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Deux banques cantonales ont déjà octroyé des crédits immobiliers à des taux négatifs. Ce sont pour l’instant des cas particuliers. Mais l’ensemble du secteur anticipe une nouvelle baisse généralisée des taux hypothécaires

L’immobilier suisse est entré dans l’ère des hypothèques à taux d’intérêt négatif.   — © Arno Balzarini/Keystone
L’immobilier suisse est entré dans l’ère des hypothèques à taux d’intérêt négatif.   — © Arno Balzarini/Keystone

L’immobilier suisse est entré dans l’ère des hypothèques à taux d’intérêt négatif. C’est le quotidien zurichois Tages-Anzeiger qui l’annonçait lundi en évoquant «la fin d’un tabou». Deux banques cantonales ont en effet déjà souscrit des contrats où elles promettaient de rémunérer leur emprunteur pour son crédit.

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C’est un sondage réalisé auprès des 24 banques cantonales qui a permis de relever cette anormalité. Parmi elles, la Banque cantonale de Zoug a admis avoir offert des hypothèques à taux d’intérêt négatif «dans des cas particuliers» et celle des Grisons à «des clients institutionnels qui ont des besoins importants et court-termistes de fonds». Elles n’ont toutefois pas donné plus de précisions quant au profil de ces clients.

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Porte ouverte aux taux négatifs

La pratique n’aurait pas cours chez les autres banques cantonales. Côté romand, la BCGe et la BCV ont nié avoir jamais octroyé d’hypothèques à taux d’intérêt négatif. Contacté par Le Temps, Credit Suisse affirme ne pas accorder de tels prêts, mais laisse toutefois la porte ouverte: «La banque suit de près l’évolution des marchés, en particulier des marchés des taux d’intérêt», selon les mots de son porte-parole.

La coopérative Raiffeisen affirme, elle, n’avoir donné «aucune recommandation visant à compenser les taux d’intérêt nuls ou négatifs dans le secteur des prêts hypothécaires». Mais ses services de presse rappellent que les succursales sont des institutions financières indépendantes et donc «peuvent décider en toute indépendance dans le cadre de leur autonomie de prix». La Banque Migros n’a pas répondu à nos sollicitations.

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Alors après les clients institutionnels, les petits propriétaires pourront-ils bénéficier des hypothèques à taux d’intérêt négatif? Roland Bron l’anticipe. Le directeur romand de la société indépendante de conseils financiers VermögensZentrum rappelle que les banques centrales américaine et européenne vont baisser les taux d’intérêt pour soutenir l’économie: «C’est une nouvelle pression pour la Suisse. Il faut s’attendre à ce que les taux hypothécaires évoluent encore à la baisse. Nous déconseillons vivement à nos clients de souscrire à des hypothèques à taux fixe en ce moment.»

Qui dit mieux?

La tendance semble se confirmer statistiquement. En avril dernier, Comparis révélait que les taux d’intérêt à taux fixe sur dix ans sont tombés au «plus bas [niveau] historique», à 1,25%. Le comparateur en ligne a, depuis, mis à jour ce chiffre, évoquant 1,10% pour un crédit sur dix ans. Roland Bron dit même en avoir vu en dessous de 1%.

Dans cette course effrénée que mènent les banques, c’est le volume hypothécaire qui en sort grandi. Il a doublé au cours des quinze dernières années pour s’établir fin 2018 à 1044,6 milliards de francs, selon les données de la Finma. Les grandes banques, les banques cantonales ainsi que les établissements de Raiffeisen captent 76% de cette somme.

Contactée par Le Temps, la Finma admet «observer de très près» cette évolution. Pour lutter contre une surchauffe, l’une des mesures de l’organisme de surveillance des marchés financiers pourrait consister à demander davantage de fonds propres aux banques, comme cela a déjà été le cas par le passé.

Pas d’interdiction des taux zéro

Il est en revanche exclu d’interdire les taux zéro. «La fixation des taux d’intérêt pour des produits bancaires individuels relève de la liberté économique des institutions», rappelle un porte-parole de la Finma. Mais les banques ont la responsabilité du profil de risque de leur client: «Du point de vue de la stabilité du système, il est important que les crédits hypothécaires soient supportables à long terme et donc que leur octroi soit durable.»

Roland Bron voit, lui, deux évolutions futures. La première: le renforcement des règles de financement, notamment afin de prévenir l’afflux des caisses de pension et des privés dans les immeubles de rendement. La seconde: la répercussion des taux négatifs sur les épargnants. «Il y a eu jusqu’à présent une forme de subvention des comptes privés. Pour que la banque puisse conserver sa marge, elle va devoir encore diminuer les taux des dépôts.» Dit autrement: déshabiller l’épargnant pour habiller l’emprunteur.