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IRAN

"Pourquoi les footballeurs ne font pas grève ?" : colère après la mort d’une supportrice interdite de stade en Iran

À gauche, Sahar Khodayari à l'hôpital Motahari de Téhéran. À droite, un portrait de la jeune fille diffusé par sa famille.
À gauche, Sahar Khodayari à l'hôpital Motahari de Téhéran. À droite, un portrait de la jeune fille diffusé par sa famille.
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La mort, lundi 9 septembre, d’une supportrice de football iranienne a suscité une vague d’émotion et d’indignation en Iran. Sahar Khodayari, 29 ans, s’était immolée par le feu six jours plus tôt après avoir appris qu’elle risquait une peine de six mois de prison. La raison : elle s'était faufilée dans un stade à l’occasion d’un match masculin au mois de mars. Notre Observatrice, une joueuse de football professionnelle, appelle à une "grève générale" dans le milieu du ballon rond en Iran. 

Lors de son hospitalisation à Téhéran, Sahar Khodayari est devenue le nouveau symbole de la lutte des supportrices de football iraniennes, interdites par la loi d’entrer dans les stades lors des compétitions masculines. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont diffusé des messages de soutien à la jeune femme avec le hashtag #BlueGirl, la "fille bleue", en référence aux couleurs de son équipe favorite, l'Esteghlal Téhéran. 

Le 12 mars, Sara Khodayari s’était déguisée en homme pour tenter de s’introduire dans le stade Azadi, à Téhéran. Elle souhaitait assister à un match de l’AFC (confédération asiatique de football) entre l'Esteghlal Téhéran et l’Al-Ain, un club de football émirati. Mais elle a été repérée et placée en détention pendant quatre jours à la prison de Qarchak, connue pour ses conditions carcérales difficiles. 

Quelques mois plus tard, le 3 septembre, Sara Khodayari s’est rendue au palais de justice de Téhéran pour récupérer son téléphone, qui lui avait été confisqué lors de sa détention. Selon une de ses amies, quelqu’un lui aurait alors annoncé que le juge avait prononcé six mois de prison à son encontre. Elle aurait demandé à parler au juge en question, mais on lui aurait répondu que ce dernier était en vacances. 

>> Lire aussi sur les Observateurs de France 24 : Pour entrer dans les stades, les Iraniennes portent désormais la barbe 

En sortant du palais de justice, Sara Khodayari s’est alors immolée par le feu. Elle a été transférée à l’hôpital Motahari de Téhéran avec des brûlures au troisième degré sur la quasi-totalité de son corps et de sévères dommages aux poumons. 

Sa mort, lundi 9 septembre à 4 heures du matin, a déclenché une forte indignation sur les réseaux sociaux. Beaucoup de footballeurs, d’artistes, de journalistes, et même de députés, ont partagé leur colère. Certains internautes ont même réclamé l'interdiction de compétitions pour la fédération iranienne de football, jusqu’à ce que les femmes soient autorisées à regarder les matches des hommes.

La famille de Sahara Khodayari a diffusé cette photo recadrée de leur fille dans les médias iraniens après sa mort le 9 septembre. 

"Nous avons besoin d’une grève générale"

Niloufar (pseudonyme), 26 ans, est une joueuse de football professionnel iranienne dans un club de Téhéran. Elle aussi est une supportrice de l’Esteghlal et, il y a plusieurs années, elle s’était introduite dans le stade d’Azadi pour regarder un match. Sollicitée par la rédaction des Observateurs de France 24, elle a demandé à rester anonyme. 

Un être humain est mort. Une jeune vie a été ruinée à cause d’une série de dictatures et de décisions stupides prises par des hommes fanatiques - des hommes qui pensent savoir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour les femmes. Tout d’abord, les policiers ont arrêté une fille pour une raison totalement banale : regarder un match de football. Puis, un juge l’aurait condamnée à six mois de prison. Tous ces hommes sont des criminels.  

Je suis si en colère, je n’arrive pas à parler. Je suis en colère contre les footballeurs qui gagnent des millions de dollars chaque année et ne font rien pour arrêter cette folie qui veut que les femmes soient interdites dans les stades lors de matchs masculins. Tout ce qu’ils font, c’est publier de légères critiques sur leurs comptes Instagram. Pourquoi ne font-ils pas grève ? Pourquoi est-ce qu’ils ne s'agenouillent pas comme les joueurs de football américains aux États-Unis ? [Certains joueurs s'étaient agenouillés pour protester contre des violences policières envers la communauté noire, NDLR].

 

Traduction : Nous devons en finir avec cette normalisation du mal. Nous ne devons pas laisser le silence, l'apathie, la douleur, la torture, la prison et la mort d'une personne devenir banale. #Fillebleue 

 

Je suis en colère contre ces footballeurs qui voient les supportrices les regarder de l’autre côté des portes et ne font rien. Je suis en colère contre la Fifa, qui ne fait rien non plus. 

L’Iran est le seul pays au monde dans lequel les femmes n’ont pas le droit d’assister aux matchs des hommes. Cela doit cesser, même si cela veut dire infliger des sanctions à la fédération iranienne de football et annuler des matchs. Je le dis en tant que footballeuse professionnelle. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une grève générale des footballeurs iraniens, hommes et femmes. 

Je ne sais pas combien de supportrices ont été arrêtées en essayant d’assister à un match d’hommes. Mais les législateurs iraniens doivent comprendre que le football n’est pas réservé aux hommes. Il y a des milliers et des milliers de jeunes filles et femmes iraniennes qui rêvent chaque nuit de voir la pelouse verte du stade Azadi, et de regarder un match comme n’importe quel autre être humain.

 

Des membres de la famille de Sahar Khodayari ont déclaré dans la presse locale avoir reçu des pressions de la part de hauts responsables de la sécurité pour les empêcher de s’exprimer publiquement sur la mort de leur fille. Selon eux, les autorités leur ont assuré que “le cas de Sahar est à présent une question de sécurité nationale”.

Cet article a été écrit par Ershad Alijani (@ErshadAlijani).

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