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Cunnilingus : 5 idées reçues tenaces

Lucien Fauvernier
Publié le 11/09/2015 à 11:47 Modifié le 08/03/2024 à 15:26
Cunnilingus : 5 idées reçues tenaces

85% des Français avouent avoir déjà pratiqué le cunnilingus. Longtemps considérée taboue, cette pratique s’est installée dans les mœurs, notamment après la révolution sexuelle des années 70. Pourtant, aujourd’hui encore, les idées reçues la concernant sont nombreuses. Décryptage d’experts sexologues.

« Le cunnilingus est une de mes pratiques préférées. J’aime le concevoir comme un plaisir solitaire partagé. » confie Gwenaëlle. Carole, quant à elle, affirme se sentir « honorée qu’un homme prenne plaisir à m’en donner. » Autant de témoignages qui laissent penser que le cunnilingus s’est finalement installé dans la chambre à coucher des Français. Une vraie revanche pour cette pratique qui jusqu’en 1968, date de parution du DSM-II, était considérée comme un comportement pathologique ! Les chiffres issus de la grande enquête sur la sexualité des Français, menée par Nathalie Bajos et Michel Bozon, semblent confirmer l’entrée du cunnilingus dans les mœurs, puisque que 85% des hommes et des femmes avouent l’avoir essayé au moins une fois dans leur vie. Le « cunni » serait donc plus populaire que la fellation ! Pourtant, toutes les femmes ne semblent pas forcément à l’aise avec cette pratique. Roxanne avoue avoir « peur de la réaction de l’homme face à [son] épilation ou [son] odeur » et craint aussi de « [s]’abandonner, de ne plus rien contrôler ». Mélina, quant à elle, « adore le cunnilingus » mais confie qu’avec « le plaisir vient la honte et la culpabilité ». Comment comprendre de si différents points de vue concernant cet acte sexuel ? 

Nous avons confronté ces idées reçues à l’expertise de Manon Bestaux, sexologue clinicienne et à celle de Carlotta Munier, psychothérapeute et sexologue. Pour elles, si la pratique du cunnilingus se développe, c’est avant tout parce que les femmes prennent, de plus en plus, le contrôle de leur sexualité. 

Pour aller plus loin

L’Enquête sur la sexualité en France – Pratiques, genre et santé menée sous la direction de Nathalie Bajos et Michel Bozon, réalisée en 2006 et parue en 2008 aux éditions La Découverte demeure à ce jour l’ouvrage de référence concernant la sexualité des Français.

Faire un cunnilingus est dégradant pour l’homme

«  Je pense que ceux qui s’adonnent à cette pratique ont certainement un problème avec leur virilité » Bilel

« De nombreux hommes ont sûrement du mal à faire un cunnilingus car ils imaginent qu’ils sont alors soumis à leur compagne » Pierre, 36 ans

Carlotta Munier : Cela renvoie à un cliché très puissant : seul l’organe masculin devrait faire jouir, les autres pratiques étant de fait boudées et jugées dégradantes pour l’homme. L’imaginaire sexuel masculin est ainsi déterminé, consciemment ou non, par l’idée qu’il faut donner du plaisir à sa partenaire uniquement avec son sexe, et non pas avec sa langue. Mais une telle conception de l’acte sexuel est préjudiciable car elle confronte souvent l’homme à une impossibilité d’amener sa compagne vers la jouissance. En effet, ne s’attacher qu’à la pénétration concentre les partenaires sur la recherche d’orgasmes vaginaux qui ne viennent qu’avec l’expérience, l’âge et le lâcher prise et non pas avec la technique. S’interdire de stimuler sa partenaire autrement qu’avec son pénis c’est, en quelque sorte, la priver d’orgasmes clitoridiens. 

Le cunnilingus est le versant féminin de la fellation

« Le sexe de la femme est trop souvent malmené, oublié, moqué, inconnu… par conséquent, le cunnilingus est encore considéré de façon négative » Carole, 52 ans

« Je pratique souvent des fellations, mon compagnon quant à lui ne boude pas véritablement le cunnilingus mais sans hésiter c’est moi qui suis la plus active côté sexe oral. » Rebecca 

Manon Bestaux : Le cunnilingus demeure relativement tabou par rapport à la fellation parce que toutes les femmes ne sont pas d’accord sur le « pourquoi » de la pratique. Et bien, souvent celles qui n’apprécient pas vraiment n’osent pas le dire – alors que tous les hommes – ou presque – plébiscitent la fellation. Le cunnilingus reste lui un sujet « sensible » : N’est-ce qu’un préliminaire à la pénétration ? A quoi ça sert ? Pour lubrifier ? Pour « faire jouir » ? Dois-je dire que cela me plaît pour que l’autre soit content ? Même dans un couple homosexuel, l’une des deux peut ne pas aimer… et ne pas oser dire à l’autre qui, elle, apprécie cette pratique ! 

Pour aller plus loin

Que vous soyez un homme ou une femme, vérifiez vos connaissances à propos de la sexualité féminine en passant notre test Que savez-vous de la sexualité des femmes ?

Une femme ne refusera jamais un cunnilingus

« Le cunnilingus est un préliminaire dont les femmes raffolent, aucune de mes conquêtes ne m’a jamais éconduit » François, 56 ans

«  Je trouve toujours le moyen de me faufiler sous la couette pour lui offrir cette gâterie » Arthur, 28 ans

Carlotta Munier : Cette idée renvoie à la place du plaisir dans la pratique. Tout dépend si le partenaire réalise le cunnilingus pour l’autre ou pour sa propre stimulation. Celui ou celle qui pratique le cunnilingus peut y trouver une véritable source de satisfaction et n’être centré(e) que sur son ressenti, son envie, et non sur celui de sa partenaire. Le cunnilingus est considéré comme un cadeau fait à l’autre… Mais il n’y a rien de pire qu’un cadeau dont on n’a pas envie ! N ‘oublions pas que la possibilité d’émettre un refus, et que celui-ci soit entendu, est un élément fondamental de la sexualité.

Un cunnilingus réussi demande beaucoup de technique

« J’adore le cunni, c’est ma pratique préférée, celle qui m’amène à l’orgasme. À condition que cela soit bien fait, ce qui n’est pas toujours évident » Blandine

« Ma perception du cunnilingus dépend vraiment du partenaire. Je préfère en général m’en passer car il est souvent réalisé de façon maladroite et devient du coup presque désagréable… » Ophélia

Carlotta Munier : Selon les femmes, le clitoris est plus ou moins proéminent, permettant un accès plus ou moins facile pour la langue. De plus, il est extrêmement innervé, avec près de 8 000 terminaisons nerveuses, et n’est pas toujours sensibles aux mêmes endroits. Cela peut parfois se jouer à un millimètre près ! D’un jour à l’autre, il ne sera pas forcément sensible aux mêmes stimulations, certaines zones seront plus ou moins réceptives… Il n’y a donc pas de technique unique, de recette miracle. Le mieux est de demander à la partenaire de guider, même si cela peut être dur pour un homme, ou une femme, qui s’imagine qu’il ou elle « devrait savoir ». Stimuler un clitoris n’est pas inné ! Seule la femme qui connaît son corps peut être à même d’indiquer ses préférences à son partenaire.   

Je n’apprécie pas le cunnilingus, j’ai un problème

« Personnellement, je ne suis pas une fana du cunnilingus. Cette pratique me procure quelques sensations, sans plus. » Valérie

« J’entends partout que c’est la pratique qui fait grimper aux rideaux, mais moi cela me laisse de marbre. Suis-je la seule à ne pas être sensible au cunnilingus ? » Marine, 25 ans

Manon Bestaux : Non, ce n’est pas un problème, il faut seulement le dire, en parler et dialoguer avec son ou sa partenaire. Les femmes qui n’apprécient pas le cunnilingus peuvent avoir un mode d’accès à l’orgasme relativement complexe. Par ailleurs, les raisons de ne pas aimer le cunnilingus sont nombreuses et n’impliquent pas pour autant que l’on soit frigide ! Certaines femmes sont peu sensibles au cunnilingus car elles ne se sont jamais masturbées et ne se connaissent pas vraiment intimement. D’autres peuvent penser que c’est sale… Rappelons également que recevoir un cunnilingus ne signifie pas être totalement passive, il ne faut pas tout attendre de l’autre si l’on souhaite prendre du plaisir. Mais l’essentiel est de ne pas oublier notre liberté : il n’existe pas une seule et même façon de prendre du plaisir, d’imaginer et concevoir la sexualité.  

Pour aller plus loin

Composé comme un guide à l’intention tant des femmes que des hommes, qui souhaiteraient en savoir plus sur l’intimité féminine, Sexualité féminine : vers une intimité épanouie (ed. Le Souffle d’or, avril 2015) est le dernier ouvrage de la sexothérapeute Carlotta Munier. L’auteure rappelle notamment, que si en matière de sexualité il n’y a pas de norme, il n’existe pas non de sexualité « naturelle » et qu’en réalité tout est question d’apprentissage.