La FTC n’est pas unanime sur l’amende de 5 milliards d’euros contre Facebook. Au sein de l’institution, quelques voix dissidentes estiment qu’il aurait fallu exiger plus ou faire payer plus cher ce qui est reproché au réseau social. Et même poursuivre Mark Zuckerberg en justice.

Tout le monde n’est pas d’accord avec la décision de la Commission fédérale du commerce (FTC) d’infliger une amende de 5 milliards de dollars à Facebook et de l’obliger à procéder à un certain nombre de réaménagements. Y compris au sein de la FTC elle-même. En effet, les cinq commissaires de l’institution n’ont pas approuvé à l’unanimité les solutions pour faire rentrer le réseau social dans le rang.

La division est d’ailleurs profonde et il s’en est fallu de peu pour que capote l’accord avec Facebook : trois voix contre deux. La fracture de la FTC sur ce sujet est aussi politique : les trois votes favorables viennent de Républicains (Joseph Simons, Noah Joshua Philips et Christine Wilson), tandis que les deux autres sont issues de Démocrates (Rohit Chopra et Rebecca Kelly Slaughter).

Voix discordantes à la FTC

Dès le 24 juillet, jour où a été rendue publique la décision de la FTC, Les deux Démocrates ont d’ailleurs chacun des déclarations dissidentes pour marquer leur opposition avec les conclusions de leurs collègues.

Rohit Chopra. // Source : FTC

Rohit Chopra.

Source : FTC

« Je pense que les commissaires ont interrompu l’enquête trop tôt », commente ainsi Rohit Chopra dans un développement de 21 pages. « Nous aurions dû poursuivre l’enquête afin d’obtenir plus de données et de preuves sur ce que Facebook et ses dirigeants savaient et comment ils en ont profité. Si Facebook ne coopérait pas, la FTC disposait d’assez de preuves pour poursuivre Facebook et Zuckerberg en justice ».

Il considère que « Le règlement proposé ne fait pas grand-chose pour changer le modèle d’affaires [de Facebook] ». Il « n’impose aucun changement significatif » à la structure de l’entreprise ou aux incitations financières qui ont mené à ces violations, poursuit le commissaire. De plus, rien n’est prévu pour restreindre « la surveillance de masse ou les tactiques publicitaires » de Facebook.

« Le règlement ne fait pas grand-chose pour changer le modèle de Facebook »

« Lorsque les entreprises peuvent enfreindre la loi, payer de lourdes pénalités et réaliser des profits tout en conservant leur modèle d’affaires intact, on ne peut prétendre à la victoire. Si nous ne pouvons pas résoudre ces problèmes, alors les décideurs politiques doivent se réunir […] pour faire face aux modèles d’entreprise qui reposent sur la surveillance et qui profitent de la manipulation », conclut-il.

Même son de cloche pour Rebecca Kelly Slaughter. Dans son message de 15 pages, elle soutient qu’il aurait fallu mener Facebook et son patron en justice: « Plutôt que d’accepter ce règlement, je crois que nous aurions dû intenter une poursuite contre Facebook et son PDG, Mark Zuckerberg ». Elle craint que ni l’ordonnance ni la sanction pécuniaire ne dissuadera Facebook de commettre de nouvelles infractions.

Certes, elle admet que la pénalité de 5 milliards de dollars est bien historique au regard des précédentes sanctions décidées par la FTC. Mais elle n’est en réalité pas si élevée que cela lorsqu’elle est jaugée à l’aune des activités et des profits de Facebook. Le site « engrange environ 5 milliards de dollars par mois » (4,5 par mois de CA pour 1,8 de bénéfices par mois en 2018), relève-t-elle.

Outre le montant de la peine, d’autres points de l’accord préoccupent la commissaire : la décharge de responsabilité des dirigeants de Facebook pour des faits avant une certaine date (12 juin 2019). Cette exonération est excessive, alors qu’elle fait observer « qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’un reportage révèle un comportement potentiellement illégal de la part de Facebook ».

L’avenir dira si ces craintes étaient justifiées.


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