A Villepinte, les faux mariages dans le viseur de la justice

Alors qu’une note interne dénonce les agissements d’une collaboratrice du maire, soupçonnée d’organiser des mariages blancs, le tribunal de Bobigny ouvre une enquête.

 Villepinte, ce dimanche 15 septembre, mairie. La justice enquête sur une possible organisation de mariages blancs par une collaboratrice de la ville.
Villepinte, ce dimanche 15 septembre, mairie. La justice enquête sur une possible organisation de mariages blancs par une collaboratrice de la ville. LP/Thomas Poupeau

    Ni fleurs, ni invités. Même pas un bisou entre les mariés. A Villepinte, certaines unions interrogent tellement que le parquet de Bobigny ouvre une enquête « des chefs d'organisation de mariages aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour ou une protection contre l'éloignement », et « d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier d'étrangers ».

    En clair : la justice soupçonne la ville, en tout cas un ou plusieurs employés municipaux, d'organiser des mariages blancs. Une pratique illégale, qui permet à des étrangers d'obtenir des papiers, en échange d'une contrepartie financière pour la personne de nationalité française acceptant ce « mariage », mais aussi pour l'intermédiaire facilitant cette union.

    Une contractuelle très insistante

    En janvier dernier, le Parisien avait révélé l'existence de soupçons, en interne, sur de possibles fausses unions célébrées à l'hôtel de ville. Une note interne rédigée par la direction de l'administration générale de la commune - dont nous avions publié des extraits - faisait état de ces soupçons auprès de la hiérarchie.

    Au cœur des interrogations : une contractuelle, placée sous l'autorité du cabinet du maire (LR) Martine Valleton et très proche de cette dernière.

    Sa fiche de poste officielle concerne les « relations avec les quartiers »…. mais selon les services auteurs de la note, elle se serait montrée « très insistante » à plusieurs reprises auprès des agents de l'état civil, demandant que tel ou tel « couple d'amis soit marié très rapidement », lesdits couples étant même parfois hébergés par… elle-même. Une mère et sa fille avaient carrément « été mariées à quelques mois d'intervalle, avec des hommes sans autorisation sur le sol français », toujours selon cette note.

    « Des cérémonies sans invités »

    Des élus en personne ont eu, eux aussi, des soupçons, surtout lorsqu'ils ont eu à célébrer ces unions, faisant notamment état de « cérémonies sans invités », « sans attachement », « sans famille », et en amont desquelles, c'est… la contractuelle incriminée qui avait déposé, avec sa voiture, les futurs mariés devant la mairie.

    Reste la question d'une possible contrepartie financière en échange de ces mariages blancs. La somme de 15 000 € à 20 000 € est évoquée par plusieurs connaisseurs de cette affaire.

    Entre 2017 et 2019, une dizaine d'unions seraient concernées à Villepinte.

    LP/Infographie

    La maire n'a « aucune inquiétude particulière »

    Interrogée à ce sujet, Martine Valleton, au courant du déclenchement de l'enquête par le parquet de Bobigny, dit n'avoir « aucune inquiétude particulière » sur son issue.

    « Nous sommes au courant qu'il y a eu des tentatives de mariages blancs. D'ailleurs, notre service état civil fait des signalements régulièrement auprès du parquet, qui ne donnent rien », répond l'édile, qui dit aussi vouloir « laisser la justice faire son travail et lever les doutes ».

    Et « aucun doute » sur sa collaboratrice

    S'agissant de sa collaboratrice mise en cause par une note interne, Martine Valleton nous avait assuré n'avoir « aucun doute » sur sa probité, criant aux « habituelles boules puantes précédant une campagne municipale ». Et ne cache pas sa proximité avec celle qui l'accompagne parfois sur son lieu de vacances - « mais sur son temps de congés », insiste l'édile - lui servant aussi régulièrement de chauffeur. De quoi irriter des agents et des élus en mairie : « Quelques-uns la surnomment… Benalla », grince une source proche de la majorité.

    A la suite de nos révélations, Martine Valleton avait ouvert une enquête administrative, terminée avant l'été. « Celle-ci n'a soulevé aucun dysfonctionnement, aucune anomalie », assure l'édile. Problème : selon nos informations, ces investigations portaient en réalité plus sur… la fuite de la fameuse note interne, que sur les soupçons de fausses unions.