Romain Bardet : «J’avais tellement peur de me faire siffler» sur le Tour

Touché dans son orgueil par son Tour de France 2019 raté, le leader d’AG2R annonce des profonds changements pour l’an prochain.

 Romain Bardet « ne pense qu’à finir samedi à Val-Thorens le réservoir vide en ayant tout donné ».
Romain Bardet « ne pense qu’à finir samedi à Val-Thorens le réservoir vide en ayant tout donné ». REUTERS/Gonzalo Fuentes

    Au Golf de Massane à Baillargues (Hérault), il serait facile d'écrire que Romain Bardet (19e au classement général à 27'12 d'Alaphilippe) était au fond du trou. C'est un champion éprouvé mais lucide sur ses manques cette année que nous avons retrouvé. Et qui a commencé à fendre l'armure. En creux, il laisse entendre qu'un grand ménage se prépare pour lui en 2020.

    Comment allez-vous alors après votre effondrement au col du Soulor ?

    ROMAIN BARDET. J'ai décidé de ne plus être spectateur. Il me reste une semaine à faire. Ensuite, j'aurai six mois pour refaire le monde et me poser les questions. Les regrets, je les ai déjà et les interrogations aussi. Pourquoi me suis-je autant planté dans ma préparation? Pourquoi mes jambes ne répondent-elles pas? Ce Tour est sans saveur et je ne peux pas me battre pour être 13e ou 14e. J'ai besoin d'être devant. Rien n'est pire que la fadeur. Dimanche, j'ai fait 70 bornes dans une échappée et c'est ce dont j'avais besoin.

    Y aura-t-il un avant et un après 2019 ?

    C'est évident. Je ne m'attendais pas à une telle claque, mais elle va servir. Ce sport est si dur. Regardez ce que vit Nibali, un des plus grands champions des temps modernes. Je dois accepter que tout ne marche pas comme prévu. Mais il faut casser ce sentiment de régression que j'ai depuis le début et donner l'impression d'un déclin. J'arrête les plans. Tout ce que j'ai prévu s'est effondré. Alors…

    Êtes-vous en colère ?

    Je ne veux pas me laisser hanter par mes questions pour l'instant. Je ne pense qu'à finir samedi à Val-Thorens le réservoir vide en ayant tout donné. Ensuite, je passerai des examens médicaux car il n'est pas normal d'être aussi bas avec tout le travail accompli. Une remise en question est obligatoire. Je ne peux pas faire l'autruche. C'est un échec et il faut l'analyser.

    Devez-vous changer d'équipe ?

    Ce que j'ai vu, c'est le soutien immense de mes coéquipiers qui m'ont tous attendu spontanément. J'en avais les larmes aux yeux. Ce moment m'a quelque part sauvé. Mais mon approche va changer. De février à octobre, j'empile toujours les mêmes charges de travail depuis des années.

    Serez-vous sur le Tour l'an prochain ?

    C'est trop tôt pour le dire. On prendra une décision ensemble avec ma direction et le sponsor. Chacun viendra avec ses idées même si je crois que je détiens une grosse part de la vérité. Il y a trop de déchet dans mon approche du Tour. J'ai été trop rationnel et ce n'est pas ça le cyclisme. Je dois sortir de ma zone de confort. Il y a une lassitude dans mon quotidien. Ça passera par un changement dans ma personnalité. Je dois faire éclore d'autres choses en moi.

    Que pouvez-vous promettre à vos supporters ?

    Rien. Je suis sincère tout le temps comme je le suis devant vous. Mais j'ai eu tellement d'amour sur la route. J'avais tellement peur de me faire siffler. Entendre « On t'aime » m'a fait du bien et m'a aidé. Depuis le début, je n'ai eu qu'un souci. Au départ d'une étape, un type a crié : « Romain bouge-toi le cul ! » J'ai fait demi-tour pour lui demander une explication. Il s'est cru sur les réseaux sociaux. Il y a eu une agglomération de gens et ce monsieur a eu honte.

    Qui va gagner ce Tour ?

    Pinot. C'est beau de voir que tout ce qui a été préparé dans son équipe depuis longtemps fonctionne. Ils ont bossé en silence mais consciencieusement. Et ça paye. C'est dans l'ordre des choses qu'il gagne. En tout cas ce Tour est fantastique et il va y avoir encore des rebondissements dans les Alpes.

    VIDÉO. « Dans les Alpes, le suspense sera garanti jusqu'au bout »