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« Le Monde » : la crise persiste, sur fond de surenchère entre Matthieu Pigasse et Xavier Niel

Xavier Niel suggère d’apporter 100 % du capital de LML, la société qu’il contrôle avec Matthieu Pigasse, au sein d’une fondation afin de « sanctuariser l’indépendance » du groupe Le Monde.

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Publié le 19 septembre 2019 à 10h07, modifié le 20 septembre 2019 à 12h06

Temps de Lecture 5 min.

La crise perdure au Monde, malgré la double déclaration publique de Matthieu Pigasse et de Xavier Niel jeudi 19 septembre. Les deux coactionnaires de contrôle du groupe de presse, qui possède Le Monde, Télérama, La Vie et Courrier international, ont joué la surenchère, alors qu’ils étaient en discussion sur la signature d’un droit d’agrément avec le pôle d’indépendance, qui représente salariés et lecteurs, et qui détient 25 % du groupe de presse.

Matthieu Pigasse a annoncé dans la matinée avoir signé le droit d’agrément réclamé par les rédactions du Groupe Le Monde depuis l’entrée surprise de l’industriel Daniel Kretinsky comme actionnaire minoritaire en octobre 2018. Ce droit inédit pour un groupe de presse doit permettre au pôle d’indépendance de refuser l’entrée d’un nouvel actionnaire de contrôle. Problème, le document signé par Matthieu Pigasse n’est pas celui proposé par le pôle et déjà paraphé par Xavier Niel.

Les protagonistes restent en désaccord sur un point central : le rachat des parts de Prisa. En juillet 2019, Matthieu Pigasse, qui s’était pourtant engagé à ne pas mener « d’opération capitalistique » tant qu’il était en discussion avec le pôle d’indépendance sur le droit d’agrément, avait annoncé être entré en négociations exclusives pour racheter les 20 % que détient le groupe de presse Prisa dans Le Groupe Le Monde, pour, selon nos informations, 15 millions d’euros. Cette opération avait jeté le trouble au sein du groupe, et avait été qualifiée « d’agressive » par Xavier Niel.

Avoir le même poids au capital

« La version de l’accord dont Matthieu Pigasse annonce la signature diffère du document initial et ne traite pas le sujet central de l’acquisition des parts de Prisa dans Le Monde Libre (LML) et du passage en force dont relève cette opération », a réagi le pôle d’indépendance après l’annonce. De fait, une reprise des parts de Prisa ferait passer la participation de Matthieu Pigasse de 26 % à 46 % du capital de LML, la structure qui détient 75 % du groupe de presse, tandis que Xavier Niel resterait à 26 %.

Même si Le Groupe Le Monde est géré par une société en commandite, où Matthieu Pigasse et Xavier Niel détiennent les mêmes pouvoirs de gestion, l’opération pourrait déséquilibrer les positions des actionnaires au sein du groupe. Par exemple, le banquier de Lazard serait fondé à demander plus d’administrateurs au conseil de surveillance.

En outre, Le Canard enchaîné évoquait mercredi 18 septembre un dispositif inclus dans le pacte d’actionnaires qui permettrait à Matthieu Pigasse de mettre fin à la commandite. Devant ces incertitudes, le pôle d’indépendance tient donc à ce que ses actionnaires de contrôle aient le même poids au capital. C’est ce schéma qui avait prévalu au moment du rachat du Groupe Le Monde en 2010 par le trio formé par Pierre Bergé, Matthieu Pigasse et Xavier Niel.

Pour autant, Matthieu Pigasse n’a pas renoncé au rachat des parts de Prisa. A la place, il a proposé d’associer Xavier Niel, à parts égales, à cette opération « dans les mêmes conditions financières ». « LNM [Le Nouveau Monde, société commune entre Matthieu Pigasse et Daniel Kretinsky] démontre ainsi sa bonne foi et sa volonté de conforter la pleine indépendance », assure le communiqué de M. Pigasse.

Le prenant au mot, Xavier Niel lui a répondu dans la foulée, en se disant prêt à participer à la transaction à ses côtés, et à prendre la moitié des parts du groupe de presse madrilène. A une condition néanmoins. Il souhaite que, « fidèles à l’esprit de Pierre Bergé », « Matthieu Pigasse et lui-même prennent aujourd’hui l’engagement formel d’apporter ces titres au pôle d’indépendance ». Contacté, M. Niel dit vouloir apporter ces parts « pour un euro symbolique ».

Un prix plancher garanti

En 2010, Pierre Bergé avait mis 11 millions d’euros à la disposition du pôle d’indépendance, ce qui avait permis aux représentants des salariés et des lecteurs de détenir 25 % du capital du groupe de presse. « Avec cet engagement formel d’apporter les titres Prisa au pôle, un document commun et identique pourra définitivement formaliser le droit d’agrément », écrit Xavier Niel. « La proposition faite par Xavier Niel d’une acquisition des parts de Prisa par Matthieu Pigasse et lui-même afin de les donner au pôle d’indépendance préserve l’équilibre de la gouvernance tout en renforçant les droits du pôle », a réagi le pôle d’indépendance.

Xavier Niel va même plus loin en suggérant d’apporter les titres de la structure de contrôle, Le Monde libre (LML), qui détient 75 % du groupe de presse, à une fondation. « Xavier Niel proposera que le conseil, le directoire et le pôle d’indépendance travaillent ensemble à un dispositif permettant d’apporter 100 % du capital de LML au sein d’une fondation afin de sanctuariser son indépendance », écrit le fondateur de Free dans un communiqué. Il s’inspire ainsi de Mediapart, en passe de changer de statut, et du Guardian, déjà géré par une fondation.

Plus tôt dans la semaine, le pôle d’indépendance et le banquier de Lazard avaient pourtant levé un obstacle important sur le droit d’agrément, celui du prix auquel le pôle pourrait aller chercher un repreneur, dans l’hypothèse où celui présenté par l’actionnaire serait refusé. Longtemps, Matthieu Pigasse a souhaité que le pôle le fasse « au prix de marché », autrement dit au prix de l’opération conclue entre MM. Pigasse et Kretinsky, et qui valorise leur société commune (LNM) à hauteur de 101 millions d’euros. De son côté, le pôle d’indépendance voulait qu’en cas de désaccord un expert soit nommé afin d’avoir une évaluation objective de l’actif.

Finalement, Matthieu Pigasse a obtenu des concessions lui permettant de sécuriser ses investissements réalisés dans le groupe de presse. Depuis 2010, il aurait injecté 57 millions d’euros dans Le Monde libre, qui coiffe le groupe Le Monde et L’Obs. Cette somme serait donc garantie par un prix plancher pour le banquier d’affaires. C’est sur cette base que M. Pigasse a annoncé avoir signé le droit d’agrément.

A ce stade, le pôle d’indépendance n’a pas encore obtenu, comme il le souhaite, un document commun signé par ses deux coactionnaires de contrôle. Une assemblée générale a eu lieu jeudi après-midi dans les locaux du Monde pour évoquer ces derniers rebondissements. Le pôle d’indépendance attend désormais une réponse de Matthieu Pigasse.

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