En Amazonie, mines et exploitation pétrolière cernent les communautés indigènes

Un dragueur utilisé illégalement pour extraire de l'or avec du mercure près de Puerto Maldonado dans la forêt amazonienne au Pérou le 1er septembre 2019

© Ernesto BENAVIDES

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Par AFP

"Notre crainte, c'est que cela détruise notre forêt" : en Amazonie, l'orpaillage met en péril l'équilibre de la forêt et la vie des communautés indigènes, qui doivent aussi faire face à la menace de l'extraction pétrolière.

Dans le village de Boca Pariamanu, au coeur d'Amazonie péruvienne, les Indiens Amahuaca savourent une victoire car après des années de conflit avec des exploitants de la noix d'Amazonie, la communauté a réussi à revalider en juin son titre de propriété sur 4.400 hectares de forêt.

Ce titre est fondamental "pour pouvoir surveiller le territoire et ne pas être envahi par les mines illégales, la coupe d'arbres clandestine", explique Julio Rolin, à la tête de ce village d'une centaine d'habitants accessible après deux heures de voiture et de bateau depuis Puerto Maldonado, la capitale du département de Madre Dios (sud-est).

Les Amahuaca (environ 250 personnes) sont une des 38 communautés autochtones de ce département amazonien, considéré comme le plus touché par les ravages des mines et la pollution par le mercure qui sert à l'extraction de l'or. Le Pérou est le cinquième producteur d'or du monde.

"Les mines contaminent l'eau, il n'y a plus de poissons. Et cela détruit la forêt qui devient laide", se désole Adela Aguirre, une mère de famille de 23 ans, qui dit craindre que les mines n'arrivent jusqu'à sa paisible communauté.

Selon la Fenamad, une organisation qui fédère les peuples autochtones de Madre Dios, le gouvernement local a accordé des concessions minières sur les territoires de 11 des 38 communautés indiennes locales.

Cratères de boue

Car la législation péruvienne prévoit que le sous-sol reste la propriété de l'Etat qui peut décider d'accorder des concessions minières ou pétrolières où il le souhaite.

"Nous demandons que sur les territoires des peuples autochtones, on ne puisse pas accorder des droits à des tiers", défend Julio Cusurichi, président de la Fenamad.

Selon les autorités, à Madre de Dios, 11.000 hectares de forêt ont été déboisés en 2017, sur un total de 156.000 cette année là, la pire année depuis 2014, selon des chiffres officiels.

Il suffit de traverser la rivière Pariamanu pour apercevoir d'énormes étendues de forêts déboisées et des cratères de boue laissés par les mineurs. Au loin se fait entendre le ronronnement des machines qui creusent le sol sans répit.

Face à la flambée des installations de mines illégales, le gouvernement a décidé en février d'envoyer l'armée pour démanteler La Pampa, surgie ex-nihilo en 2008, au plus fort de la crise économique mondiale, lorsque la demande d'or était au plus haut.

Mais cela ne rassure pas pour autant les communautés locales: "Ils ont fait partir 30.000 habitants, où vont-ils aller ? Ils vont aller dans d'autres zones des territoires autochtones", redoute Julio Cusurichi.

Amazonie péruvienne: activité aurifère et forestière dans le département de Madre de Dios

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Forte pression de l'Etat

De l'autre côté de la frontière, sur le territoire des Tacanas (340.000 hactares), dans l'Amazonie bolivienne, c'est la future exploration pétrolière soutenue par le gouvernement qui inquiète les habitants.

Le président Evo Morales, qui briguera un quatrième mandat en octobre, soutient un projet d'exploitation qui prévoit l'extraction de 50 millions de barils de pétrole, ainsi que du gaz naturel.

"On aurait pu dire non (à ce projet), mais il y a eu une très forte pression de l'Etat, de très fortes menaces", explique Rolando Justiniano, à la tête du territoire Tacana II, qui compte quatre villages, seulement accessibles en bateau.

La prospection a débuté en 2018, après trois ans d'âpres négociations entre les Tacanas et la compagnie pétrolière nationale YPFB.

Tacana II a obtenu près de 500.000 dollars de compensation pour les conséquences sur l'environnement causées par la prospection, soit 500 dollars pour chacun du millier d'habitants.

Mais cet argent "ne va pas compenser la richesse que nous avons sur notre territoire", estime Rolando Justiniano, visiblement préoccupé.

La communauté se réjouit pour l'heure d'avoir tout de même réussi à assurer la protection des noyers d'Amazonie, hauts de plus de 50 mètres. La cueillette de la noix est pour eux une source de revenus entre janvier et avril.

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