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Politique

Moix-Ruquier, Ramadan-Bourdin : Pourquoi ça coince ?

Laurent Ruquier face à Yann Moix comme Jean-Jacques Bourdin face à Tariq Ramadan ont failli dans leur rôle de contradicteur, au nom de la politique spectacle. Fallait-il seulement les inviter? 

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Jouant uniquement le "coup médiatique", Laurent Ruquier face à Yann Moix ou Jean-Jacques Bourdin face à Tariq Ramadan ont oublié qu'ils étaient journalistes.

Le sujet est trop incandescent pour éviter cette double précision liminaire: Laurent Ruquier (On n’est pas couché, France2) a été horrifié à la lecture des textes de jeunesse antisémites et négationnistes de son ex-collaborateur Yann Moix, cela ne fait aucun doute, ses engagements depuis l’adolescence en attestent; Jean-Jacques Bourdin, journaliste star de RMC et BFM, n’éprouve pas la moindre sympathie envers le prédicateur islamiste Tariq Ramadan accusé de nombreux viols. À l’inverse d’Edwy Plenel par exemple, il n’a jamais fait preuve de complaisance envers cet idéologue d’un islam radicalisé, ses interventions et remarques quotidiennes en témoignent pour lui.

Ruquier, maître du talk show télévisuel, a invité Moix à s’expliquer sur son plateau, en longueur et, en principe, dans le détail. Un « bon coup » dans la novlangue des médias. Bourdin, « interrogateur » redouté, a obtenu les premières déclarations de Ramadan depuis sa sortie de prison après quelques mois de détention préventive. Un « scoop » dans sa définition la plus précise. Pourtant le « bon coup » provoque le désarroi. Pourtant le « scoop » passe mal. Comme si Ruquier et Bourdin, l’animateur et le journaliste, n’étaient plus au diapason de la psychologie collective.
Comme s’ils avaient l’un et l’autre « décroché » du sentiment commun.

Dégoût


Il y a quelques temps encore, la confession de Moix s’excusant avec humilité des horreurs antisémites jadis proférées ou la dialectique perverse de Ramadan osant la comparaison entre sa situation face à la justice et celle du...capitaine Dreyfus auraient « fabriqué » deux retentissants scandales médiatico-politiques embrasant le Tout-Paris. Quelques exégètes de bon aloi se seraient interrogés- et opposés- sur la fonction de Ruquier et de Bourdin, leur place dans le fameux « système », la dignité (ou l’indignité) de leur prestation respective- Moix et Ramadan, par définition, étant présent pour se «disculper» d’une façon ou d’une autre. Des responsables politiques auraient à coup sûr fait connaître leurs avis péremptoires et condamnations définitives. Or, changement notoire, la gêne cette fois a dominé, la lassitude. Le « système », toujours lui, nous plongeait à répétition dans un cloaque et nous voulions à toute force nous en extirper. Nous n’étions pas fascinés ou happés, mais dégoûtés.

C’est cela, précisément, que Laurent Ruquier et Jean-Jacques Bourdin, «professionnels» d’exception parce que jusque là « collés » aux préoccupations du fameux « public », n’ont cette fois pas anticipé. Trop de succès pour ne pas être désormais déconnecté. Cette certitude de l’infaillibilité, de la domination mécanique sur l’invité, sur le contradicteur. Or ça n’a pas marché: face à la désolation Moix, Ruquier était tétanisé, absent, incapable de formuler les bonnes relances, les interrogations nécessaires, tout ce dont il est coutumier; quant à Bourdin, il n’a pas su s’extirper de la tentacule Ramadan, dialecticien hors pair utilisant le studio et les caméras tel une tribune de meeting, sans jamais prêter la moindre attention aux questions posées. L’islamiste était là pour dévider sa pelote de pleureuse idéologique victime d’un complot anti-musulman et nul n’était en mesure de le ramener pour de bon au « sujet », les viols supposés, certainement pas Bourdin. Le « système » et deux de ses vedettes emblématiques pris au piège, à leur propre piège.

 

Spectacle de l'information



Depuis ces deux « spectacles » guère affriolants, M6 s’est séparé de Yann Moix qui animait un débat sur l’une des chaînes du groupe, Paris Première, émission produite par une collaboratrice de... Ruquier; la direction de France Télévision ne se prive pas de faire savoir qu’elle désapprouve l’invitation faite à Moix et qu’elle s’interroge quant à l’avenir de Ruquier; les sites de BFM et de RMC ont l’honnêteté de reconnaître que l’échange Ramadan-Bourdin provoque au moins des interrogations. Impossible en effet à l’heure des réseaux sociaux d’occulter une réalité nouvelle, serait-elle déplaisante pour les médias et les médiateurs. Et si le temps de l’exhibitionnisme était en passe d’être révolu? Ce serait la seule conséquence positive de ce double marasme. Mais sommes-nous seulement en mesure de tirer la conséquence de cette conséquence: était-il opportun, éthique, justifiable, d’ « inviter » Moix et Ramadan- étant précisé que leurs cas ne sont en rien comparables? Ruquier et Bourdin n’étaient pas au mieux de leur «forme» précisément parce qu’ils doutaient- c’est évident- de la justesse éthique de leur choix. Demain se soumettraient-ils à nouveau au spectacle de l’information?

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