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MAROC

Maroc : des étudiants congolais dorment devant leur ambassade pour réclamer trois années de bourses impayées

Cela fait trois nuits d’affilée que des étudiants originaires du Congo-Brazzaville dorment devant leur ambassade, à Rabat, pour réclamer le versement de leurs bourses. Images envoyées par "Congo Morning".
Cela fait trois nuits d’affilée que des étudiants originaires du Congo-Brazzaville dorment devant leur ambassade, à Rabat, pour réclamer le versement de leurs bourses. Images envoyées par "Congo Morning".
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Plusieurs dizaines d’étudiants originaires du Congo-Brazzaville campent devant l’ambassade de leur pays à Rabat, au Maroc, depuis le lundi 22 juillet. Étudiants à Marrakech, ils réclament notamment le versement de leurs bourses par l’État congolais, qu’ils attendent... depuis 2016. Une situation que connaissent également leurs compatriotes étudiants dans d'autres pays.

ACTUALISATION (9 août 2019) : Le porte-parole du gouvernement congolais, Thierry Moungalla, a confirmé que le non-versement des bourses était lié à la conjoncture économique, son pays n’étant "pas en mesure de faire face à ses charges courantes" actuellement. En juillet, un accord a d’ailleurs été trouvé entre le Congo-Brazzaville et le FMI, concernant un prêt sur trois ans.

Concernant le non-versement des bourses en 2019, il a précisé que c’était lié au fait que les commissions d’attribution des bourses n’avaient pas encore pu se réunir, notamment en raison des difficultés financières du pays.

Enfin, il a déclaré que trois délégations avaient récemment quitté Brazzaville pour se rendre au Maroc, en Algérie et en Tunisie – où des étudiants rencontrent des problèmes similaires – pour verser les bourses des deux premiers trimestres de 2017. Il a ajouté qu’une autre portion allait sûrement être versée "prochainement" et que le gouvernement réfléchissait à une "solution d’ensemble pour tous les étudiants à l’étranger".

Ces jeunes Congolais étudient tous à l’Université privée de Marrakech, dans les filières techniques : génie civil, nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), agro-industrie et management. Tous sont arrivés au Maroc entre 2014 et 2017, après avoir été orientés par la Direction de l’orientation, des bourses et aides scolaires (DOBAS), de l’État congolais (plus d’informations sur la DOBAS dans cet article).

 

"Il nous manque 32 mois de bourse"

Originaire de Brazzaville, Roland (pseudonyme) étudie les NTIC à l’Université privée de Marrakech depuis 2016. Il explique pourquoi il s’est rendu à l’ambassade de son pays à Rabat, lundi 22 juillet, avec ses camarades.

L'État congolais n’a jamais payé nos frais de scolarité à l'université, comme c'est pourtant prévu [pour les étudiants dépendant de la DOBAS, NDLR]. Du coup, l’université ne nous délivre plus d’attestations de scolarité depuis 2016, ce qui complique l’obtention de la carte de séjour : certains étudiants sont restés sans papiers durant plus d’un an. En mai, nous avons donc fait grève à l’université : heureusement, elle a fini par s’occuper de nos papiers.

Cela dit, comme nos frais de scolarité n’ont toujours pas été payés, l’université refuse actuellement de nous délivrer des conventions de stage, alors que nous devrions tous faire un stage en ce moment. Et sans stage, nous ne pourrons pas valider notre année, donc nous risquons de redoubler.

Autre problème : l’État congolais n’a pas versé nos bourses depuis 2016, alors que nous sommes censés recevoir l’équivalent de 730 euros par semestre. En tout, il nous manque 32 mois de bourse.

Les étudiants réclament 32 mois de bourses non payées. Photo transmise à notre rédaction par "Congo Morning".

 

Sans bourse, il est difficile de vivre. Heureusement, durant l’année, nous sommes logés dans une cité universitaire et nous pouvons manger au restaurant universitaire. Mais en ce moment, pendant les vacances, le restaurant est fermé, donc c’est encore plus difficile. Certains sont aidés par leurs parents, comme moi, mais tout le monde n’a pas cette possibilité. D’autres ont des petits boulots, dans les centres d’appels par exemple, mais c’est difficile à concilier avec les études…

Au cours des derniers mois, nous avons envoyé des lettres au gouvernement congolais et à l’ambassade. Quelques représentants étudiants se sont même déplacés à l’ambassade, mais cela n’a rien donné.

"Nous nous sommes déplacés pour réclamer ce qui nous était dû"

Nous avons donc décidé de nous rendre nous-mêmes à Rabat, à l’ambassade, où nous sommes arrivés lundi matin. Mais nous n’étions qu’une trentaine ce jour-là, alors que nous sommes plus de 200 à l’Université privée de Marrakech, car tout le monde n’avait pas les moyens de venir. Nous nous sommes déplacés pour réclamer ce qui nous était dû, mais également car nous savons que c’est l’endroit où il faut aller en cas de problème : c’est le cas actuellement, car nous ne pouvons plus manger, puisque le restaurant universitaire est fermé.

Quand nous sommes arrivés, nous avons pu entrer à l’intérieur de l’ambassade. L’ambassadeur était là, il nous regardait… Puis quelqu’un nous a dit qu’il était d’accord pour recevoir quelques-uns d’entre nous : nous avons alors répondu que nous étions d’accord s’il parlait avec tout le monde. Mais nous n’avons plus eu de nouvelles par la suite.

"Des agents des forces de l’ordre marocaines nous ont mis dehors"

Vers 21 h, deux agents des forces de l’ordre marocaines sont entrés dans l’ambassade et nous ont dit de sortir. Nous avons protesté, mais ils ont menacé d’appliquer la force. Ensuite, ils sont revenus avec d’autres agents, qui nous ont poussés dehors. Puis l’ambassadeur est sorti du bâtiment, sous escorte, sans rien dire.

À l’intérieur de l’ambassade du Congo-Brazzaville à Rabat, lundi 22 juillet. Vidéo transmise à notre rédaction par "Congo Morning"

Tensions devant l’ambassade, avec les forces de l’ordre marocaines.  

 

Nous avons donc passé la nuit dans la rue, devant l’ambassade, et le lendemain matin, personne n’est venu nous voir. Seuls des policiers marocains sont venus nous dire de quitter les lieux, en nous menaçant de nous chasser.

Après avoir été chassés de l’ambassade, les étudiants ont passé la nuit dehors.

Vidéo tournée devant l’ambassade du Congo-Brazzaville à Rabat, mardi 23 juillet, dans la matinée.

 

"Nous allons rester là jusqu’à ce que l’ambassadeur revienne"

Depuis, c’est le statu quo : nous avons déjà passé trois nuits dehors, et nous n’avons toujours pas revu l’ambassadeur, même si nous voyons des gens entrer et sortir du bâtiment. Nous avons décidé de rester là jusqu’à ce qu’il revienne, même s’il met 20 ans pour revenir ! De toute façon, nous n’avons pas d’argent pour retourner à Marrakech. Désormais, nous sommes une soixantaine, car d’autres étudiants nous ont rejoints depuis Marrakech.

Cela fait trois nuits d’affilée que les étudiants dorment devant leur ambassade.

 

Ce n’est pas facile, car depuis lundi, nous n’avons presque rien mangé, à part des petits bouts de pain et quelques biscuits, et nous n’avons pas de WC, de douches… Hier, mercredi 24 juillet, un étudiant s’est évanoui, sûrement à cause de la faim : nous avons donc appelé les secours et une ambulance est venue une heure plus tard. Il a été examiné à l’hôpital, puis il est revenu passer la nuit avec nous.

Un étudiant congolais s’est évanoui devant l’ambassade de Rabat, mercredi 24 juillet. Photo transmise à notre rédaction par "Congo Morning".

Une ambulance est venue chercher l’étudiant qui s’était évanoui. Vidéo transmise à notre rédaction par "Congo Morning"

 

Depuis le début de l’année, d’autres étudiants congolais réalisant leur cursus à l’étranger et n’ayant pas reçu leurs bourses depuis des mois se sont mobilisés pour réclamer leur versement, au Cameroun, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Russie ou encore à Cuba.

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : À Cuba, la police réprime des étudiants congolais réclamant le versement de leurs bourses

Dans un article que nous avions publié en avril sur la mobilisation étudiante à Cuba, Thierry Moungalla, porte-parole du gouvernement congolais, avait indiqué que le non-versement des bourses était "lié à la conjoncture économique", les ressources publiques étant "insuffisantes pour faire face à l’ensemble des charges".

Mais notre rédaction n’a pas réussi à le joindre à nouveau concernant la situation des étudiants au Maroc. De même, l’ambassade du Congo-Brazzaville à Rabat n’était pas joignable.

 

Article écrit par Chloé Lauvergnier (@clauvergnier)

 

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