"Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou" : épisode • 1/4 du podcast Quatre malentendus nietzschéens

Friedrich Nietzsche - Wikicommons
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Le philosophe Friedrich Nietzsche est célèbre pour ses aphorismes et ses courtes phrases percutantes. Aujourd'hui utilisées à tort et à travers comme slogans, mantras personnels, éléments de langage, que signifient-elles vraiment ?

Avec
  • Dorian Astor Philosophe et germaniste, spécialiste de Nietzsche

Ce n'est pas l'hésitation, l'incertitude, l'indécision, qui conduit à la folie, c'est de trop savoir, ou de trop croire qu'on sait, d'être sûr de savoir au point de ne plus douter du tout...
Bref, comme le dit Nietzsche, ce n'est pas le doute, c'est la certitude qui rend fou.
Le philosophe appelle-t-il alors à renoncer à la recherche de toute certitude ? Dans quelle mesure dessine-t-il plutôt les voies d'une nouvelle recherche philosophique ?

L'invité du jour :

Dorian Astor, philosophe et germaniste, spécialiste de Nietzsche

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La philosophie est-elle une affaire de certitude ?

La philosophie est une affaire de désir de vérité, de besoin de vérité. Nietzsche aura toujours à cœur d’interroger ce qui n’est pas interrogé par les philosophes dans leur démarche. Il y a un soupçon fondamental qu’on appellerait aujourd’hui "l’impensé des philosophes". C’est la démarche critique de Nietzsche.            
Dorian Astor

Philosophie et folie, un lien originel ?

Il y aussi une dimension plus mystérieuse à la philosophie, ce lien à la folie… Quand on regarde l’origine de la philosophie grecque et notamment à Delphes avec la Pythie, la dimension oraculaire du savoir : au temple de Delphes il y a ces deux préceptes, "Connais-toi toi-même" et "Rien de trop", les départs de la philosophie grecque, au fond la Pythie et le savoir oraculaire se donnent dans la transe, dans un accès de folie… Cette mantique, Nietzsche la travaillera dès sa première œuvre avec cette notion de dionysiaque : que fait à l’homme la contemplation de la vérité nue une fois le voile de l’illusion levé ? Nietzsche a remis en cause cette partition entre le fond des choses, et le monde des apparences.            
Dorian Astor

Le rapport animal à la connaissance

Dans "Le Gai Savoir", Nietzsche parle des « dangereux peut-être » qui constituent le moteur de la recherche philosophique. Précisément parce que l’incertitude ou l’absence de réponse rend fou l’animal humain. Il faut combler cette ignorance, et ce que dit Nietzsche, c’est que la connaissance est une conséquence de la protection : le premier moteur de la connaissance c’est la crainte (de ne pas savoir, du lendemain...). On veut connaître parce qu’on a peur. Nietzsche travaille beaucoup sur la notion de crainte. Il dit qu’elle est le premier moteur de la connaissance, et que le deuxième est celui de la volonté de maîtrise. Connaître c’est s’approprier le monde de telle sorte que ce soit un rapport viable au milieu qu’est le monde. Cette viabilité passe par des falsifications qui font que notre point de vue sur le monde est toujours utilitariste, jusqu’à la logique, jusqu’aux sciences. Il y va de la survie psychique, l’homme est un animal inquiet de son destin, et la religion est l’exemple même d’une vérité destinée à apaiser la crainte.            
Dorian Astor

Textes lus par Vincent Schmitt :

  • Extrait de Ecce Homo, de Nietzsche, rédigé en 1888 et publié en 1908, Pourquoi je suis si avisé, paragraphe 4, traduction d'Eric Blondel, éditions Flammarion GF
  • Extrait du Gai Savoir, 1882, Les croyants et leur besoin de croyance, paragraphe 347, traduction de Patrick Wotling, éditions Flammarion (avec une musique de Aufgang, Ellenroutir)
  • Extrait de Par-delà le bien et le mal, 1886, Des préjugés des philosophes, paragraphe 1, traduction de Patrick Wotling, éditions Flammarion

Sons diffusés :

  • Montage de début d'émission par Nicolas Berger, avec une musique de Richard Strauss, Ainsi parlait Zarathoustra
  • Extrait de Hamlet de William Shakespeare, Acte III, scène 1, avec Claude Rich dans le rôle de Hamlet, France Culture, 29/12/1972, et une musique de Gustav Mahler, Symphonie n°2 dirigée par Osmo Vanska, orchestre du Minnesota
  • Extrait du film Working Girl, de Mike Nichols, 1988
  • Chanson de fin : Teddy Pendergrass, Be Sure

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