INTERNATIONAL - L’annonce de la suspension du Parlement britannique avait provoqué un tollé et jeté des milliers de citoyens dans les rues. Elle a pourtant eu lieu après minuit lundi 9 septembre, donnant lieu à des scènes hautement improbables à la Chambre des Communes.
À compter de ce mardi 10 septembre et jusqu’au 14 octobre prochain, les députés britanniques ne siégeront plus. Ce qui revient à dire qu’ils ne pourront plus débattre du Brexit prévu (jusqu’à nouvel ordre) pour le 31 octobre et au cœur de toutes les préoccupations.
Cette dernière séance a été marquée par une cascade d’évènements: la démission surprise du speaker emblématique John Bercow, l’annonce de Boris Johnson affirmant qu’il ne demanderait pas un report du Brexit en dépit de la loi entrée en vigueur le même jour et enfin, le rejet de la motion pour des élections anticipées, énième revers pour le premier ministre en à peine quinze jours.
C’est donc dans cette ambiance tendue que le Parlement a été suspendu pour cinq semaines, selon les ordres du premier ministre. Mais cette prorogation, contestée par les élus comme par les citoyens, ne s’est pas faite dans le calme, loin -très loin- de là.
Le président de la Chambre empêché de prononcer la suspension
Très codifiée, le cérémonial de la prorogation comprend notamment la lecture d’un message de la Reine à la Chambre des Lords et une énumération de tous les projets de loi adoptés. Mais comme l’a parfaitement résumé le président John Bercow lors de son discours traditionnel, cette “prorogation”, “la plus longue depuis des décennies”, n’est ni “classique”, ni “normale”. De fait, rien ne s’est déroulé comme prévu.
Les députés conservateurs et John Bercow ont ainsi quitté les bancs sous les cris “Honte à vous” de l’opposition. Mais les députés du Labour ne se sont pas arrêtés là et ils ont symboliquement brandi des feuilles barrées du mot “SILENCED” pour dénoncer la mise en retrait forcée du Parlement, perçue comme un déni de démocratie. Très symboliquement, une feuille a même été mise sur le siège vide du président en attendant son retour.
Plus étonnant encore, les députés de l’opposition -Labours inclus- ont entonné un chant patriotique écossais “Scots Wha Hae” écrit au XVIIIe siècle pour célébrer la souveraineté de l’Écosse vis-à-vis du Royaume d’Angleterre plusieurs siècles plus tôt.
Mais l’image la plus surprenante restera sans doute celle du président de la Chambre John Bercow, chargé de prononcer la suspension, physiquement gêné par des membres de l’opposition.
Alors qu’il revenait siéger, après avoir brièvement quitté sa place avec les conservateurs, John Bercow a en effet dû subir les tentatives des opposants pour l’empêcher de s’exprimer depuis sa place. Ces derniers se sont massés devant le fauteuil présidentiel, en brandissant leurs pancartes “SILENCED”.
“Ce soir, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour empêcher la prorogation du Parlement”, a d’ailleurs publié sur Twitter une député travailliste, photo à l’appui. J’ai présenté une pétition (...) et ensuite j’ai essayé d’arrêter le Président de retourner dans la Chambre.”
John Bercow, pris à parti et très agacé, a d’ailleurs vertement tancé un député de l’opposition qui interrompait son discours. “Je ne vous demande pas de réagir Mr Stephenson. Vous n’avez pas la moindre idée d’où commencer pour me donner des conseils. Je ne vous demande pas de répondre, je n’attends pas de réponse de votre part”, a lancé John Bercow avant de lâcher l’équivalent d’un “Casse-toi, mec!” hautement improbable à Westminster, comme le rapporte The Guardian.
Les députés conservateurs en colère
La suspension a finalement été prononcée. Mais ces scènes ont surpris bon nombre de commentateurs et journalistes politiques britanniques, et ont provoqué la colère des députés conservateurs. “Aujourd’hui, nous avons eu une vision du chaos et du comportement honteux que Corbyn, le SNP et les LibDems veulent pour notre grande nation. Ils ne respectent pas le Parlement, la démocratie ni le vote de 2016”, a ainsi tweeté le député Adam Afriyie.
“Le speaker a perdu la tête à la fin du Parlement. Il a ouvertement pris parti. Insulté des collègues. Très triste. (...) Combine pathétique du Labour. À quoi jouent-ils? Mon dieu, nous avons besoin d’une élection générale”, a tweeté un autre élu conservateur.
“En six ans et demi, il s’agit sans doute des moments les plus surréalistes que j’ai vécus dans la Chambre des communes”, a pour sa part estimé un journaliste parlementaire britannique. Un résumé parfait de la dernière soirée des députés britanniques avant de longues et tumultueuses semaines, de l’avis général.
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