Le concepteur du retweet compare son invention à une arme à feu
Chris Wetherell croit que son invention est l'une des sources des problèmes auxquels font face les réseaux sociaux.
Photo : Reuters / Kacper Pempel
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
« Nous aurions aussi bien pu donner une arme à feu chargée à des enfants de quatre ans. » C’est ainsi que le créateur du retweet décrit son invention, dans une entrevue (Nouvelle fenêtre) accordée au site d’informations Buzzfeed News.
Chris Wetherell est le concepteur qui a mis au point le retweet, le système permettant de retransmettre le gazouillis de quelqu’un d’autre à sa propre communauté sur Twitter. Cette fonctionnalité, qui existe depuis maintenant 10 ans, est devenue centrale dans la façon d’utiliser le réseau social.
D’après ce qu’il a affirmé à Buzzfeed News, M. Wetherell croyait au départ que le bouton de retweet permettrait d’offrir une tribune à des communautés moins visibles en ligne.
Et dans les premiers temps, la communauté a semblé lui donner partiellement raison. « [Le bouton] a accompli une bonne partie de ce pour quoi il avait été conçu, a-t-il expliqué. Il avait le pouvoir de multiplier la portée d'un message comme nul autre. »
De l’espoir aux regrets
M. Wetherell regrette aujourd’hui profondément de l’avoir conçu, et va jusqu’à croire que le retweet est l’une des sources des problèmes auxquels font face les réseaux sociaux de nos jours.
Avant l’implémentation de ce bouton, les utilisateurs de Twitter devaient manuellement copier et coller les messages qu’ils désiraient partager, en plus d’ajouter eux-mêmes les lettres RT désignant un retweet et d'indiquer l’auteur du message original.
Ce procédé relativement lourd pouvait être frustrant pour les internautes, mais il avait l’avantage de les pousser à réfléchir plus longtemps avant de partager un gazouillis. Le retweet a quant à lui substitué l’instantanéité à la réflexion rationnelle.
Le même phénomène s’est produit en 2012 sur Facebook, lorsque le réseau social s’est inspiré de Twitter pour créer son bouton « Partager » sur mobile.
Le PDG de Twitter réfléchit à l’avenir du retweet
En 2014, l’un des exemples de dérive du retweet les plus notoires de l’histoire de Twitter s’est produit, sous la forme d’une campagne de diffamation et de harcèlement mysogine surnommé Gamergate.
« Demandez à quiconque a été une cible [du Gamergate]; c’est le retweet qui a aidé [les harceleurs] à montrer une fausse image d’une personne [sur Twitter] avant même que [les victimes] puissent répliquer, a expliqué Chris Wetherell à Buzzfeed News. Nous n’avons pas créé de système de défense. Nous avons seulement conçu un conduit d’attaque. »
Le président-directeur général de Twitter, Jack Dorsey, et l’ex-chef de produit Jason Goldman ayant supervisé Chris Wetherell à l’époque s’accordent aussi pour dire qu’il est peut-être temps de revoir le fonctionnement du retweet.
« Je réfléchis aux motivations et aux ramifications derrière toutes les actions, incluant le retweet, a indiqué Jack Dorsey à Buzzfeed News. Par exemple, le retweet avec un commentaire pourrait encourager [les utilisateurs] à réfléchir davantage avant de partager quelque chose. »
« Le plus grand problème est le retweet sous forme de citation », affirme pour sa part Jason Goldman.
Des pistes de solution
Selon Chris Wetherell, la solution réside peut-être dans la suspension du bouton retweet pour des pans entiers de la communauté Twitter.
D’après lui, le fait de retirer le droit de retweeter à tous les utilisateurs serait contre-productif, puisque les personnes ayant déjà beaucoup d’abonnés auraient trop de pouvoir par rapport aux autres. D’un autre côté, cibler des comptes précis ne méritant plus de pouvoir retweeter n’est pas réaliste, puisqu’il est presque impossible de détecter tous les comptes toxiques.
Chris Wetherell propose donc de surveiller les communautés, les groupes de centaines ou de milliers de comptes partageant les mêmes contenus, et de pénaliser ceux et celles qui prennent part à des discussions dépassant les bornes.
Buzzfeed News rapporte que Facebook a proposé une autre approche prometteuse cette année sur son service de messagerie chiffrée WhatsApp. Les personnes utilisant cette plateforme ne peuvent désormais partager un message qu’à cinq de leurs contacts à la fois.
Un chercheur du Massachusetts Institute of Technology interviewé par le site d’informations américain suggère quant à lui d’interdire les retweets contenant un lien si la personne qui veut l'envoyer n’a pas d’abord cliqué sur le lien en question.
Avec les informations de Buzzfeed News