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Interview

L'intensité des ouragans renforcée par le réchauffement climatique

Alors que Dorian se dirige vers les côtes de Floride, Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques de Météo-France et spécialiste de ces questions, revient sur le phénomène météorologique des ouragans, et détaille le lien entre leur intensification et le changement climatique.

Les dégâts de l'ouragan Dorian sont déjà estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Les dégâts de l'ouragan Dorian sont déjà estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros. (HO/NOAA/RAMMB/AFP)

Par Hélène Gully

Publié le 3 sept. 2019 à 16:01

Classé en catégorie 5, l'ouragan Dorian a frappé lundi l'archipel des Bahamas, avec des vents frôlant les 300 km/h. Les dégâts sont déjà estimés à plusieurs dizaines de millions d'euros. Mais si Dorian défraie la chronique cette année, avant lui Harvey, Matthew, Irma ou encore Maria ont aussi semé la panique et le chaos sur la planète.

Fabrice Chauvin, chercheur au Centre national de recherches météorologiques de Météo-France et spécialiste de ces questions, revient sur le phénomène météorologique des ouragans, et détaille le lien entre leur intensification et le changement climatique.

Quelle est la différence entre ouragan, cyclone et typhon ?

Il n'y en a pas. Il s'agit du même phénomène mais l'histoire leur a attribué des noms distincts en fonction des bassins océaniques où ils se forment. Le terme « ouragan » désigne donc les cyclones sévissant en Atlantique et dans le Nord-Est du Pacifique, « typhon » dans celui utilisé dans le Nord-Ouest du Pacifique et cyclone tropical est un terme générique.

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Comment se forment-ils ?

A l'origine, ce sont souvent des perturbations atmosphériques, comme des petites dépressions, qui constituent le noyau autour duquel le cyclone se crée. Des cumulonimbus se forment ensuite et finissent par s'organiser, en tournant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère nord et dans le sens normal dans l'hémisphère sud. Ce phénomène devient un ouragan lorsque les vents atteignent au moins 33 mètres par seconde, soit 119 km/h.

Pour qu'un ouragan apparaisse, il faut des conditions favorables telle qu'une forte humidité dans l'atmosphère, des eaux chaudes, et une variation faible du vent avec l'altitude.

Que signifient les catégories ? Est-ce envisageable d'en créer une nouvelle ?

C'est une échelle qui a été inventée à la fin des années 60 par Saffir et Simpson afin de donner un ordre d'idée des potentiels dégâts. La catégorie 1 est donc la plus faible, les dégâts sont peu nombreux, et a contrario, la catégorie 5 signale que l'endroit va être ravagé. Ces catégories sont basées sur la force du vent.

Concernant la création d'une catégorie 6, les bienfaits n'en sont pas avérés. Il est vrai que certains la réclament étant donné la violence des derniers ouragans. Mais est-ce vraiment la peine ? La catégorie 5 implique déjà une dévastation quasi totale de l'endroit qui est frappé.

Et en créer une sixième serait très compliqué puisqu'il faudrait revisiter toute la base de données existante pour répertorier les ouragans et vérifier s'ils ne peuvent pas rentrer dans cette potentielle nouvelle catégorie. Ce serait une procédure très longue et coûteuse.

En à peine quatre ans, cinq ouragans de catégorie 5 ont été recensés. Est-ce qu'il y a une recrudescence de ces phénomènes ?

Il faut rester très prudent sur l'affirmation de cette tendance. Déjà parce que la base de données dont nous disposons manque d'homogénéité temporelle. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, les cyclones étaient répertoriés après avoir été observés de visu. Donc il est très probable que nous en ayons raté beaucoup.

Ce n'est pas rigoureux de comparer le nombre d'ouragans du début du siècle avec les données actuelles. Ce n'est que depuis la fin des années 70, avec l'avènement du satellite, que l'on peut avoir la certitude de n'avoir rien manqué.

De plus, l'Atlantique nord est une zone qui est sujette à ce qu'on appelle une variabilité à l'échelle multidécennale. Ca veut dire qu'en fonction des décennies, l'océan est plus ou moins chaud, ce qui constitue un paramètre essentiel dans la formation des cyclones tropicaux. Or il se trouve que nous sommes en phase chaude. Et c'est un phénomène naturel.

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Il n'y a donc pas de lien véritable entre réchauffement climatique et ouragan ?

Si. Même s'il est encore trop tôt pour affirmer quoique ce soit, il est tout de même possible que le réchauffement climatique ait un impact sur l'intensité de ces cyclones. Les modèles météorologiques ont tendance à le montrer en tout cas.

Des études récentes sont d'ailleurs parues en expliquant que si le changement climatique n'allait pas entraîner une augmentation du nombre des ouragans, voire au contraire entraîner une baisse, en revanche il allait les faire gagner en intensité.

Ce qui est probable aussi c'est l'augmentation des pluies torrentielles. Or ces dernières peuvent provoquer des glissements de terrain ou des coulées de boues. De toute façon, même si les cyclones gardaient une intensité équivalente, à cause du réchauffement climatique, le risque d'inondations devrait s'aggraver à cause de la montée du niveau de la mer.

Est-ce qu'il est possible que le changement climatique modifie aussi la trajectoire des ouragans ?

Des études ont en effet détecté une tendance de la zone cyclonique à s'étendre. Autrement dit, des endroits qui n'avaient pas l'habitude d'être confrontés à ces phénomènes peuvent désormais se retrouver en plein dedans. Ce qui peut devenir un vrai problème pour ces lieux autrefois préservés et qui contrairement aux autres n'ont pas la culture des cyclones tropicaux et les infrastructures pour s'en protéger.

Hélène Gully

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