Universitaire guinéen tué près de Rouen : la justice retient le caractère raciste

La garde à vue du meurtrier présumé de Mamoudou Barry a été levée. Le suspect âgé de 29 ans a été hospitalisé.

 Mamoudou Barry a été violemment frappé à coups de poing et de bouteilles avant de faire une mauvaise chute au sol.
Mamoudou Barry a été violemment frappé à coups de poing et de bouteilles avant de faire une mauvaise chute au sol. DR

    L'enquête n'a pas été très longue. Ce lundi matin, les enquêteurs de la sûreté départementale ont interpellé le meurtrier présumé de Mamoudou Barry, cet enseignant en droit de l'université de Rouen de 31 ans, battu à mort vendredi soir à Canteleu (Seine-Maritime). Le suspect, Damien A., 29 ans, a été arrêté à son domicile. Il avait été identifié grâce aux témoignages, à la description de sa tenue et aux images de vidéosurveillance.

    Sa garde à vue a, en revanche, rapidement été levée en raison de son état de santé. Le jeune homme présente des antécédents psychiatriques, il est même sous curatelle renforcée. Pour l'heure, il a été hospitalisé. Il fera vraisemblablement l'objet d'examens médicaux complémentaires.

    Il proférait des insultes racistes «à la cantonade»

    Les policiers ne sont donc pas encore en mesure de sonder le suspect sur le mobile de son geste et notamment son potentiel caractère raciste. Selon une source proche du dossier, Damien A., qui se tenait à un arrêt de bus, proférait des insultes racistes « à la cantonade ». Mamoudou Barry circulait en voiture avec son épouse lorsqu'il a été pris à partie. « L'agresseur les a pointés du doigt et a dit : Vous, les sales noirs, on va vous niquer ce soir », a indiqué un proche de la victime.

    L'enseignant en droit s'est alors arrêté puis est descendu de son véhicule pour demander des explications. En retour, il a été violemment frappé à coups de poing et de bouteilles avant de faire une mauvaise chute au sol. Pris en charge par les secours, il est décédé le lendemain au CHU.

    À ce stade, la justice a retenu le caractère raciste de cette agression, puisque le parquet de Rouen a annoncé ce lundi soir avoir conservé cette circonstance aggravante dans l'information judiciaire ouverte pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

    Pas de lien établi avec la finale de la CAN

    Le lien entre les faits et le coup d'envoi imminent de la finale de la Coupe d'Afrique des nations (CAN), opposant ce soir-là le Sénégal à l'Algérie, ne semble en revanche pas établi. L'agresseur présumé est un Franco-turc et non un supporter de l'Algérie. Et s'il portait bel et bien un maillot de foot, il s'agissait de celui du club stambouliote de Galatasaray.

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    « Monsieur Barry est mort en raison de sa couleur de peau. Toutes les théories sur le lien avec l'Algérie ne sont pas dignes et ne respectent pas la décence qui s'impose après la mort d'un homme », développe Me Jonas Haddad, l'avocat de la famille du défunt.

    Les proches de Damien A. confient, eux, leur stupéfaction et leur désarroi par rapport aux soupçons dont le jeune homme fait l'objet. « Je me suis entretenu avec son père, indique l'avocat rouennais Me Demir Selçuk, à qui ce dernier a fait appel. Il m'a indiqué que son fils n'était absolument pas quelqu'un de raciste ni de violent. Il est dans l'incompréhension par rapport aux accusations dont il fait l'objet. Et bien entendu il a une pensée pour la victime et présente ses condoléances à sa famille. »

    L'avocat connaissait en outre personnellement Damien, qu'il avait déjà assisté lors de précédents ennuis judiciaires pour des délits mineurs. « Je suis également très surpris par ces accusations car cela ne correspond pas à ce que je sais de lui », explique Me Selçuk.

    Sous traitement médical, sans emploi fixe

    Les questions sur l'état de santé de Damien, et donc son degré de responsabilité, s'annoncent centrales dans ce dossier. Né d'un père turc et d'une mère française, le jeune homme, lui-même père de famille, était semble-t-il sous traitement médical. Sans emploi fixe, il lui arrivait d'effectuer des missions dans le bâtiment.

    Dans un souci d'apaisement, les membres de l'association culturelle turque de Canteleu ont adressé leurs condoléances à la famille de Mamoudou Barry. Son président, Ozkan Cilingir, avait même prévu de rendre visite à ses proches. « Je connaissais M. Barry qui s'était déjà rendu au sein de notre salle de prière, indique le responsable associatif. Son décès nous cause une profonde tristesse. Nous tenons également à rappeler que nous sommes les premiers à combattre toute forme de racisme. Dans notre quartier, nous sommes habitués à vivre ensemble. »

    La marche blanche en hommage à l'enseignant en droit a été confirmée. Elle se déroulera vendredi prochain entre l'université, dont il venait d'être docteur, et le palais de justice. Son décès a provoqué une vive émotion chez ses collègues.