Des armes de la FN au Yémen: un rapport d'Amnesty International accablant sur les ventes d'armes wallonnes

Ventes d'armes : un rapport d'Amnesty International accablant

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Par Marianne Klaric

Alors que s’ouvre à Londres le 10 septembre l’un des plus grands salons d’armement au monde, Amnesty International publie un rapport accablant. Avec ce constat : l’industrie de l’armement n’exerce pas pleinement la diligence raisonnable en matière de droits humains, et par conséquent, ne peut pas garantir que ses produits ne soient pas utilisés dans de possibles crimes de guerre.

Concrètement, la plupart des 22 entreprises contactées par Amnesty International fournissent des pays accusés de ne pas respecter les droits humains ou de commettre des crimes de guerre, comme l’Arabie saoudite. Aucune d’entre elles n’a pu démontrer qu’elles avaient fait preuve de vigilance.

La FN Herstal n’a pas répondu à l’enquête

Plusieurs des grands de l’armement n’ont pas répondu aux enquêteurs d’Amnesty, dont la FN Herstal. " Cela témoigne d’une indifférence très inquiétante à l’égard du coût humain de leurs activités, dit Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. Cela pourrait exposer ces entreprises et leurs dirigeants à des poursuites pour complicité dans des crimes de guerre, alors même que des armes produites par la FN se sont retrouvées sur le terrain yéménite, notamment aux mains d’une milice hors de tout contrôle gouvernemental ".

Selon, l’Observatoire des armes wallonnes, la Région wallonne – essentiellement la FN et John Cockerill, continue d’exporter de grandes quantités d’armes et d’équipements militaires vers des pays accusés de crimes de guerre. Deux enquêtes ont révélé que des armes wallonnes avaient été utlisées dans la guerre au Yemen.

Philippe Hensmans : " La FN est à 100% la propriété de la Région wallonne, c’est-à-dire nous autres Wallons. Nous sommes en droit de demander que ce travail de réflexion qui ferait en sorte que l’on empêche de livrer des armes à des criminels de guerre soit effectué ".

En juin 2019, le Conseil d’Etat a annulé huit licences d’exportations octroyées à la FN et à John Cockerill pour des ventes d’arme en Arabie saoudite, impliquée dans une guerre meurtrière au Yémen. Le décret wallon du 21 juin 2012 sur la vente d’armes prévoit l’obligation de vérifier le comportement du pays acheteur, notamment son attitude envers le terrorisme et le respect du droit international. Cela n’avait pas été fait.

L’industrie de l’armement sourde aux appels des défenseurs des droits humains

En 2018, les exportations de la Région wallonne vers le royaume saoudien se sont élevées à 182 millions d’euros. La FN emploie 1389 travailleurs. C’est donc un secteur économique de poids et c’est ce qui explique que les entreprises d’armement wallonnes restent sourdes aux appels répétés de cesser leurs exportations vers les dictatures. Récemment 9 ONG ont demandé à la Région wallonne de cesser immédiatement les ventes d’armes aux pays qui commettent de graves violations du droit international et humanitaire. Le 8 juin 2017, la Chambre a adopté une résolution incitant le gouvernement belge à demander aux entités fédérées de mettre fin à l’exportation et au transit avec l’Arabie saoudite de technologies et d’équipements militaires.

Pour Amnesty, il faut contraindre l’industrie de l’armement à plus de vigilance. Philippe Hensmans : " Tant que l’on se réfère à la bonne volonté des entreprises, on se retrouvera devant la même situation de quelqu’un qui dit : je fabrique des bonbons. Je sais qu’ils sont dangereux pour les enfants mais tant qu’on ne m’interdit pas de les vendre, je peux les vendre ".

Dans son rapport, Amnesty International recommande aux fabriquants d’armes de faire une analyse sérieuse de ce qui pourrait être fait avec les armes qu’elles ont vendues. Certaines des entreprises questionnées dans le cadre du rapport de l’organisation ont répondu qu’une fois leurs produits vendus, ce n’était plus leur problème. C’est tout-à-fait contraire à tous les traités internationaux qui prévoient une obligation de savoir quel est l’utilisateur final et ce qu’il va en faire.

" S’il y a un risque, ajoute Philippe Hensmans, elles doivent s’abstenir de vendre les armes et non pas attendre ce que tel gouvernement va dire ou tel tribunal va prendre comme décision. Elles doivent prendre elles-mêmes la décision de ne pas prendre ce risque-là. Risque pour l’entreprise, pour les gens dans le pays d’origine ".

Jusqu’à présent, ce sont encore les gouvernements ou les juges qui prennent les décisions adéquates par rapport à la situation dans les pays vers lesquels les armes sont dirigées. Récemment, un jugement de la cour d’appel de Londres a estimé que les transactions avec Riyad étaient une erreur étant donné la guerre au Yémen. Le Royaume Uni a dès lors suspendu les ventes d’armes susceptibles d’être utilisées au Yémen.

La Wallonie doit-elle cesser d’exporter ses armes vers les pays qui violent les droits humains ? La question est au cœur des négociations pour la formation du gouvernement wallon. Le rapport d’Amnesty International arrive dès lors comme une piqûre de rappel.

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