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Dix mots pour tout critiquer sans en avoir l’air

Jemal Countess/AFP

«Cacouac», «histrion», «misonéiste»... Râler est tout un art. Le Figaro vous propose quelques mots pour rouspéter en bonne et due forme.

La canicule, les files d’attente, les malotrus, la saleté et les travaux qui grignotent la ville... Chacun de ces problèmes offre un savant mélange d’énervement et de lassitude propice à la critique. Oui, le «jugement» est consubstantiel à l’esprit français. C’est par lui que passe son besoin de râler. Mais pas seulement. Car celui qui rouspète n’aime pas tant se plaindre qu’exprimer son désir «d’un mieux». Oui, critiquer c’est chercher à améliorer. Quoique la critique ne soit pas toujours bonne à dire, et partagée avec tact... Le Figaro a élaboré une courte liste de mots permettant de ronchonner sans en avoir (encore) l’air.

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● Misonéiste

À l’entendre, il ne faudrait rien changer. Refuser les innovations technologiques, les progrès de la science... Éviter tout pas en avant au risque, selon lui, de faire deux pas en arrière. Cette «tendance d’esprit ou attitude systématique d’hostilité à l’innovation, au changement» se nomme le «misonéisme». Formé sur le suffixe misos «haine, aversion» et le terme neos «nouveau», le «misonéiste» naît au XIXe siècle.

● Nidoreux

C’est absolument irrespirable. Alors que vous venez tout juste d’entrer dans le métro, un parfum désagréable inonde soudainement le wagon. Horreur, les portes viennent de se fermer. Il est désormais impossible de sortir. Vous voilà le nez pris par un relent «nidoreux», c’est-à-dire «une odeur d’œuf pourri». Vous vous écriez alors: «C’est moi ou toute la rame sent le «remugle» ?» Regards interrogateurs. Vous voulez dire que la rame a une «odeur prenante et désagréable qu’exhale ce qui a longtemps été renfermé ou maintenu dans une atmosphère viciée». Voilà qui est dit.

● Papelard, cacouac et «xyloglotte»

Le mot se retrouve très souvent et familièrement employé pour désigner un «papier» dans le monde journalistique. Pourtant, il ne s’agit ici que d’un homonyme. Car dans son premier sens, le «papelard» caractérise un «hypocrite». Son origine est incertaine, note Le Trésor de la langue française. «Papelart» serait un dérivé du verbe de l’ancien français papeler, «manger; marmonner (des prières)», lui-même issu du verbe paper «manger», du latin pappare «manger». Il pourrait également venir de papeloter «bavarder», un terme issu du dialecte de Mouzon, dans les Ardennes.

Ainsi, on peut très bien dire d’une personne qui ment «sous une apparence doucereuse et affable» qu’elle «papelarde». De la même façon, on peut utiliser le substantif «patelin», pour décrire une «personne qui affecte une douceur et une amabilité trompeuses destinées à duper son entourage et à dissimuler ses véritables intentions». OU plus simplement, un «xyloglotte», c’est-à-dire une «personne pratiquant la langue de bois. Voltaire peut aussi être très utile pour décrier les tartuffes. L’auteur de Candide a en effet inventé le mot «cacouac» pour désigner «des sophistes ridicules».

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● Cacostomie

Les latinistes auront reconnu la forme: «cacos». Cela étant, le mot «cacostomie» n’a rien à voir avec ce que tout un chacun peut faire au petit coin. Du grec kakos «mauvais» et stoma «bouche», il désigne la «mauvaise odeur de la bouche». Un peu comme le laisse entendre le nom «halitose», cette «mauvaise haleine» caractéristique de celui qui vient de se réveiller. Dans les deux cas, les termes peuvent s’employer pour parler des exhalaisons fétides d’un collègue sans en avoir l’air.

● Le bélître, ce béjaune

Il y en aura toujours. Des importuns, niais, qui étaleront leur culture comme de la confiture. Oui, ceux-là, sont ce que l’on pourrait nommer des «bélîtres». Le mot a des racines incertaines. Ce dernier pourrait provenir du moyen néerlandais bedelare ou du moyen bas allemand bedeler, «mendiant, gueux». Il est vrai, à l’origine au XVe siècle, que le terme s’emploie pour décrire des «gueux, coquins, mendiants». Ce n’est qu’après moult évolutions que le nom prit par extension les sens de «sot, homme de rien, importun». Le terme peut être rapproché du substantif «béjaune», «jeune homme niais et sans expérience», peut-on lire dans le Dictionnaire de l’Académie française.

● Histrion

Et s’il y aura toujours des «bélîtres», il en sera de même des «histrions». Ces «mauvais comédiens» qui sont toujours dans la démonstration, dans le spectacle et surjouent leurs émotions afin que l’on parle d’eux. Quitte à le faire en mal. Emprunté au latin classique histrio «mime; comédien, acteur», le mot a pu désigner à l’époque romaine un «acteur qui jouait des farces grossières et des satires», puis durant l’ère médiévale, un «acteur ambulant, mime qui se produisait sur les places publiques». De nos jours, le terme a pris un sens péjoratif. On l’utilise surtout pour décrire un «fanfaron, un faiseur d’embarras», «celui qui joue un rôle». Par exemple, en politique.

● Matamore

Le nom fait écho à celui du personnage de L’Illusion comique de Corneille. Et plus généralement au «personnage de la comédie espagnole qui se vante à tout propos de ses exploits guerriers contre les Maures et que l’on représente généralement en uniforme chamarré au geste large et au verbe haut». De nos jours toutefois, le «matamore» désigne surtout un «faux brave, vantard plus courageux en paroles qu’en actes». Il est la parfaite illustration de la locution ironique: «Courageux mais pas téméraire».

● Pouacre

L’adjectif est quelque peu transparent. Il ne viendrait sûrement à l’idée de personne de douter de son sens en le prononçant. Cela étant, le mot a l’avantage de joindre le fond et la forme. Il s’emploie pour désigner un individu «très sale, très laid et repoussant». Bien que l’adjectif soit vieilli on le note encore sous la plume d’un Raymond Queneau, dans Zazie dans le métro en 1959: «Des garçons vêtus d’un pagne commençaient à servir (...) une choucroute pouacre parsemée de saucisses paneuses.»

À noter que le mot peut être employé comme synonyme du mot «avare» et désigner, en ornithologie, «certaines espèces de hérons».

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