Le maillot jaune a 100 ans : l'épopée d'un bout de tissu très convoité

Le 19 juillet 1919, pour la 1re fois, un coureur est en jaune. De Merckx à Froome, en passant par Anquetil, « Le Point » refait l'histoire du plus célèbre des maillots.

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Eddy Merckx quelques minutes avant de remporter son 5e Tour de France le 21 juillet 1974.

Eddy Merckx quelques minutes avant de remporter son 5e Tour de France le 21 juillet 1974.

© STAFF / AFP

Temps de lecture : 4 min

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Et dire que Raymond Poulidor, champion le plus populaire du Tour des années 1960 et 1970, ne l'a jamais porté. Malgré 14 participations, 8 podiums et 7 victoires d'étape, il a toujours échoué, parfois pour quelques secondes, derrière Anquetil, Merckx ou Zoetemelk. « Poupou » se rattrape désormais à sa manière : avant et après chaque étape, les spectateurs peuvent admirer sa chemise jaune lorsqu'il suit la caravane et serre les mains des coureurs primés. Jaune, toujours jaune. Comme pour rattraper le temps perdu à chasser une tunique mythique. « La vie de ce morceau de tissu est extraordinaire, raconte Christian Laborde, auteur de L'Abécédaire ébaubissant du Tour (éditions du Rocher). Le simple mot qui le définit, maillot, est modeste. Mais, dès qu'il devient jaune, c'est un attribut royal, tel un plastron des combattants de Game of Thrones. »

Lire aussi Franck Ferrand : « Le Tour a inventé le documentaire en direct »

Le tout premier maillot jaune a été expédié à Grenoble il y a 100 ans afin de permettre au public de distinguer le leader du peloton. Henri Desgranges, créateur du Tour de France et patron du journal L'Auto, choisit le jaune en référence… aux pages de son journal ! Au petit matin du 19 juillet 1919, dans un café grenoblois, Desgranges remet à Eugène Christophe le premier maillot jaune de l'histoire, sans imaginer le destin impérial qui attend la tunique couleur soleil. « Le maillot jaune a fait le tour du monde, rappelle Christian Laborde. Greg LeMond et Lance Armstrong font entrer le Yellow Jersey à la Maison-Blanche, Gino Bartali l'emmène au Vatican et Christopher Froome, dans les townships de Nairobi. »


Enterré avec son maillot jaune

À jamais premier porteur de l'histoire du maillot jaune, le populaire Eugène Christophe ne remportera jamais le Tour. Trois jours après ce matin d'histoire, le Parisien casse sa fourche à Valenciennes et met pied à terre. À l'époque, ni mécanicien ni voiture d'assistance, et encore moins des vélos de rechange. Christophe doit s'arrêter et réparer sa bicyclette dans la forge la plus proche. Qu'importe, son destin reste lié pour l'éternité au maillot jaune, si bien qu'en 1970 il est enterré avec la précieuse tunique, à sa demande. « Christophe était comme le professeur Choron et son porte-cigarettes, compare l'écrivain Christian Laborde. On ne pouvait pas l'imaginer sans son maillot jaune. »


Le maillot jaune, qui récompense le meilleur coureur du Tour au classement général, est l'objet de luttes épiques, de convoitises, de jalousie. « Tant que je ne l'avais jamais porté, conquérir le maillot jaune était toujours mon objectif numéro un lorsque j'arrivais sur le Tour », racontait en début d'été Peter Sagan sur Eurosport, lui qui est abonné au maillot vert de meilleur sprinteur. Pourtant, le champion slovaque est honnête lorsqu'on lui demande s'il a préféré porter le jaune ou l'arc-en-ciel de champion du monde : « J'ai ressenti beaucoup d'émotions lorsqu'on m'a remis le maillot jaune, mais un peu moins que lorsque j'ai été champion du monde. » L'arc-en-ciel, voilà peut-être la seule tunique qui peut prétendre rivaliser avec le maillot jaune...

Le jour où Merckx refuse le maillot jaune

Si un Tour de France condense toute la dramaturgie de l'épreuve, c'est sans doute celui de 1971. Cet été-là, Luis Ocaña et Eddy Merckx se bagarrent en montagne. « Dans les Alpes, Ocaña met neuf minutes dans la vue à Merckx, raconte l'écrivain Christian Laborde. C'est Luis côté lumière. Mais dans les Pyrénées, en plein orage, alors qu'il est le plus fort, l'Espagnol chute dans la descente du col de Menté. Lui qui rêvait de passer le col du Portillon en jaune, à l'endroit même où son père, réfugié, était arrivé d'Espagne, sera évacué en hélicoptère. » Le lendemain, Merckx refuse de porter le maillot jaune à la place d'Ocaña. « J'aurais préféré terminer deuxième et livrer une bataille jusqu'au bout », dira le « Cannibale », qui savait montrer son émotion lorsque la grandeur du maillot jaune était en jeu.

La tunique dorée, c'est pourtant, dans l'imaginaire des gens, un peu la propriété d'Eddy Merckx, vainqueur de cinq éditions de la Grande Boucle. À tel point que, lorsque Bernard Thévenet met fin à son règne et lui chipe le maillot à Pra-Loup, en 1975, le coureur français en a la berlue. « Dans sa chambre d'hôtel, avant de se coucher, Thévenet étend son maillot sur le dossier de sa chaise, raconte Laborde, dont l'ouvrage regorge d'anecdotes savoureuses sur le Tour. Thévenet s'endort et se réveille en sursaut pendant la nuit : il ouvre les yeux et voit le maillot jaune. Sa première réaction : Mais qu'est-ce que je fous dans la chambre de Merckx ? !  »

A Pau, le musée à ciel ouvert « le Tour des géants ».

© L'AtelierD' Herve
Le maillot jaune, symbole des grandes envolées, est honoré lors de cette 106e édition du Tour de France. Cette année, le maillot est différent chaque jour afin de représenter les monuments du Tour de France (Iseran, Tourmalet, Arc de Triomphe…) et ses plus grands champions (Merckx, Hinault, Indurain, Anquetil…).

Ce vendredi, le départ du contre-la-montre sera donné à Pau (qui accueille le Tour de France pour la 71e fois !), au pied du boulevard des Pyrénées, juste à côté du musée à ciel ouvert Le Tour des géants, qui rend hommage aux vainqueurs du Tour de France. Évidemment, toutes les stèles sont peintes en jaune.


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Commentaire (1)

  • duchayla

    Savez-vous, à la rédaction de "Le Point", qu'il ne faut plus parler de Froome en qualité de vainqueur dans le Tour De France, ni spécifier qu'il a endossé le maillot jaune plusieurs fois. Son nom est rayé des tablettes des participants au TDF. Par contre vous pouvez parler de lui en qualité d'utilisateur de produits blanc ou liquide prohibés. Mais il n'était pas le seul...