Les Andes perdent 23 milliards de tonnes de glaces par an

Les glaciers des Andes maigrissent à grande vitesse. Depuis 2000, ils ont perdu 23 milliards de tonnes de glaces en moyenne annuelle. Un régime minceur spectaculaire, visible à l’œil… de satellites. C’est ce que relate une équipe de scientifiques dans un article (1) qui parait ce jour dans la revue Nature Geoscience. Une perte massive qui augmente aujourd’hui le débit de rivières durant l’été… mais se traduira à terme par leur assèchement. Et qui contribue à élever le niveau marin planétaire.

Surveiller les glaciers des Andes n’est pas une petite affaire. Nombreux, parfois petits, étalés sur des milliers de kilomètres depuis 10°N jusqu’à 56°S, en Patagonie, ils défient les glaciologues. Impossible de s’en sortir avec des missions de terrain. Mais une équipe franco-argentine (2) spécialisée en analyse d’images satellites vient de relever le défi.

30.000 couples d’images

Vue d’artiste du satellite Terra de la Nasa.

Matériel ? 30.000 couples d’images stéréoscopiques prises par l’instrument Aster du satellite Terra de la Nasa, lancé en 1999. Un très gros satellite, cinq tonnes et la taille d’un petit autobus, doté de plusieurs instruments très performants, dont Aster qui fonctionne du visible à l’infrarouge. Ces images sont diffusées gratuitement par la Nasa aux chercheurs.

Or, des scientifiques du laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales, à Toulouse, ont mis au point une méthode utilisant des modèles numériques de terrain permettant d’exploiter des images pour calculer avec une précision suffisante l’épaisseur des glaciers. Des images prises entre 2000 et 2018 et dont l’analyse révèle la variation de l’étendue et de l’épaisseur de 95% des 19.000 glaciers andins répertoriés. Les glaciologues ont pu établir trois jeux de données à comparer entre 2000 et 2009, puis entre 2009 et 2018, afin de capter la réaction des glaces au réchauffement climatique qui s’accélère au fur et à mesure qu’une part de nos émissions massives de gaz à effet de serre s’accumule dans l’atmosphère.

Tiré de l’article de Nature Geoscience, carte des glaciers étudiés par les scientifiques et l’évolution de leurs bilans de masse entre 2000 et 2018.

400 milliards de tonnes de glaces

En près de vingt ans, ces glaciers ont donc perdu plus de 400 milliards de tonnes de glace. Surtout en Patagonie où se trouvent les plus étendus. Au Sud et sous les tropiques, cette perte est assez régulière depuis le début du siècle. Les glaciers de la partie comprise entre 26°S et 45°S, souvent des zones arides, montrent en revanche d’abord une légère augmentation de leur masse durant la période 2000 à 2009, puis une diminution rapide de 2009 à 2018. Cette deuxième séquence correspond à une période de très faibles pluviométrie… et cette perte de masse a pu apporter une eau d’autant plus précieuse face à cette sécheresse parfois extrême dans les vallées cultivées aux pieds des Andes du Chili et d’Argentine. Attention, notent les auteurs, cette compensation est un fusil à un coup, une fois les glaciers réduits ou disparus, cette ressource complémentaire aux pluies ne sera plus disponible. Et cette contribution des glaciers andins aux ressources en eau, notamment pour l’agriculture dans la partie centrale du sous-continent, va faire défaut au cours du 21ème siècle.

La seconde conséquence de cette fonte rapide, est une contribution à l’élévation du niveau marin singulièrement forte. Les glaciers andins ne constituent que 5% des glaciers de montagnes de la planète. Pourtant, sur les 20 dernières années, leur fonte accélérée représente 10% des apports de ces glaciers de montagne à la montée du niveau des océans.

Sylvestre Huet

(1) Ines Dusaillant et al., Two decades of glacier mass loss along the
Andes, Nature Geoscience DOI 10.1038/s41561-019-0432-5

(2) Au laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, CNRS /CNES / IRD / UT3 Paul Sabatier), de l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE/OSUG, CNRS / UGA / IRD / Grenoble INP) et du IANIGLA (Argentine).

Post-scriptum : Le Goddard Institute for space studies de la Nasa vient de publier l’analyse des températures planétaire de l’été calendaire, juin, juillet et août 2019. C’est l’été le plus chaud depuis le début des relevés thermométriques :