“Frank ne nous montrait pas les choses, il nous les faisait partager”

par Elisa Mignot
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Le photographe américain d'origine suisse Robert Frank s'est éteint lundi au Canada, à l'âge de 94 ans. Christian Caujolle, commissaire d'expositions et chroniqueur à Polka, rend hommage à ce grand artiste qui a marqué l'histoire de la photographie moderne.

Parade, Hoboken, New Jersey, 1955.
© Robert Frank.

“J’ai appris la nouvelle de sa mort il y a une heure. Je l’avais rencontré plusieurs fois à l’occasion d’expositions ou avec des amis, à Madrid, New York, Lausanne.

Je me rappelle une personne pleine d’humour, y compris par rapport à lui-même. Robert Frank avait une belle distance aux choses malgré une vie marquée par des drames personnels. C’était un philosophe. Il regardait le spectacle du monde avec détachement, parfaitement conscient de la vanité des choses et des gens.

Un jour, au musée de l’Elysée à Lausanne, nous assistions à la projection d’un film sur la mort de son fils qui avait été très peu vu. C’était un mélange d’émotion, de pudeur et d’une grande générosité. A son image.

Charleston, Caroline du Sud, 1955. De la série “The Americans”.
© Robert Frank.

Si je devais me rappeler une photo de lui, ce serait peut-être celle de cette femme noire avec le bébé blanc dans “Les Américains”. Mais je me rends compte que ce n’est pas tant une image qu’une ambiance que je garde de lui. Cette façon de peu décrire les choses mais de les éprouver, d’être capable de nous transmettre ce qu’il sentait. Frank ne nous montrait pas les choses, il nous les faisait partager.

Dans les années 50, au moment où William Klein sortait son “New York”, lui publiait ses “Américains” – d’ailleurs tous les deux parus à Paris. Ces ouvrages allaient changer la perception de la photographie. Chacun à sa manière révélait que le photographe était un être sensible et que ce qu’il produisait était subjectif.

Il a évidemment influencé plein de gens. J’ai une pensée pour Michael Ackerman avec il était ami et qui a d’ailleurs fait d’étonnants portraits de lui.

Couverture de la dernière édition du livre de Robert Frank aux éditions Delpire, la première datait de 1958.
© Robert Frank.

Dernièrement, Robert Franck prenait assez peu de photos, il était surtout préoccupé par la nécessité de publier avec Steidl tous les projets qu’ils avaient menés. Toujours à la recherche de la forme la plus juste. Ce fut l’œuvre de ses dernières années.”

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