Environnement : «On creuse notre propre tombe», déplore Lambert Wilson

Activiste depuis 18 ans auprès de Greenpeace, l’acteur Lambert Wilson livre un regard sombre sur l’avenir de la planète. Mais il compte beaucoup sur la jeune génération qui s’engage pour sauver le climat.

 Lambert Wilson est parti en mission en Guyane en mai 2018 pour « dénoncer un projet de forage de Total dans une zone de mangrove et de récif corallien ».
Lambert Wilson est parti en mission en Guyane en mai 2018 pour « dénoncer un projet de forage de Total dans une zone de mangrove et de récif corallien ». Greenpeace/Inara Chayamiti

    L'acteur Lambert Wilson, qui a incarné le Commandant Cousteau, témoigne de son engagement pour la planète. Et appelle à une prise de conscience.

    Lambert Wilson et l'écologie, amour de jeunesse ou passion tardive ?

    LAMBERT WILSON. Amour de jeunesse. J'ai été élevé à la campagne, où je vivais au contact des animaux, à observer la nature et à entretenir une passion pour la botanique. Mes parents adoraient la vie sauvage et la nature. Aujourd'hui encore, j'ai une passion pour les jardins et j'adore avoir les pieds dans la terre.

    Plutôt Greenpeace ou WWF ?

    J'ai commencé à militer au WWF avant de m'engager à Greenpeace car j'adorais la force symbolique de leurs actions. Je les ai rejoints il y a 18 ans et j'ai participé à plusieurs actions contre les OGM, le nucléaire ou la déforestation. La dernière est une mission en Guyane pour dénoncer un projet de forage du groupe Total dans une zone de mangrove et de récif corallien. Total s'est finalement retiré.

    L214 ça vous parle ?

    J'ai signé une pétition pour eux. Je suis contre toute forme de souffrance et ma grande préoccupation est la production massive de viande qui exige une énorme consommation d'énergie, d'eau et de terre. Je ne mange pratiquement plus de viande et j'essaye de trouver mes protéines ailleurs. Mais c'est parfois à désespérer : l'autre jour, je déjeunais avec un chercheur du CNRS et j'ai commandé du lieu noir. Or, le scientifique m'expliquait que même ce poisson sauvage est rempli de microparticules de plastique.

    Quand vous entendez l'expression « écolo bobo », vous vous sentez visé ?

    C'est très réducteur comme expression. C'est comme les gens qui pensent que tous les agriculteurs sont favorables aux produits chimiques. Pour moi, l'écolo bobo c'est quelqu'un qui affiche des principes écologiques mais qui prend l'avion pour aller dans des endroits luxueux en vacances et qui regarde de haut les gens moins riches et moins éclairés sur les questions environnementales. Je comprends que ça puisse énerver.

    Ne me dites pas que vous ne prenez jamais l'avion !

    Bien sûr, ça m'arrive, mais j'essaie de limiter ce type de transport car je pense vraiment désormais à mon empreinte carbone. Je vis avec mon temps et je suis loin d'être parfait, mais j'essaie de surveiller mes actions, comme nous pouvons tous le faire.

    Si je vous dis Greta Thunberg, vous répondez comme certains « Prix Nobel de la peur » ou une « source d'inspiration » pour la jeunesse ?

    Elle a été diabolisée, a fait l'objet de mille critiques mais cette jeune génération est très cohérente car cette réalité sombre qu'elle dénonce, c'est la sienne.

    D'un côté des militants qui craignent la « fin du monde », de l'autre les Gilets jaunes qui craignent « la fin du mois ». Comment concilier les deux ?

    J'ai un respect absolu pour ceux qui se battent pour survivre. Mais que l'on soit riche ou pauvre, on est tous sur le même bateau et il prend l'eau de partout. D'où l'importance d'être le plus éveillé possible et de voter pour des personnalités qui ont un réel programme écologique et solidaire, pas pour des gens qui le font par opportunisme.

    Comment avez-vous réagi en voyant les images de la forêt amazonienne en feu ?

    Je n'ai pas voulu les voir car ça me rend tellement triste. Mais je connais le problème. Je suis allé au cœur de la jungle à Manaus (Brésil) et j'ai vu les bureaux de l'antenne de Greenpeace barricadés comme s'il s'agissait d'un poste de police. Ils sont menacés en permanence par les grandes sociétés agricoles, les promoteurs et tous ceux qui participent à la déforestation.

    Qui a dit à propos de ces incendies : « J'ai l'impression qu'ils pourraient avoir été causés par les ONG » ?

    Un connard !

    C'est Jair Bolsonaro, le nouveau président du Brésil.

    Apprendre qu'une personnalité comme la sienne a été élue est terrifiant car c'est un agent des grandes sociétés qui exploitent la forêt. Or, lorsqu'on coupe des forêts millénaires, c'est comme si on se tuait nous-même.

    En septembre 2018, Emmanuel Macron a obtenu le titre de « champion de la Terre » à l'ONU, vous dites bravo ?

    (Il rit). Je suis allé en Guyane où l'on n'a cessé de faire état des dommages potentiels que provoquerait le projet de mine de la montagne d'Or. Nicolas Hulot, lui-même, a averti Emmanuel Macron pendant des mois mais il n'a rien écouté et le gouvernement avait au départ donné raison au consortium russo-canadien qui portait ce projet. Avant de faire machine arrière trois jours avant les européennes. C'est de l'opportunisme.

    Plutôt Hulot ou Jadot ?

    Je ne connais pas très bien Nicolas Hulot. Il a l'air d'avoir vécu une sorte de martyre humiliant au gouvernement. Yannick Jadot, en revanche, je le connais bien. J'ai participé à des actions lorsqu'il était à Greenpeace. C'est un type formidable, très carré et intelligent. Il a un vrai projet politique et j'y vois un espoir. D'ailleurs, j'ai voté pour lui.

    L'expression « les petites rivières font les grands fleuves », appliquée à la lutte contre le changement climatique, ça a du sens ?

    Parfois, je me dis c'est foutu. Cela fait trente ans que les scientifiques crient au loup et que cela ne change rien à nos comportements. On est en train de creuser notre propre tombe. Mais j'essaye de tempérer ce pessimisme car il ne faudrait pas que ça pousse les gens à faire preuve d'encore plus de je-m'en-foutisme. Et puis sur le tournage du film consacré à Cousteau, j'ai rencontré des jeunes formidables impliqués dans des ONG de protection de la planète et ça m'a mis une baffe.

    Vous avez la dernière réplique d'un film catastrophe sur le changement climatique. Vous dites quoi ?

    Ce serait comme une épitaphe sur une tombe : Je vous l'avais bien dit.

    BIO EXPRESS