d'efforts. Comme d'autres ouvriers-cyclistes, il pédale pour alimenter la société en énergie électrique. Ses yeux sont rivés sur un écran sur lequel il peut choisir différents jeux vidéo, qui retranscrivent ses efforts en promenade à la campagne, jeu de tir... Bingham accumule des points (baptisés « Merits » ) avec lesquels il peut acheter de la nourriture et des objets virtuels, comme des vêtements pour son avatar. S’il parvient à en accumuler 15 000, il peut tenter sa chance au jeu télévisé « Hot Spot », pour devenir une star et sortir de sa condition d'ouvrier.

Dans la réalité :  La gamification du travail est loin d’être un fantasme de science-fiction. C’est au contraire une tendance forte dans le monde de l’entreprise. Amazon teste dans 5 de ses entrepôts un dispositif permettant de « transformer » les tâches des opérateurs en jeu vidéo. Plusieurs formules sont disponibles : courses de voiture ou de dragons, construction de châteaux en équipe... À chaque colis bien placé, à chaque code-barre bien scanné, le salarié progresse et gagne des points et des badges, voire des jetons pour acheter des goodies Amazon : autocollants, t-shirts… Pas encore de ticket pour un jeu télévisé. Le but affiché d’Amazon est de rendre moins pénibles des tâches ingrates. Et si cela peut permettre d’augmenter la productivité de ses salariés, c’est encore mieux.

Épisode  « Be right back », être immortel grâce à l’IA

Dans la série : Pour ramener à la vie Ash, son compagnon décédé, Martha décide de faire appel à un service d’intelligence artificielle qui se sert des données laissées par les défunts sur le net pour créer leurs chatbots. Plus elle échange avec celui d’Ash, plus le ton et le style du bot ressemble à celui de son compagnon. Martha se coupe de toute autre relation sociale et décide de passer à l’étape supérieure proposée par le même service : commander un clone synthétique et robotisé de son petit ami.  

Dans la réalité : Quelques tentatives pour faire parler les morts grâce à l’IA ont déjà eu lieu. En 2017, le journaliste américain John Vlahos a développé un agent conversationnel imitant son père décédé d’un cancer. Ce « dadbot » (c’est le nom que John Vlahos lui a donné) a été créé à partir de plusieurs sessions de confidences enregistrées au dictaphone entre mai et août 2016. Ce père virtuel est capable de raconter sa jeunesse, sa rencontre avec sa femme, son métier d’avocat, sa passion pour une équipe de football américain, ses blagues préférées… Bien qu’imparfait, le bot parvient à émouvoir John Vlahos. Dans l’article de Wired à ce sujet, John Vlahos raconte que son fils de sept ans préfère utiliser le Dadbot plutôt que Siri. Un moyen pour lui de connaître l’histoire de sa famille. Une tournure bien plus mignonne que l’épisode de Black Mirror.

Épisode  « Chute libre », tous notés

Dans la série : Pour obtenir un appartement dans les beaux quartiers, Lacie doit absolument augmenter sa note sociale. Elle doit passer de 4,2/5 à 4,5/5. Être polie, travailler dur, bien noter les autres et faire de jolies photos sur les réseaux sociaux ne suffit pas. Pour augmenter sa cote, elle fait appel à un conseiller qui lui recommande d’avoir une image plus personnalisée. Elle poste donc une photo d’une vieille peluche. Bingo ! Naomi, son amie d’enfance qui arbore un beau 4,6/5, réagit et la contacte pour lui proposer d’être sa demoiselle d’honneur. Une occasion rêvée d’augmenter sa note grâce à un discours bien léché devant des invités prestigieux. Sauf que le jour du mariage, Lacie commet quelques bourdes, une dispute avec son frère notamment. De quoi faire baisser légèrement sa note et se voir priver de vol à l’aéroport.

Dans la réalité : La comparaison de Black Mirror avec le système de crédit social chinois a été faite maintes fois. Ce système de notation en vigueur dans plusieurs provinces sera généralisé en 2020. Les citoyens sont évalués selon l’état de leurs finances et leurs éventuelles infractions. En cas de score trop bas, ils sont privés de certains services, notamment de transport. Récemment, le gouvernement chinois a mis en place une sonnerie de téléphone spéciale pour les mauvais payeurs. Sans aller jusqu’en Chine, la notation est devenue chose commune dans les services. Des toilettes d’aéroport à la livraison de repas. Chez Uber, les chauffeurs doivent maintenir une note égale ou supérieure à 4,6 sinon ils sont déconnectés de la plateforme. Le service de VTC a récemment annoncé que les passagers de certains pays (États-Unis, Canada) seraient également privés de voyage en cas de note trop basse.

Épisode  « Metal Head », les robots tueurs en préparation

Dans la série : Bella, Tony et Clarke tentent de survivre dans un environnement post-apocalypse. Ils doivent faire face à des chien-robots tueurs qui exterminent tous les humains qu’ils repèrent. Les trois protagonistes se rendent dans un entrepôt abandonné dans lequel se trouve l’une de ces créatures de métal programmées pour tuer. Tony et Clarke sont vite abattus, Bella fuit. S’ensuit alors une longue traque. Échapper à ce robot suréquipé (intelligence artificielle, armements, batterie auto-chargeable, GPS…) paraît quasi-impossible.

Dans la réalité :  La ressemblance du chien en métal de Black Mirror avec le robot quadrupède « SpotMini » de la société américaine Boston Dynamics est troublante. Celui-ci se déplace avec presqu’autant d’agilité que son double de fiction. Boston Dynamics a annoncé fin avril la mise en production de son robot en développement depuis plusieurs années, sans dévoiler ses futurs acheteurs. Différence de taille : SpotMini n’est ni équipé d’armements, ni programmé pour tuer. Mais d’autres robots le sont déjà. C’est le cas notamment d’un appareil conçu par Samsung, équipé d’une mitraillette et d’un lance-grenade, et chargé de faire la sentinelle dans la zone démilitarisée entre les deux Corées.

En avril 2018, l’ONU a voulu mettre le holà aux développements des robots tueurs. Mais plusieurs pays, dont la Russie, ont fait savoir qu’ils refusaient toute interdiction. Un rapport publié le 8 mai 2019 par l’ONG néerlandaise PAX montre que sept pays sont particulièrement actifs sur le développement d’armes de guerre autonomes : les États-Unis, la Chine, la Russie, le Royaume-Uni, la France, Israël et la Corée du Sud.

Épisode  « Haine virtuelle », la violence en ligne tue et les robots-abeilles arrivent

Dans la série : Jo Powers, journaliste britannique autrice d’un article contre une militante handicapée et violemment critiquée sur les réseaux sociaux, est retrouvée morte chez elle. La police enquête et découvre quelques jours plus tard la mort de Tusk, un rappeur qui a insulté l’un de ses fans, lui aussi victime de cyber-harcèlement. Il semble avoir été tué dans les mêmes circonstances. La police finit par trouver le responsable de leur mort : des mini drones normalement programmés pour remplacer les abeilles, disparues suite à des problèmes environnementaux. Ils ont été hackés pour pénétrer dans le cerveau des victimes et les torturer. L’œuvre de l’un des développeurs des drones, qui estime que chacun doit subir les conséquences de ses mots sur internet.

Dans la réalité :  Les robots pollinisateurs sont déjà en développement. En 2018, la chaîne de distribution Walmart a déposé un brevet de robot-abeille. Des chercheurs d’Harvard planchent sur le sujet depuis plusieurs années. Un laboratoire néerlandais MAVLab a lui aussi imaginé un petit drone capable de féconder les fleurs. Pas de cas de hacking pour le moment puisque ces drones ne sont pas encore sortis des laboratoires. Mais la haine en ligne n’a pas attendu les robots-abeilles pour tuer. Le 25 mai dernier, une jeune femme espagnole de 32 ans s’est suicidée suite à la diffusion via WhatsApp d’une vidéo intime d’elle à ses 1 200 collègues. Quelques jours auparavant, une adolescente malaisienne mettait fin à ses jours après avoir sondé ses followers Instagram. L (pour life) ou D (pour death), leur avait-elle demandé. 69 % ont répondu D. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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