Il n'y a jamais eu autant de billets de 100 $ dans le monde
#MONEYSTORY | Le billet vert où apparaît Benjamin Franklin connaît une récente et étonnante popularité. Pourquoi en circule-t-il autant ?
- Publié le 26-07-2019 à 15h04
- Mis à jour le 26-07-2019 à 17h20
#MONEYSTORY | Le billet vert où apparaît Benjamin Franklin connaît une récente et étonnante popularité. Pourquoi en circule-t-il autant ?
Il n'y a jamais eu autant de coupures de 100 dollars en circulation dans le monde qu'en ce moment, selon les données de la Banque centrale américaine. Le volume a doublé depuis la crise financière et, en 2017, le plus cher des billets US a même détrôné celui d'1 $.
"Qu'est-ce qui explique cette recrudescence des Benjamin, comme on les appelle, alors que les options de paiement sans cash essaiment de jour en jour", s'interroge le Fonds monétaire international (FMI), se demandant si les Américains se montrent soudainement nostalgiques des billets à l’effigie du père fondateur des Etats-Unis.
L'explication se voudrait plus terre-à-terre.
La demande globale en dollars enregistre effectivement un nette progression, lors de laquelle le billet de 100 dépasse ses pairs tant en volumes qu'en valeur cumulée. Fait notable, l'écrasante majorité des Benjamins est détenue hors des frontières américaines.
"Près de 80% sont à l'étranger, contre plus de 60% de l'ensemble des billets. Une proportion en hausse de près de 30% depuis 1980", précise la Federal Reserve de Chicago.
Il conviendrait de voir dans ces flux monétaires les conséquences de l'instabilité géopolitique, les billets verts servant de valeur-refuge, s'accordent à dire certains économistes. Une explication qui colle avec la courbe des volumes de papier-monnaie depuis 2008.
"Il est impossible de savoir où se trouvent précisément ces billets de 100 $", écrit Melinda Weir, membre de l'équipe Finance & Development du FMI.
Bien sûr, poursuit-elle, on imagine l'attrait pour l'agent liquide dans contrées instables comme le Venezuela ou certaines régions du Moyen-Orient. La méfiance pour les monnaies locales influence d'autant plus la demande pour le dollar américain, devise à forte valeur acceptée dans le monde entier.
La monnaie du crime ?
On peut également trouver d'autres explications à ce phénomène, dont la première tient à l'économie parallèle.
L’économie clandestine, souterraine, criminelle, tout cela contribue certainement à l’attrait, sait-on au FMI, compte tenu des efforts croissants pour lutter contre le blanchiment d'argent.
Le développement des systèmes de paiement numériques qui, exception faite de certaines cryptomonnaies anonymes, assurent généralement une plus grande traçabilité, peut alors jouer un rôle de catalyseur.
Kenneth Rogoff, professeur d'économie à l'Université de Harvard et ancien économiste en chef du Fonds monétaire internaional, a de façon répétivité établi un lien étroit entre activités illicites et les gros billets de banque.
"Les appartements et les maisons dans les grandes villes du monde entier sont payés quotidiennement avec des valises, et ce n'est pas parce que les acheteurs ont peur des faillites bancaires", avait-il un jour déclaré.
D'ailleurs, l'environnement financier actuel, caractérisé par des taux d'intérêts au plancher et une inflation faiblarde, renforcerait encore le pouvoir d'attraction du billet vert. Sans oublier que le dollar américain domine les réserves de monnaies nationales détenues dans d'autres pays.
Un billet coûteux
Les grosses coupures restent une cible privilégiée des mesures prises par les autorités pour freiner l'évasion fiscale et décourager toutes les formes de corruption. Chez nous, faut-il rappeler que la Banque centrale européenne a cessé la production des billets de 500 euros au début de cette année.
"Cependant, rien n'indique que les Benjamins sont sur le point de disparaître", souligne le FMI.
Des raisons pragmatiques plaident en leur faveur, tel que le coût de remplacement. Injecter des volumes plus élevés de coupures de 50 dollars pour compenser demanderait des dépenses excessives, malmenant ainsi les intérêts que la banque centrale perçoit pour l’émission de la monnaie.
À titre indicatif, le Conseil des gouverneurs, l'autorité émettrice des billets de la Réserve fédérale, a prévu pour 2019 la production d'environ 1,5 milliard de billets de 100 $, pour une valeur de 155,88 milliards de dollars. Ce qui représente 22 % des volumes totaux de dollars américains à imprimer cette année pour 75 % de la valeur cumulée.
En synthèse, malgré les Visa/Mastercard, PayPal et autres Apple Pay, rien n’indique encore que la légion de Benjamin va prochainement voir ses rangs décimés.