La peur des représailles, première cause de non-adhésion à un syndicat
La 12 e édition du baromètre sur les discriminations au travail du Défenseur des droits et de l'Organisation du travail publiée ce jeudi se penche sur la question syndicale. « L'impression de ne pas être entendu par la direction » et « la peur des représailles » expliquent, le plus souvent, l'absence d'engagement syndical.
Avec seulement 8 % de salariés syndiqués selon l'OCDE et 11 % selon le ministère du Travail , la France se situe dans le peloton de queue des pays développés. Cette situation est souvent attribuée à la trop grande politisation des syndicats, que soulignent les enquêtes d'opinion, ou encore à un type d'engagement dépassé. Mais il ne faut pas sous-estimer un autre facteur très concret : la crainte des conséquences professionnelles d'un investissement dans une organisation syndicale.
Un frein à l'évolution professionnelle
Le 12e baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi du Défenseur des droits et de l'Organisation internationale du travail publié ce jeudi montre que c'est un sujet majeur. Et ce « a fortiori à l'heure où l'accent est mis sur le dialogue social dans les entreprises », souligne le Défenseur des droits, Jacques Toubon, dans une interview aux « Echos » .
Dans un avis rendu en 2017, le Comité social, économique et environnemental avait soulevé le problème . Le sondage réalisé pour le baromètre auprès d'un échantillon représentatif de la population active de 1.000 personnes montre en effet que près d'un actif sur trois estime que les discriminations syndicales « se produisent souvent ou très souvent ». Ce constat est amplifié lorsque l'on interroge des syndiqués. La moitié des quelque 33.000 personnes qui ont répondu au questionnaire diffusé à leurs membres par les organisations syndicales dans le cadre du baromètre le partagent.
Pour 66 % des syndiqués, s'investir dans le syndicalisme est un risque
La « peur des représailles » dissuade de nombreux salariés de s'investir dans le syndicalisme, estiment un tiers des actifs et quatre adhérents sur dix. Pour 42 % des actifs et 66 % des syndiqués, s'investir dans le syndicalisme est un risque pour l'emploi ou l'évolution professionnelle. Plus de 40 % de ces syndiqués expliquent d'ailleurs en avoir personnellement pâti.
Le secteur privé est plus touché que le secteur public. L'industrie et les transports sont le plus souvent montrés du doigt tandis que les délégués syndicaux, seuls habilités à négocier, sont plus pénalisés que les autres. Concrètement, se syndiquer est « un frein à l'évolution professionnelle », disent 59 % des syndicalistes du privé et 39 % de ceux du public.
Impact salarial
L'impact salarial est aussi souligné même si c'est un peu moins fréquemment (52 % dans le privé et 30 % dans le public).
Les deux tiers des syndiqués s'estimant victimes d'une discrimination ont cherché à la faire cesser. Dans la majorité des cas, cela est resté au niveau de l'entreprise. Signe d'une certaine efficacité, 43 % considèrent que leur situation a ensuite évolué « positivement » et que la discrimination a même cessé pour 15 %. En revanche, 44 % des syndiqués estimant avoir subi une discrimination jugent que cela a conduit à des mesures de rétorsion.
Leïla de Comarmond