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    11/09/2019

    « C’est un cas de discrimination »

    Puteaux refuse de domicilier une retraitée car elle habite déjà… un parking

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Expulsée depuis un an, Marie de Jesus Ribeiro demande, sans succès, un logement dans sa ville, Puteaux. La mairie vient en plus de lui refuser une demande de domiciliation administrative sous prétexte qu’elle a déjà une adresse : un parking souterrain.

    Les habitants de Puteaux la connaissent désormais. Cela fait un an que Marie De Jesus Ribeiro, 72 ans, passe ses journées devant la mairie de la ville pour obtenir un logement. Récemment, la retraitée s’est vu refuser une demande de domiciliation administrative au Centre d’Action Sociale de Puteaux (CCAS), sous prétexte qu’elle dispose déjà d’une adresse dans la commune. Au 34 rue Auguste Blanche. Sauf que c’est l’emplacement d’un parking, où Marie dort dans sa voiture.

    Quelques mois plus tôt, Marie avait dû renouveler son adhésion au Club 102, qui organise des activités pour les plus de 55 ans et fait partie du CCAS. « À l’époque, le directeur du club a insisté pour qu’elle donne une adresse dans le formulaire », rembobine Bouchra Sirsalane, qui répond pour la retraitée, à ses côtés, quand nous l’avons contacté. Pressée, la Putéolienne de 72 ans marque alors l’adresse d’un ami qui habite là et lui prête la place de parking « pour qu’elle l’utilise ponctuellement. Mais il ne l’héberge pas », rappelle Bouchra Sirsalane, conseillère municipale Modem à Puteaux et élue de l’opposition. Depuis, cette adresse située sur un parking est gravée dans le marbre et dans les documents du CCAS, qui lui a refusé la domiciliation administrative. « Je pense que la présidente du CCAS, qui est la maire, a pris ce prétexte pour la refuser, ce qui est vraiment chercher la petite bête », estime-t-elle. Sauf que sans cette domiciliation, Marie ne peut pas recevoir son courrier et risque la coupure de ses droits sociaux. Une nouvelle étape dans une affaire qui dure depuis un an.

    Expulsée après la vente de sa location

    L’histoire de Marie est « assez complexe », prévient Bouchra Sirsalane. Après avoir vécu pendant 20 ans dans un appartement qu’elle louait, son propriétaire l’informe l’année dernière de sa volonté de vendre le bien. La retraitée s’était préparée : elle avait fait une demande de logement HLM en 2004 et son dossier a été reconnu « éligible et prioritaire ». Mais depuis 15 ans, elle n’a pas eu de propositions concrètes dans la ville où elle s’est installée voilà 30 ans.

    En septembre 2018, elle est à la rue. « Elle s’attendait à être relogée sur Puteaux vu son âge et le caractère urgent du relogement », détaille Bouchra Sirsalane. Une fois dehors, une proposition arrive à Villeneuve-la-Garenne. « Elle était en état de choc, elle a refusé », raconte l’élu. La ville est située à plus de dix kilomètres de son ancien logement et les trajets en voiture peuvent varier de 12 à 50 minutes selon la circulation.

    L’histoire de Marie fait vite le tour de la ville. Une pétition est lancée en novembre et recueille rapidement 100.000 signatures. Elle fait aussi le tour des journaux : Le Parisien ou Le Figaro parlent de la situation de la septuagénaire. En avril, après sept mois dehors, elle se confie même à C8 lors d’un reportage. La maire LR de Puteaux, Joëlle Ceccaldi-Raynaud, contre-attaque en publiant un communiqué de presse. L’édile y rappelle que Marie a refusé quatre propositions : une en 2017 à Vaucresson, une autre à Puteaux, la troisième à Villeneuve-la-Garenne et la dernière à Rueil-Malmaison par un bailleur privé, « le temps qu’un appartement sur Courbevoie se libère et ainsi pouvoir par la suite opérer une mutation prioritaire ».

    Bouchra Sirsalane explique la position de Marie : « À l’époque, elle a passé six mois dans la rue, toutes ses nuits dans sa voiture et elle a campé tous les jours devant la mairie… Elle était sidérée que Puteaux demande à un bailleur privé d’une autre commune de la reloger. Elle milite pour son logement dans sa commune d’accueil depuis 30 ans et on lui a manqué de respect. Puteaux ne veut pas d’elle et, pour Marie, c’est un cas de discrimination ».

    300 logements attribués chaque année à Puteaux

    Et pour le logement proposé à Puteaux ? « C’était avec un bailleur privé. Ça a été bizarrement orchestré car elle n’a jamais eu le courrier à temps et n’a jamais pu présenter son dossier en réalité », répond l’élue de l’opposition. Avec un autre conseiller municipal Modem, Christophe Grébert, ils s’interrogent sur l’absence de relogement. Sur son site personnel, ce dernier rappelle que 300 logements HLM ont été attribués l’an dernier à Puteaux et que l’office HLM en gère 5.500. « Plusieurs sont libres », soutient celui qui s’est déjà fait expulsé de force du Conseil municipal.

    Les deux élus pointent d’autres manquements du service public. Lors de sa demande de domiciliation, refusée, Marie n’a pu obtenir de rendez-vous avec une assistante sociale. « Et ce malgré nos relances », déplore Bouchra Sirsalane. Un mois après sa première requête, elle a dû envoyer un formulaire en lettre recommandé et accusé de réception pour obtenir une réponse (négative) à sa demande de domiciliation. Marie et Bouchra Sirsalane ont également sollicité une place dans le foyer logement « La maison de famille ». 44 jours après, il n’y a toujours pas de réponse. « Quand on y est allé, on nous a dit qu’il fallait faire un simple courrier. Mais on a appris ensuite que c’était plus compliqué que ça. Et il n’y a pas eu de remise de formulaire pour sa demande. On a dû insister et faire des allers-retours tout l’été », raconte la conseillère municipale.

    « On s’adresse à un service social et public qui ne donne pas d’instructions claires et précises sur des démarches ordinaires ».

    Contactés, les services de la mairie considèrent le sujet « sérieux » mais renvoient vers le communiqué d’avril dernier. « La situation n’a pas évolué depuis », explique-t-on. De leurs côtés, Marie et les élus d’opposition ont joint le Défenseurs des droits et plusieurs associations. Un comité de soutien va également se créer. « On ne sera pas dedans car on souhaite que ce soit apolitique », glisse Bouchra Sirsalane, qui a toutefois quelques craintes :

    « Il n’y a que le préfet qui peut régler ce problème et ordonner son relogement. Là ça devient trop… Il y a une diabolisation de cette dame en disant qu’elle a eu des propositions et qu’elle ne saisit pas les mains tendues. C’est moche. Elle milite, en a fait son combat certes, mais c’est une dame âgée, elle peut en souffrir. »

    Photo d’illustration d’un parking (CC).

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