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Suicide et travail: la première liste des métiers à risque

Une nouvelle étude menée en Suisse sur une période de vingt-quatre ans répertorie les métiers aux risques de suicide les plus élevés. Chez les femmes comme chez les hommes, soignants, chauffeurs et ouvriers sont les plus touchés. Chaque genre a cependant ses spécificités

Chez les aides-soignants, le risque suicidaire est élevé. Ici, opération d’une durée de cinq heures sur le cœur d’un enfant par le chirurgien René Prêtre et son équipe au CHUV, à Lausanne. — © KEYSTONE/Gaetan Bally
Chez les aides-soignants, le risque suicidaire est élevé. Ici, opération d’une durée de cinq heures sur le cœur d’un enfant par le chirurgien René Prêtre et son équipe au CHUV, à Lausanne. — © KEYSTONE/Gaetan Bally

Chez les chômeurs, le taux de suicide important était déjà connu. Une étude inédite y ajoute depuis peu le personnel soignant, les employés des transports publics ainsi que les ouvriers et ouvrières de l’industrie manufacturière, pour les femmes comme pour les hommes. Cette première analyse du lien entre profession et taux de suicide en Suisse a été menée entre 1990 et 2014 sur un échantillon de près de 6 millions de Suisses. Au total, 82 professions ont été répertoriées par l’Observatoire romand des tentatives de suicide (ORST) et Unisanté (anciennement Institut universitaire romand de santé au travail [IST]). Chez les hommes, sept sont à risque, contre quatre chez les femmes.

De précédentes recherches avaient déjà souligné des taux importants de suicide chez les éleveurs et les agriculteurs, particulièrement chez les hommes. Ces résultats sont confirmés dans cette nouvelle étude. Elle y ajoute les pêcheurs, le personnel infirmier et soignant, les conducteurs et employés de transport ainsi que les ouvriers. Chez les femmes aussi, conductrices, aides-soignantes et ouvrières manufacturières se retrouvent en tête du classement, mais écrivaines, artistes et journalistes présenteraient aussi un risque suicidaire préoccupant.

Travailler protège du suicide

Quelle que soit la profession, même à risque, il apparaît que travailler réduit le risque de suicide. Chez les chômeurs, ce dernier dépasse de loin celui des professions citées précédemment. L’étude remet aussi en cause l’affirmation selon laquelle le suicide serait plus fréquent chez les patrons. Au contraire, les postes à haute valeur ajoutée ne présentent pas un taux problématique.

Lire à ce propos: «On associe le suicide à l’échec. Il peut aussi découler du succès»

Aux côtés des cadres supérieurs, les professeurs d'université et du secondaire ainsi que les juristes sont les professionnels masculins les moins exposés au risque suicidaire. Chez les femmes, ce sont les artisanes de l'industrie textile et les agricultrices.

L’auteure principale de l’étude, Irina Guseva Canu, expliquait vendredi matin sur les ondes de la RTS que «le suicide est un événement multifactoriel». «Il est déterminé tout d’abord par l’état psychique de la personne, mais aussi par des événements critiques de la vie et, pour une partie, il peut être expliqué par des facteurs de risque professionnels. C’est-à-dire les mauvaises conditions au travail qui font que la personne passe à l’acte.» Mais quels sont les facteurs de risque au travail? Conditions génératrices de stress chronique, absence de marge de manœuvre, harcèlement se retrouvent souvent chez les professions dans lesquelles il y a le plus de suicides.

Des hypothèses pour les métiers à risque

Chez le personnel des transports publics ou les chauffeurs, le stress est souvent causé par les contraintes horaires, les exigences physiques et les incivilités auxquelles les conducteurs sont exposés. Pour le personnel soignant, la charge de travail intense, les horaires variables et le manque de reconnaissance pèsent souvent sur la santé psychique des employés.

Chaque année, près d’un millier de personnes se donnent la mort en Suisse. En 2016, la Confédération a élaboré son plan d’action pour la prévention du suicide dans le pays. Ce dernier, qui se décline en 19 mesures, pourrait être affiné à l’aide de telles études, à condition de déterminer les facteurs de risque spécifiques à chaque profession.

A propos du numéro d’urgence La Main Tendue (143)