ENERGIE RENOUVELABLEA Bobigny, la piste cyclable sert aussi à produire de l’énergie solaire

A Bobigny, la piste cyclable permet aussi de produire de l’énergie solaire pour éclairer

ENERGIE RENOUVELABLEAu bord du canal de l’Ourcq, des dalles photovoltaïques éclairent la piste cyclable qui passe, non loin de là, sous un pont. L’expérimentation rappelle la route solaire inaugurée en grande pompe en Normandie en décembre 2016. Or, elle a mal vieilli
L'énergie produite par les dalles photovoltaïques permettent d’éclairer, en journée,  la portion de piste cyclable qui passe sous un pont, à quelques mètres de là.
L'énergie produite par les dalles photovoltaïques permettent d’éclairer, en journée, la portion de piste cyclable qui passe sous un pont, à quelques mètres de là. - F.Pouliquen/20Minutes
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Depuis janvier, le long du canal de l’Ourcq, 56 m² de dalles photovoltaïques posées sur la piste cyclable produisent l’énergie qui va permettre d’éclairer le passage sous un pont non loin de là. Et quand il y a du surplus, il est vendu et réinjecté dans le réseau.
  • La technologique est développée par Wattway, filiale du groupe Colas, déjà derrière la route solaire inaugurée dans l’Orne en décembre 2016. Près de trois ans plus tard, l’expérimentation rencontre des difficultés, de l’aveu même de Wattway.
  • L’entreprise n’abandonne pas pour autant cette idée de produire de l’énergie à même la route, mais privilégie désormais les projets de plus petites échelles comme celui de Bobigny. Une bonne idée ?

Une piste cyclable pour favoriser la mobilité douce… et pourquoi pas aussi pour produire de l’énergie ? C’est en tout cas l’idée creusée à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le long du canal de l’Ourcq, la première piste cycliste solaire a été mise en service en janvier dernier et a été inaugurée ce lundi par le département de Seine-Saint-Denis.

Le tronçon n’est pas bien grand. Les dalles photovoltaïques sont alignées sur 27 mètres de long et couvrent une surface totale de 56 mètres carrés. Pas de quoi couvrir toute la largeur du chemin de halage, si bien que bon nombre de cyclistes passent à côté des dalles, sans sembler les remarquer.



Éclairer sous un pont… et pourquoi pas plus ?

Il n’empêche, cette piste solaire cyclable s’acquitte de sa tâche. En sortie de piste, un panneau affiche en instantanée les performances des dalles photovoltaïques. Dont celui de la production d’énergie cumulée depuis sa mise en service, en janvier dernier. Soit 2.996 kilowatts/heure, l’équivalent de 440 jours de consommation d’électricité (hors chauffage) d’un foyer.

Cette énergie permet d’éclairer en journée la portion de piste cyclable qui passe sous le pont à quelques mètres de là. « C’était une demande régulière que nous remontaient les cyclistes, raconte Stéphane Troussel, le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Cette partie était très sombre et créait des contrastes importants au point d’éblouir les cyclistes. » Voilà pour la mission prioritaire des dalles photovoltaïques. « Le surplus d’énergie alimente également une batterie qui permet d’éclairer sous ce même pont la nuit, poursuit Etienne Gaudin, directeur de Wattway, filiale de l’entreprise Colas (groupe Bouygues) qui développe cette technologie. Quand cette batterie est pleine et qu’il y a encore du surplus – ce qui est souvent arrivé cet été –, il est vendu à Enedis et réinjecté dans le réseau Enedis. »

Dans la lignée de la route solaire en Normandie

Qu’on ne se trompe pas pour autant : cette piste cycliste solaire, qui a nécessité un investissement de 118.000 euros, coûte plus cher qu’elle ne rapporte au département. « L’enjeu n’est pas là, glisse Stéphane Troussel. Dans un territoire très urbanisé comme le nôtre, il y a des solutions plus simples pour éclairer un pont. Mais c’était le terrain idéal pour une telle démonstration et l’occasion de montrer notre attachement au développement des énergies renouvelables. »

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Cette expérimentation n’est pas sans rappeler la première route solaire au monde inaugurée en grande pompe en décembre 2016, en Normandie. Et derrière laquelle on retrouve déjà Wattway. L’installation pilote alignait quelque 2.800 m² de panneaux photovoltaïques sur un kilomètre d’une route départementale à Tourouvre-au-Perche (Orne). Wattaway affichait l’ambition de fournir l’équivalent de la consommation annuelle de l’éclairage public d’une ville de 5.000 habitants. Et Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, celle de déployer 1.000 km de ces panneaux solaires sur route d’ici à cinq ans.

« Pas un fiasco » pour Wattway

Mais deux ans et demi plus tard, cette route solaire normande fait pâle figure. Le Monde, dans un article paru le 22 juillet, évoque sans détour un « fiasco », « ni efficace énergétiquement, ni rentable économiquement ». Le quotidien évoque aussi des joins en lambeaux, des panneaux solaires qui se décollent de la chaussée, des éclats qui émaillent la résine protégeant les cellules photovoltaïques ou encore une portion d’une centaine de mètres trop abîmée pour être réparée. A cela s’ajoute le bruit des véhicules sur ce revêtement dont se plaignent les riverains.

Etienne Gaudin ne nie pas les difficultés rencontrées dans l’Orne, mais récuse le terme « fiasco ». « C’est une première expérience qui continue, commence-t-il. Il n’est plus significatif, aujourd’hui, en termes de production d’énergie, notamment parce que les dalles photovoltaïques sont anciennes. Elles datent de 2016, alors que nous avons beaucoup évolué depuis. Nous sommes en discussions avec le département de l’Orne pour les remplacer. Quoi qu’il en soit, ce premier site nous a aussi permis déjà d’expérimenter un grand nombre de technologies. C’est grâce à lui que nous sommes aujourd’hui en mesure de faire une piste cyclable solaire à Bobigny. »

La priorité donnée à de plus petits projets

Il n’empêche, Wattway évoque désormais ces routes solaires « comme des projets à mener sur le long terme » et privilégie en attendant des réalisations à plus petites échelles. « Nous avons aujourd’hui 45 expérimentations en cours dans le monde », précise Etienne Gaudin. Elles sont de deux types. « Les premières visent à permettre à des bâtiments [école, mairie, supermarché] d’être à énergie positive [qui produit plus d’énergie qu’il en consomme], reprend le directeur de Wattway. Nos dalles photovoltaïques sont par exemple installées sur les allées piétonnes aux abords des bâtiments et complètent très souvent des premières installations de panneaux photovoltaïques sur les toits. »

La deuxième configuration est celle, donc, de la piste cyclable solaire de Bobigny. « Sur ces installations, l’objectif est d’alimenter en énergie des équipements à proximité, reprend Etienne Gaudin. Cela peut être de l’éclairage public à Bobigny, mais aussi une caméra de surveillance du trafic au milieu d’un rond-point à Montpellier, ou des bornes de recharges pour véhicules électriques… »

Ces dalles photovoltaïques ne sont pas toujours la solution la plus pertinente. Elles ont notamment un rendement moindre que les panneaux photovoltaïques installés sur les toits ou en façade des bâtiments, que l’on peut incliner de façon optimale pour capter les rayons du soleil. « En revanche, lorsque le point de raccordement au réseau est éloigné de l’équipement que l’on veut éclairer ou lorsque le risque que les panneaux photovoltaïques soient vandalisés, notre solution a sa carte à jouer », estime Etienne Gaudin.

« Un gadget »

Marc Jedliczka n’est pas convaincu. Le vice-président du Réseau pour la transition énergétique (Cler) a du mal à voir dans ces dalles photovoltaïques installées au sol autre chose que « des gadgets » pour lesquels « on jette de l’argent public par les fenêtres ». « Un panneau photovoltaïque produit quand il est au soleil, lance-t-il. Si des voitures et des vélos passent dessus et génèrent de l’ombre, ça marche nettement moins. »

Surtout, pour lui la priorité est bien plus « de permettre le développement des solutions éprouvées, plus simples et aux rendements meilleurs ». Marc Jedliczka évoque notamment les installations de panneaux photovoltaïques sur les toits et façades des bâtiments. « En France, il y a d’un côté les petits projets, ceux des particuliers qui équipent leur maison, et de l’autre les grands parcs au sol que développent les énergéticiens, résume-t-il. Entre les deux, au niveau des écoles, des mairies, des immeubles de bureaux, des ombrières de parking, il y a encore trop peu de projets menés, notamment parce qu’il n’y a de tarifs d’achats [un prix d’achat garanti] que pour les projets inférieurs à 100 kWc [kilowatt crête, la puissance de votre installation photovoltaïque]. C’est trop bas. Nous demandons qu’ils soient étendus jusqu’à 500 kWc. »

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