Afghanistan. Elle œuvre à relever le cinéma national

Dans les locaux décatis de la direction du Film afghan, Sahraa Karimi, 36 ans, dont le film « Hava, Maryam, Ayesha » a fait sa première au festival de Venise il y a quelques semaines, supervise une équipe de 77 hommes avec lesquels elle espère relever le cinéma national de l’ombre des talibans.

Afghanistan. Elle œuvre à relever le cinéma national
(Photo AFP)

À son apogée dans les années 70, l’industrie du cinéma afghan était vivace. Tout cela s’est éteint avec l’invasion soviétique de 1979 qui a cantonné les cinéastes à la propagande, avant que les talibans ne les réduisent au silence sous leur régime, de 1996 à 2001, en interdisant films et musique. Les islamistes radicaux ont entrepris de détruire systématiquement les bobines de films et les bandes de musique. Les téléviseurs étaient pendus aux lampadaires. Tout contrevenant risquait une punition sévère, dont le fouet.

Après qu’ils ont été chassés du pouvoir, la direction du Film afghan a été reconstituée mais elle a végété, aux mains de responsables réputés pour leur incompétence. Sahraa Karimi est désormais aux commandes. Dans ses bureaux à Kaboul, des archives précieuses ont été jetées à la poubelle et son personnel, exclusivement masculin, - dont certains membres avaient réussi à cacher des bobines de film sous les talibans -, paraît aujourd’hui démotivé. « C’est un vrai défi mais je suis une personne qui les aime bien », assure crânement Sahraa Karimi, devenue en mai dernier la première femme à diriger cette institution.


Déjà un festival


Elle a, depuis, poussé plusieurs projets pour ressusciter la production nationale. Au premier chef se trouve un festival du film de dix jours qui a récemment vu la projection d’environ 100 œuvres de fiction et documentaires, projetés dans quatre lieux de la capitale, dont le siège du Film Afghan. L’évènement a permis de familiariser à des classiques du cinéma national des centaines d’Afghans, dont beaucoup ignoraient leur patrimoine filmographique.

« Le festival est une excellente idée, parce que les cinémas sont restés fermés pendant longtemps et aucun bon film n’a été produit », observe une spectatrice, Atefa Essari, âgée de 21 ans. « Nous ne connaissions pas nos cinéastes parce que la plupart vivaient à l’étranger ».

Le Film Afghan a récemment numérisé des centaines d’heures de pellicule incluant des films et documentaires sur l’Afghanistan avant que le pays ne soit ravagé par quatre décennies de guerre.


« Nous nous battrons »


Pour Sahraa Karimi, la direction de l’institut doit aussi être le moteur de la renaissance du cinéma en Afghanistan.

« Je leur ai expliqué que ça ne servait à rien de rester dans un bureau de 8 h à 16 h, qu’il fallait sortir, s’asseoir sous un arbre, échanger les uns avec les autres sur tous les sujets et apporter des idées ». La directrice, qui a ouvert un café dans la cour de l’institut pour y favoriser les discussions, montre la voie.

Mais de nombreux Afghans craignent toujours que les libertés nouvellement acquises dans la capitale puissent leur être retirées.

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Les talibans et les États-Unis étaient récemment sur le point de conclure un accord sur le retrait des troupes américaines du pays en échange de compensations des insurgés, qui pouvait être un premier pas vers la paix. Celui-ci ayant échoué, beaucoup craignent qu’in fine, les islamistes se hissent à nouveau au pouvoir. « Ils reviendront (…) mais nous n’allons pas céder, et nous nous battrons », avertit Sahraa Karimi.

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