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Et 2019 promet d’être encore plus radical, avec plusieurs records de température déjà battus, après 2009, 2015, et 2018… Or c’est l’accumulation de ces épisodes de sécheresse qui fait mourir les arbres, qui ont besoin de deux ou trois ans pour digérer complètement une année de sécheresse. D’autant que leur affaiblissement modifie l’équilibre de leur cohabitation avec les ravageurs. Ainsi le bostryche (un coléoptère qui attaque les épicéas), qui n’est pas un problème en soi, profite de la chaleur pour se reproduire plus vite et prendre le dessus sur des arbres affaiblis. Pour autant «ce sont des individus qui disparaissent, les forêts ne vont pas mourir, mais leur écosystème va radicalement évoluer. Attention à ne pas dresser de scénario apocalyptique.»
Le spectacle est pourtant désolant. Il suffit de se promener dans le Jura, dans le Pays de Gex, en Argovie ou près de Coire pour voir des portions de forêts atteintes de rougissement ou de brunissement, avec leur lot d’arbres séchés sur pied. Risque d’incendies, quand des tapis d’aiguilles de pin séchées et tombées par terre augmentent la biomasse qui peut s’enflammer; risque de perte de substance et d’érosion des sols, dans certaines régions très pentues du Valais central…
De la diversité pour sauver les forêts
«Ce qui va changer, ce sera la composition des forêts, prévoit Andreas Rigling, le chef de la section Dynamique des forêts à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage. Le hêtre va perdre sa domination, sauf dans les stations plus froides, et on verra plus de chênes et de tilleuls, ces essences plus adaptées à la sécheresse. Il faut favoriser la diversité, éviter les plantations d’espèces uniques sur des parcelles entières, comme ce qu’ont fait les Allemands, qui ont des problèmes aujourd’hui avec leurs kilomètres carrés de pins sylvestres; il faut aussi avoir des peuplements d’arbres d’âges variés, cela favorise leur résistance. La nature va régler le problème, la question étant de savoir si ce sera assez vite pour l’être humain.» Les scénarios restent compliqués à imaginer, la situation étant radicalement nouvelle: «Pendant mes études, on n’abordait pas ces problèmes de sécheresse et de chaleur…»
Avec les canicules à répétition, les sapins virent au rouge et les arbres meurent... en Suisse aussi https://t.co/zdHZpApzDe
— Raphaël Arlettaz (@RaphaelArlettaz) 25 juillet 2019
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«Plus on aura d’espèces variées, plus les peuplements seront résilients.» Guillaume Sabot est chef de projet dans l’Ain pour l’Office national des forêts. Lui aussi pense que la monoculture est un risque, et que les forêts résisteront mieux si elles sont plus variées. «Un arbre ne s’épanouit que dans un environnement qui lui convient – la température n’étant qu’un paramètre, à côté de la pluviométrie, de l’ensoleillement, de la qualité du sol. Les épicéas remonteront peut-être de 700 à 1000 mètres, et on plantera peut-être d’autres espèces, mais c’est un vrai défi et il est risqué de trop anticiper; par exemple, dans le Pays de Gex, certains arbres mal en point qui avaient perdu leurs aiguilles résistent finalement mieux que d’autres plus vigoureux, car pour maintenir ses aiguilles il faut beaucoup d’eau. Tout cela pose des questions. Il faut garder en tête que nous sommes sur des cycles longs.»
La France voisine est aussi très touchée par la mort d’arbres. Le manque d’eau a favorisé des épidémies de bostryches, et dans le Pays de Gex on assiste à de très importants dépérissements de sapins, une première. Dans les Vosges et le Jura, l’épicéa aussi est très touché. Et en Haute-Savoie, la tornade du 1er juillet a mis 50 000 arbres à terre.
[Sur @France3tv] En Haute-Savoie, les orages du lundi 1er juillet ont dévasté des centaines d'hectares de #forêts, surtout dans les environs de Magland. L'#ONF appelle tous les promeneurs à la prudence face à la dangerosité du secteur. https://t.co/QxYxC0ymkZ #forêtONF
— Office national des forêts (@ONF_Officiel) 9 juillet 2019