Les tortues marines victimes de la pollution humaine

La Réunion : les tortues à l'hôpital

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Par Anna Bellissens

Les chiffres donnent le tournis. Tous les ans, 5000 milliards de sacs en plastique sont encore consommés dans le monde, 89 milliards de bouteilles d’eau vendues, 10,1 tonnes de plastique produites. Les conséquences sur la biodiversité sont tragiques : 1,5 million d’animaux meurent chaque année sur la planète en raison de cette pollution humaine. Parmi les victimes, de nombreuses tortues marines.

L’homme, premier prédateur pour la tortue

A l’île de la Réunion, les tortues marines blessées sont recueillies par des soigneurs au sein d’un véritable Hôpital pour tortues. Claire Mounier, formée dans le Hainaut à ce métier particulier, a intégré le centre de soin réunionnais Kelonia pour un stage d’un mois : "La tortue marine est une espèce porte-drapeau, elle est représentative de la pollution de nos océans. On retrouve tous les matins du plastique dans les bassins, dans des quantités inimaginables. Une nouvelle arrivante peut mettre des semaines à extraire la matière plastique contenue dans son estomac. C’est en général une quantité qui tient dans la main".

La problématique de la pollution plastique, Claire Mounier la côtoie depuis son arrivée. Plus de 90% des tortues arrivent au centre Kelonia avec des bouts de pneu, des bouchons de bouteille, ou encore des restes de couverts dans le corps. Au centre de soin, ces déchets humains restitués sont conservés, comme des archives précieuses qui sont ensuite exposées au grand public.

Car Kelonia, c’est un centre de soin, un centre de recherche mais aussi un musée. Une salle d’exposition flambant neuve consacre une grande partie de son espace à ces déchets rejetés par les tortues. "Ce qui est incroyable, c’est que la plupart du temps, elles arrivent à survivre, même après avoir digéré de telles quantités. On retrouve souvent les mêmes pièces de plastique relativement intactes après leur chemin dans le transit des tortues", s’étonne la future soigneuse de 28 ans.

Plus que quelques coups de nageoire vers la liberté

Pour le dernier jour de stage de Claire Mounier, une tortue caouane doit être relâchée dans son milieu naturel. Elle a grandi à l’hôpital et n’a jamais connu l’océan. Elle faisait partie des bébés les plus faibles de la ponte 2016 de la tortue Emma, une tortue verte habituée des plages réunionnaises. Après 3 ans de soin, ses chances de survie sont beaucoup plus importantes.

Une animatrice pédagogique accompagne Claire Mounier sur la plage pour sensibiliser les élèves d’une classe de primaire à la protection des tortues marines. Chaque relâché de tortue est un événement pédagogique en soi. "On les revoit les tortues relâchées, donc on sait qu’elles s’en sortent. Mais parfois, l’issue est plus tragique. Je pense par exemple à une tortue soignée par Kelonia à la Réunion, retrouvée morte en Afrique du Sud, avec un bout de coton-tige dans le bec". Et Marie Lauret-Stepler de renchérir : "Cette tortue, clairement morte de la pollution plastique, n’aura vécu que 2 ans en liberté".

Les élèves forment une haie d’honneur pour accompagner leur tortue vers son habitat. Une manière de lui souhaiter bonne chance. La tortue caouane est déposée sur la plage, orientée vers l’océan. D’instinct, elle enfonce ses nageoires dans le sable et se dirige de plus en plus rapidement vers le rivage.

"C’est vraiment un sentiment de satisfaction d’assister à ce relâché. Lorsqu’on imagine que cette tortue a dû attendre trois ans pour être prête, c’est un accomplissement auquel j’ai la sensation de participer", s’émeut Claire Mounier. "Même s’il y a aussi une part d’appréhension, lorsque l’on connaît les multiples dangers auxquels elle devra faire face, une fois qu’elle aura rejoint le grand Bleu".

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