Né à Toulouse le 9 septembre 1929, Claude Nougaro aurait eu 90 ans cette année. Les hommages à l’artiste disparu se multiplient. À l’intégrale de ses disques, Le Feu sacré, s’ajoute un livre Amant des mots, alors que deux lieux vont honorer sa mémoire : à Toulouse, sa fille, Cécile, inaugurera le 9 septembre la « Maison Nougaro » sur la péniche Sanctanox amarrée sur la Garonne dans le quartier des Ponts-Jumeaux ; à Paris, le même jour, la mairie du 9e arrondissement dévoilera une plaque devant l’immeuble où il vécut rue Condorcet, avant d’inaugurer une exposition par un récital d’Isabelle Vajra chantant Nougaro.

Armstrong et Toulouse, parmi tant d’autres chansons inoubliables

Vingt albums studios, deux live (Une voix, dix doigts, le piano-voix donné en 1991 avec Maurice Vander, et Hombre et Lumière, concert à Toulouse en 1998), en tout 317 chansons : chacun peut trouver ses titres favoris dans l’impressionnante intégrale Le Feu sacré. Le Nougaro des débuts qui dès 1954 chantait au cabaret du Lapin agile. Le Nougaro des grandes chansons des années 1960 et 1970 : dès son deuxième disque (Le Cinéma), c’est Cécile, ma fille. Le troisième (Bidonville) apporte l’inoubliable Armstrong, sur la musique du negro-spiritual Go Down Moses, transposé en français avec une rare inventivité. Le quatrième (Petit taureau) contient son plus grand succès, Toulouse. Le sixième propose Dansez sur moi. Le dixième, Tu verras…

Au début des années 1980, quand sa veine créatrice s’essouffle, et que la fatigue se fait sentir dans Je suis sous, Nougaro cherche à se réinventer. Il frappera un grand coup en 1987 avec Nougayork, son funk, sa fièvre et ses musiciens de grande classe, Nile Rodgers à la guitare, Marcus Miller à la basse. Jusqu’à sa mort, le 4 mars 2004, Nougaro n’a cessé d’écrire des chansons jusqu’à son 20e album posthume La Note bleue.

Blues, jazz, swing, soul et funk, il a fait résonner les rythmes de la musique noire. « Ce qui était essentiel chez lui, c’était d’abord sa voix. Il chantait très bien avec une diction très déliée, nette : avec lui on comprenait les paroles des chansons », souligne le chanteur Thomas Fersen, dont Nougaro a salué les débuts en l’adoubant lors d’une joyeuse interview croisée chez lui en 1998.

Son admiration pour la langue française

« Nougaro était épris de la langue française, il en était ému. Ce goût de la langue, du langage était inné chez lui. Il était allé dans la lecture, la poésie, en autodidacte et réinventait tout. On sent cette fraîcheur, cette capacité à imaginer », ajoute Thomas Fersen qui partage « ce plaisir enfantin jubilatoire de nommer, de dire ».

Ses fulgurances, Nougaro les a puisées dans les grands textes, comme on le lit dans le recueil Amant des mots : « J’ai été façonné, imprégné du XIXe siècle français : Victor Hugo c’est un grand joueur de tam-tam sur le verbe français. »

Le souffle lyrique et la puissance évocatrice de ses chansons tenaient aussi à une spiritualité ardente qui irriguait son art. « Tous les grands artistes que je connais ont une perspective divine », confiait Nougaro. « Il incarnait la langue française avec quelque chose de mystique », confirme Thomas Fersen. Ce fou de jazz la faisait danser comme personne, lui faisant prendre son envol. Nougaro disait : « Les mots sont plein d’arêtes tandis que la musique est pleine d’ailes. »

Disques : Le Feu sacré de Claude Nougaro, un coffret de 24 CD, 317 titres de 1959 à 2004, Mercury Records – Universal Music

Livre : Claude Nougaro, Amant des mots, le Castor astral, 160 p., 16 €.