Les projets top-secret de Huawei en Corée du Nord
Selon le « Washington Post », le géant chinois des télécoms a construit et mis à jour, pendant huit ans, le réseau mobile 3G du régime de Pyongyang. Huawei embarquant dans ses propres produits de nombreux composants américains, l'affaire pourrait l'exposer à de nouvelles sanctions.
Ce sont des documents explosifs que vient d'obtenir le « Washington Post ». Selon le quotidien américain, Huawei, le géant chinois des télécoms, a travaillé pendant huit ans sur divers projets en Corée du Nord, dont la construction et l'entretien du réseau mobile 3G.
Au moment où Donald Trump s'apprêtait tout juste à assouplir les sanctions dont le groupe fait l'objet depuis le 15 mai, l'affaire tombe au plus mal. Huawei embarquant dans ses propres produits des composants américains, ce discret travail, dans l'un des pays les plus fermés de la planète et par ailleurs un allié de longue date de la Chine, pourrait aussi exposer la multinationale à de nouvelles mesures de rétorsion, du fait de l'embargo américain sur les exportations vers le pays stalinien.
Le QG secret : un hôtel bon marché de Pyongyang
Tout aurait commencé en 2008, lors du lancement de l'opérateur Koryolink par le régime de Pyongyang. A cette époque, la Corée du Nord peinait à trouver des équipementiers télécoms voulant fournir les antennes et autre matériel nécessaires au lancement du réseau. Huawei aurait alors accepté de collaborer avec le pays. Il faut dire que deux ans auparavant, en 2006, Kim Jong-il (au pouvoir entre 1997 et 2011) avait déjà visité le siège du groupe chinois, à Shenzhen. C'est même à l'issue de cette visite que le dirigeant nord-coréen aurait décidé de lancer Koryolink, avec l'aide de Huawei.
La nature exacte de l'implication du groupe chinois est difficile à établir, met en garde le quotidien américain. D'ailleurs, Huawei n'a pas agi seul, mais avec l'aide de Panda International Information Technology, son partenaire depuis 2007. Selon un contrat daté de 2008, cette société d'Etat chinoise, spécialisée dans l'électronique, acheminait les équipements de Huawei via la ville frontalière de Dandong. Passé en Corée du Nord, le matériel était ensuite acheminé par rail jusqu'à Pyongyang.
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Sur place, Huawei et Panda pilotaient le reste des activités… depuis un hôtel bon marché situé en plein coeur de la capitale nord-coréenne. Les deux partenaires auraient ensuite évacué les lieux en 2016, alors que l'étau de la communauté internationale se resserrait sur le pays. Cette année-là, le département américain du Commerce avait également commencé à enquêter sur les liens entre Huawei et la Corée du Nord. Depuis leur départ, le réseau de Koryolink fonctionnerait toujours avec le matériel de Huawei, mais sans les dernières mises à jour.
Contacté, Huawei a expliqué dans un communiqué qu'il n'avait « aucune présence commerciale » en Corée du Nord, sans toutefois préciser son implication passée. Au moment où plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, hésitent encore à lui laisser les clefs de la 5G, une chose est sûre : le groupe chinois va devoir rassurer davantage.
Raphaël Balenieri