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Afghanistan : « Le plus important pour Donald Trump, c’est de conclure un accord avant l’élection présidentielle »

Gilles Dorronsoro, spécialiste de l’Afghanistan, analyse l’accord que les Etats-Unis tentent de conclure avec le mouvement fondamentaliste islamiste des talibans.

Propos recueillis par 

Publié le 06 septembre 2019 à 11h43, modifié le 06 septembre 2019 à 19h06

Temps de Lecture 3 min.

Lundi 2 septembre, un attentat au tracteur piégé, commandité par les talibans, a fait au moins trente morts et une centaine de blessés dans le centre de Kaboul.

Depuis un an, les Etats-Unis cherchent à conclure un accord avec les talibans pour entamer le retrait de leurs troupes en Afghanistan, envoyées en 2001 par le gouvernement Bush après les attentats du 11-Septembre. Ces derniers jours, des éléments de cet accord, sur le point d’être signé, ont filtré, provoquant une vive inquiétude du côté du gouvernement afghan et de certains observateurs, qui craignent une recrudescence des violences dans le pays. Une peur attisée par l’augmentation des attentats commandités par les talibans ces dernières semaines.

Gilles Dorronsoro, enseignant-chercheur à la Sorbonne et spécialiste de l’Afghanistan, explique au Monde ce qui se joue actuellement à Doha, au Qatar – où ont lieu les discussions – et les conséquences que cet accord pourrait avoir sur l’Afghanistan, déchiré par la guerre depuis plus de quarante ans.

Où en est l’accord entre les Etats-Unis et les talibans ?

Les Américains ont, pour l’essentiel, lâché l’Afghanistan. Les négociateurs ont laissé entendre qu’un retrait de cinq mille hommes sur trois à quatre mois [13 000 à 14 000 soldats américains sont actuellement déployés] est envisageable, et parlent d’évacuer la plupart de leurs bases. On voit que la dégradation de la situation militaire a conduit les Etats-Unis à une position beaucoup plus souple.

Les Américains avaient, avant la présidence Trump, une position très dure : les talibans devaient déposer les armes et reconnaître le gouvernement. Mais à partir du moment où Zalmay Khalizad [le négociateur américain] a pris les négociations en main, il a renoncé à toutes les préconditions. Le plus important pour Donald Trump, c’est de conclure un accord avant l’élection présidentielle de 2020. Il n’est plus question d’obliger les talibans à reconnaître le gouvernement ou à déposer les armes, ce sont aujourd’hui des négociations strictement limitées aux intérêts nationaux des Etats-Unis.

Le deal, c’est : on ne vous impose pas de sanctions et en échange vous liquidez l’organisation Etat islamique (EI) et vous tenez Al-Qaida sous contrôle.

Pourquoi l’accord tarde, alors que Donald Trump souhaitait une signature dès le 1er septembre ?

Le retard peut venir d’un blocage avec le régime de Kaboul qui, en ce moment, est dans une situation complexe, puisqu’il y a une campagne pour l’élection présidentielle qui doit se tenir le 28 septembre. Mon hypothèse, c’est que les Américains sont en train de faire pression sur le président, Ashraf Ghani, pour annuler l’élection et lancer, à ce moment-là, une négociation interafghane. Or M. Ghani n’aurait très probablement pas été élu en 2014 sans les fraudes massives qui ont eu lieu. S’il renonce à l’élection présidentielle, il sera fini politiquement.

Il cherche donc à contraindre les talibans à le reconnaître comme interlocuteur [ce qui n’est plus exigé par les Etats-Unis], mais les insurgés sont en position de force, donc je ne vois pas pourquoi ils accepteraient. Avec environ 50 % du territoire sous leur contrôle et un effondrement des forces de sécurité afghanes, le temps joue en leur faveur.

Y a-t-il tout de même un espoir pour que la paix s’installe dans le pays après la signature de l’accord ?

Certes, les talibans sont considérés dans la région comme des interlocuteurs responsables, contrairement à l’idée que le public occidental s’en fait. Ils ont été reçus par la plupart des puissances de la région, car ils représentent un mouvement nationaliste qui respecte les frontières internationales. De plus, ils luttent contre l’EI, ce que le gouvernement actuel n’est pas capable de faire.

Pour autant, il est exclu pour eux de participer à des élections concurrentielles, car leur soutien populaire est limité. De plus, la paix signifierait fusionner les troupes talibanes et l’armée régulière, ce qui paraît très difficile. Il est peut-être envisageable d’avoir un cessez-le-feu avec un cantonnement des troupes dans des lieux séparés, mais la situation serait extrêmement instable.

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Paradoxalement, le plus simple est de se mettre d’accord sur une Constitution, car la classe politique afghane est globalement fondamentaliste et idéologiquement pas si éloignée des talibans, mais la question des élections serait compliquée à gérer. Donc, le plus probable, c’est que les Américains se contentent d’un accord sur la sécurité internationale avec les talibans. Avec une forte probabilité de voir la guerre civile continuer en Afghanistan.

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