Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

« Les Quatre Coins du cœur », un roman inédit pour retrouver Françoise Sagan

L’humour, le détachement et l’élégance de l’écrivaine sont au rendez-vous de ce livre, qui paraît jeudi, quinze ans après sa mort. Lecture de Véronique Ovaldé et extraits exclusifs.

Par  (écrivaine)

Publié le 18 septembre 2019 à 15h32, modifié le 19 septembre 2019 à 09h17

Temps de Lecture 4 min.

Article réservé aux abonnés

L’écrivaine Françoise Sagan, à Paris, en 1986.

« Les Quatre Coins du cœur », de Françoise Sagan, Plon, 224 p., 19 €.

Ça pourrait être l’histoire d’un homme qui, pour que son garçon reprenne vie, l’emmène au bordel. Ça pourrait être une affaire de notables de province avec sa bande d’affreux : Henri, le patriarche, l’industriel tourangeau qui a fait fortune dans l’importation de cresson ; sa deuxième femme, neurasthénique, « laide et idiote », toujours flanquée de son pique-assiette de frère ; le fils, Ludovic, qui a survécu contre toute attente à un effroyable accident de voiture et que tout le monde croit maintenant « détraqué » (pourtant jusque-là il avait eu un côté « tout-va-bien » qui avait fait tourner les têtes d’une flopée de jeunes filles du 16arrondissement) ; Marie-Laure, l’épouse de celui-ci, une garce « sophistiquée et sans culture » et sa mère, Fanny, connue pour « son charme, son courage et son cœur », qui va s’émouvoir du sort de son gendre et tenter de le réhabiliter…

Lire aussi l’entretien avec le fils de Françoise Sagan : Article réservé à nos abonnés Denis Westhoff: « C’est tout à fait la voix de Sagan que l’on entend »

Parce que, chez ces gens-là, voyez-vous, on débat au dîner sur la fourberie des Bourbon, on conduit des cabriolets, on vient prendre de bons conseils auprès des mères maquerelles, les femmes ont « l’entrain définitif », on a, selon les jours, « la fierté ou le regret d’avoir été bel homme », les domestiques ont de ces phrases énigmatiques et parfaites (« Monsieur vient chercher Monsieur ») et les médecins ont une vilaine tendance à préférer « leurs diagnostics à leurs ­patients » (d’où leur agacement face à la survie miraculeuse du pauvre Ludovic).

Perce à tout moment, sous la plume saignante de Sagan, une compassion sincère pour les petits animaux inconsolables et agités que nous sommes

Ce sont des gens de chez Sagan. En droite ligne. Quel cadeau de les retrouver dans Les Quatre Coins du cœur, ce texte inédit, quinze ans presque jour pour jour après la disparition de l’écrivaine. C’est comme de recroiser d’anciens voisins, d’anciens collègues, d’anciens camarades (qui voudrait des amis de ce genre ?) qu’on croyait morts et de se rendre compte qu’ils n’ont pas changé et qu’ils sont intacts dans leur exactitude.

Chez ces gens-là, l’absence d’argent est une maladie, on est balzacien par nature, puisqu’il y a, dans cette vie, vous ne l’ignorez pas, les « petits ambitieux » et les « grands débiles fortunés », on est soit « victime » soit « goujat ». Ici les couples sont souvent affligés par le veuvage, parce qu’on a tendance à mourir en couches, en avion ou à toute allure encastré dans un platane – il y a d’ailleurs des pages magnifiques sur le deuil, sur ses étapes, l’hébétude dans lequel il nous laisse, qui se transforme en deuil de nous-même qu’il nous faut bien finir par supporter, « cette machine à souffrir qui redevient, la nuit, bête gémissante sous les draps, et le jour, visage anonyme qui refoule les larmes ».

Il vous reste 51.97% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.