« C’était répugnant, et personne ne disait rien » : les soirées de Trump et Epstein racontées par Robert Goolrick

Robert Goolrick à Paris en juillet 2019.

Robert Goolrick à Paris en juillet 2019. JOEL SAGET / AFP

Critique  Dans son nouveau livre, Robert Goolrick dépeint la chute de la maison Amérique, malade d’une tumeur mortelle qui s’appelle le trumpisme.

C’est l’histoire d’un paria : ancien prince de Wall Street, Rooney n’a plus un sou vaillant. Ses anciens amis ne lui adressent plus la parole. Seuls ses souvenirs consentent à lui tenir compagnie, dans le lit à baldaquin du cabanon de Virginie où il s’est retranché du monde, à 70 ans, entouré des vestiges de sa vie. Il fume, il rêve, il pense à Cézanne, à Proust et à Artaud « le plus bel homme du monde ».

Il voit passer, sur la rivière en contrebas, des voiliers somptueux qui lui rappellent l’époque où le monde était un terrain de jeu dont il était l’arbitre. Porté par une écriture élégante et nostalgique, ce nouveau roman de Robert Goolrick (prix Fitzgerald 2015 pour son remarquable livre « la Chute des princes ») est aussi un hommage à une France dont il clame souvent qu’elle est sa seule patrie.

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Mais la force du livre tient également à la manière dont Goolrick dépeint la chute de la maison Amérique. Une terre fracturée, malade d’une tumeur mortelle qui s’appelle le trumpisme.

Balance ton Trump

On se délectera, en particulier, de l’inénarrable chapitre intitulé « Rencard à quatre avec Donnie à la Grenouille » – Donnie pour Donald. Goolrick raconte comment Trump propose à Rooney, qu’il a rencontré au temps où Trump enchaînait les faillites immobilières, de passer la soirée avec deux prostituées venues de Roumanie, deux jumelles qui ne comprennent visiblement pas ce qui leur arrive, mais trop ce qui les attend.

« Par-dessus son smoking, Trump portait une écharpe étroite en soie blanche, mon Dieu, quelle vulgarité, et il avait ce même air réjoui que ses fils auraient plus tard, après avoir massacré un éléphant en Afrique. »

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Ainsi Goolrick met-il directement en cause un système de viol organisé dont Jeffrey Epstein (le personnage, cité nommément par Goolrick, passionne actuellement les médias américains) semble avoir fait profiter tout ce petit monde :

« Epstein séquestrait les filles dans sa propriété de neuf étages, tout en continuant à en draguer d’autres. C’était répugnant, et personne ne disait rien. »
Ainsi passe la gloire du monde, par Robert Goolrick, traduit de l’anglais par Marie de Prémonville, Anne Carrière, 196 p., 22 euros.

Paru dans « L’OBS » du 29 août 2019.

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