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Marcel Duchamp en 3 minutes

En bref

Marcel Duchamp (1887–1968), inventeur de la roue ? Presque, en tout cas celui du célèbre ready-made Roue de bicyclette sur un tabouret en 1913. Le concept de ready-made (soit « l’objet tout fait ») a révolutionné le statut de l’œuvre au XXe siècle. Duchamp était lui-même un artiste atypique. Abandonnant la peinture, cet inventeur, marqué par le dadaïsme et le surréalisme, va faire primer l’idée sur le résultat. Son apport à l’art moderne est de nature conceptuelle, et beaucoup voient en lui le père de l’art contemporain.

Marcel Duchamp, New York, 1966
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Marcel Duchamp, New York, 1966

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© Bridgeman Images

Il a dit

« Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. »

Sa vie

Marcel Duchamp est né près de Rouen dans une famille bourgeoise. Il a six frères et sœurs, dont certains deviendront comme lui des artistes. Intéressé très jeune à l’art (mais aussi au jeu d’échec, qu’il pratique toute sa vie à haut niveau), Marcel mène de brillantes études dans un établissement rouennais avant de s’installer à Paris en 1904.

Duchamp apprend la peinture dans une académie moderne. Mais, esprit non classique, il préfère courir les cabarets et jouer au billard. Il échoue au concours d’entrée à l’École des beaux-arts de Paris. Jusqu’en 1910, il explore différents styles, de l’impressionnisme au cubisme. À cette époque, Duchamp est proche des artistes du groupe de Puteaux, réunis autour de ses deux frères aînés, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon. En 1912, l’exposition au Salon des indépendants de son Nu descendant un escalier, sorte de synthèse entre le cubisme et le futurisme, divise ses amis artistes. Marcel Duchamp s’engage alors dans de nouvelles recherches.

L’un des tournants dans la vie de Duchamp est son introduction à New York, à l’occasion de l’Armory Show en 1913, une grande manifestation d’art moderne. S’il a déjà commencé à produire des ready-made, c’est en s’installant aux États-Unis que Duchamp va mûrir son projet. En détournant des objets utilitaires et supposés peu esthétiques, en exposant des produits manufacturés, Duchamp s’interroge sur le rôle de l’artiste et sur la valeur de l’œuvre d’art. Exilé à New York à cause de la Grande Guerre, Duchamp y recompose un cercle d’amis dont le couple Arensberg, Louise et Walter qui deviendront ses principaux mécènes.

La carrière de Duchamp oscille entre coup d’éclats, scandales (celui de Fountain, notamment, en 1917), et projets au long court. Dès 1912, il se lance dans l’aventure du Grand Verre, terminé des années plus tard. Plus encore, Duchamp mit vingt ans à réaliser sa dernière grande œuvre,  Étant donnés, achevée en 1966, deux ans avant sa mort.

Son lien avec le surréalisme est complexe mais ses participations aux manifestations du groupe sont souvent décisives (notamment en 1938). L’artiste cultive un certain art de la dérision, voire du nihilisme. Le hasard et le travestissement ont joué un rôle actif dans son imaginaire artistique. Dans les années 1920, Duchamp se crée un alter ego d’allure androgyne, Rrose Sélavy, personnage qui devient une œuvre en elle-même.

En 1954, le couple Arensberg offre sa collection d’œuvres de Duchamp au musée de Philadelphie. À partir de cette date, la célébration de l’artiste, père de l’art contemporain, est mondiale. Il meurt en 1968 à Neuilly-sur-Seine.

Ses œuvres clés

Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier
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Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier, 1912

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Huile sur toile • 147 × 89,2 cm • Coll. Philadelphia Museum of Art, Philadelphie • © Bridgeman Images / © Adagp, Paris 2018

Nu descendant un escalier, 1912

Duchamp a conçu cette œuvre dynamique en s’inspirant notamment des chronophotographies de Étienne-Jules Marey et de Eadweard Muybridge, deux scientifiques qui étudiaient la décomposition du mouvement. Ce nu a fait polémique au Salon des artistes indépendants de 1912. À mi-chemin entre cubisme et futurisme, l’œuvre est jugée trop ambiguë par les propres amis de Marcel Duchamp pour être exposée. Mais elle est présentée à New York lors de l’Armory Show de 1913 où elle fait sensation.

Marcel Duchamp, Roue de bicyclette
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Marcel Duchamp, Roue de bicyclette, 1913–1964

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Roue de bicyclette et fourche montées sur tabouret • 126,5 × 63,5 × 31,8 cm • Coll. The Israel Museum, Jérusalem • © Bridgeman Images / © Adagp, Paris 2018

Roue de bicyclette, 1913–1964

Ce ready-made, dont l’original a disparu, constitue le premier du genre. Dans l’esprit dada, Duchamp a juxtaposé deux éléments antinomiques : l’un dynamique, une roue ; l’autre statique, un tabouret, opposés par leur couleur. En les associant, Duchamp crée un objet original et inutile, loin de toute définition classique de la beauté, et bouleverse la conception des œuvres d’art. L’objet en lui-même n’est pas le plus important, c’est l’idée qui prime. Comme Léonard de Vinci, Marcel Duchamp estime que l’art est d’abord une création de l’esprit.

Marcel Duchamp, Fontaine (urinoir)
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Marcel Duchamp, Fontaine (urinoir), 1917–1964

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Céramique • 36 × 48 × 61 cm • Coll. The Israel Museum, Jérusalem • © Bridgeman images / © Adagp, Paris 2018

Fontaine (urinoir), 1917–1964

Il s’agit de l’une des œuvres les plus controversées du XXe siècle. Duchamp a pris un objet utilitaire, vulgaire, et l’a transformé en œuvre d’art en voulant l’exposer dans un musée sous un pseudonyme (R. Mutt). L’artiste se montrait volontiers provocateur, bousculant les codes. Puisque l’art est « cosa mentale », la question de l’original importe peu à Duchamp qui a souvent décliné ses œuvres en de multiples exemplaires et reproductions. Cette œuvre est considérée par certains historiens comme l’acte de naissance de l’art contemporain.

Marcel Duchamp, Le Grand Verre (La mariée mise à nu par ses célibataires, même)
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Marcel Duchamp, Le Grand Verre (La mariée mise à nu par ses célibataires, même), 1915–1923

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Plomb • 2,775 × 1.759 m • Coll. Philadelphia Museum of Art, Philadelphie • © Association Marcel Duchamp / ADAGP, Paris 2018

Le Grand Verre (La mariée mise à nu par ses célibataires, même), 1915–1923

Œuvre énigmatique, le Grand Verre est l’un des grands projets de Marcel Duchamp. Inachevée, elle est pensée par l’artiste comme un work in progress, une œuvre conceptuelle et quasiment indéchiffrable. Éléments personnels empruntés à des choses vues, à des souvenirs, à des poèmes, elle signe le détachement de Duchamp à la tradition picturale. Le hasard joue le rôle de chef d’orchestre en imposant à Duchamp sa propre logique. Cette œuvre est considérée comme une création unique au sein de l’art moderne.

Par • le 18 juin 2018
Retrouvez dans l’Encyclo : Surréalisme Marcel Duchamp

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