Edward Snowden : "On a si peur du terrorisme, de ceci, de cela, qu'on commence à détruire nos propres droits"

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Edward Snowden : "On a si peur du terrorisme, de ceci, de cela, qu'on commence à détruire nos propres droits"

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Edward Snowden invité de France Inter le 16 septembre 2019
Edward Snowden invité de France Inter le 16 septembre 2019
© Radio France

Le lanceur d'alerte américain est l'invité exceptionnel de France Inter ce lundi à 8h20 avec Léa Salamé et Nicolas Demorand, interview à retrouver en version longue sur notre site. Il y explique son inquiétude sur les lois sécuritaires prises notamment par la France, des atteintes à la démocratie selon lui.

Réfugié en Russie depuis plusieurs années après avoir révélé l'existence d'un système de surveillance massive aux États-Unis, qui l'ont depuis inculpé d'espionnage, Edward Snowden sort ce 17 septembre une autobiographie, "Mémoire vive" ("Permanent record" en version originale).

Il avait eu des mots très durs également envers la France au moment où les dispositifs de l'état d'urgence ont été en grande partie retranscrits dans le droit commun. Des dispositifs limitant certaines libertés au nom de la sécurité, tout comme le récent projet de loi contre la haine en ligne prévoit des exceptions à la liberté d'expression pour prévenir les propos dangereux ou illégaux.

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"C'est l'une des raisons principales pour lesquelles j'ai écrit ce livre maintenant, après être resté silencieux pendant plus de six ans", explique-t-il au micro de France Inter. "Quand  j'ai regardé l'état du monde, ce qui m'a paru le plus inquiétant, c'est de voir les défenseurs classiques de la démocratie libérale finir par l'abandonner. Ça n'arrive pas qu'en France, mais ça se produit en France. Et ça doit nous alarmer, quand on voit les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, toutes ces démocraties occidentales qui commencent à dire qu'on a tellement peur du terrorisme,  de ceci, de cela, de mots qui ne devraient pas être prononcés, qu'on va commencer à détruire nos propres droits, des droits pour lesquels on a mené des révolutions."

"Ils trouvent d'autres raisons d'appliquer ces lois à de nouvelles choses qu'ils désapprouvent"

Pour lui, l'argument de la sécurité est avant tout un prétexte pour limiter les libertés, et pas l'inverse. "Ça commence comme ça : les gouvernements disent qu'ils évitent la violence, qu'ils sauvent des vies. Mais une fois les décisions prises, ils trouvent d'autres raisons d'appliquer ces lois à de nouvelles choses qu'ils désapprouvent."

"Or ce qui rend ces sociétés libres", plaide Edward Snowden, "c'est leur volonté d'oser, de prendre des risques, de s'ouvrir, quitte à créer des vulnérabilités. C'est notre engagement à produire des sociétés résilientes, qui peuvent survivre et vaincre ce que les pires criminels, les pires terroristes peuvent accomplir. C'est ça, notre réussite, ce que le monde nous envie."

"Si on perd tout ça à cause de la peur, nous ne perdons pas seulement notre liberté, nous perdons aussi notre identité, notre contrôle sur nos propres sociétés. Parce que nous ne sommes plus des partenaires de nos gouvernements, mais leurs sujets."

En 2013, Edward Snowden, alors poursuivi par la justice américaine pour espionnage et vols de secrets d'État, avait déposé des demandes d'asile dans plusieurs pays, notamment la France. Le gouvernement français, mené par Manuel Valls, lui avait refusé. Dans son interview à France Inter, le lanceur d'alerte réitère implicitement sa demande : "Évidemment, j'aimerais beaucoup que monsieur Macron m'accorde le droit d'asile."

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