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Oiseaux tués, insectes en surchauffe…, démêler le vrai du faux sur les animaux et la 5G

Hypothèses avancées comme des certitudes, conclusions exagérées, images détournées… les arguments douteux des opposants au déploiement du réseau.

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Publié le 13 septembre 2019 à 11h09, modifié le 13 septembre 2019 à 12h18

Temps de Lecture 4 min.

Alors qu’approche son déploiement, la téléphonie 5G (pour « 5e génération ») nourrit déjà de nombreuses interrogations. Certaines sont fondées ; d’autres, en revanche, s’appuient sur des approximations ou des affirmations erronées. Ainsi, des villes ou des pays auraient interdit la 5G pour des raisons de santé (c’est faux) ; il existerait un « drone insecte espion » contrôlé en 5G dont on nous cacherait l’existence (faux, également), ou encore que son déploiement nécessiterait l’abattage d’arbres par milliers (toujours faux)…

Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, les messages alarmistes sur les dégâts présumés du déploiement du réseau de téléphonie mobile 5e génération sur l’environnement se multiplient, incluant de prétendues conséquences pour les animaux. Problème : il s’agit souvent d’hypothèses avancées comme des certitudes, de conclusions très exagérées ou encore d’images détournées.

1. Des oiseaux morts… d’une cause inconnue

Un texte prétendant que « des centaines d’oiseaux [sont] morts lors d’une expérimentation de la téléphonie mobile 5G » a connu un large succès, bien au-delà des frontières du pays où milite son auteur, le Néerlandais John Kuhles. Bien que fausse, l’histoire a été reprise dans des publications francophones, anglophones, hispanophones et même en langue tamoule.

Vérifié par de nombreux médias, le phénomène – 337 étourneaux retrouvés morts entre le 19 octobre et le 23 novembre 2018 dans un parc de La Haye, aux Pays-Bas – serait en réalité lié à un empoisonnement.

A la demande de la municipalité, des équipes de recherche biovétérinaire ont travaillé sur la question : « Les oiseaux ont montré des traces de poison d’arbustes (ifs) et les chercheurs ont trouvé des produits de décomposition dans les oiseaux. Les baies rouges de l’if sont souvent consommées par les oiseaux, qui ne meurent généralement pas en les mangeant », explique la mairie sur son site Internet. Des recherches complémentaires sur l’origine de l’intoxication des oiseaux doivent être menées.

La mairie précise qu’aucun test 5G n’a été effectué sur un nouveau réseau de téléphones mobiles autour du parc. Contacté par nos confrères de Libération, John Kuhles a reconnu qu’il s’agissait plutôt d’une « hypothèse » de sa part que d’une certitude. Responsable de publications à la tonalité complotiste, le militant avait aussi assuré par le passé que les incendies dévastateurs en Californie étaient une punition de l’« élite » pour se venger de l’opposition au déploiement de la 5G dans cet Etat américain.

2. L’impact exagéré de la 5G sur les insectes

Autre infox largement relayée : la 5G provoquerait une hausse de la température des insectes. Elle a été propagée par le journal suisse Le Matin : « Des études ont montré que les fréquences utilisées par la 5G font grimper la température corporelle des insectes », écrit le quotidien. Reprise et déformée par d’autres médias, elle est devenue : « Avec la 5G, poussée de fièvre chez les insectes ».

Ces messages alarmistes ont pour origine l’interprétation d’une étude publiée dans Nature, prestigieuse revue scientifique. Selon cette dernière, « la puissance absorbée par les insectes [exposés à des champs électromagnétiques comme ceux de la 5G] devrait augmenter par rapport à celles des systèmes de communication sans fil actuels (3G et 4G) ».

Actuellement, la 5G est déployée surtout dans les bandes de fréquence entre 700 MHz et 3 800 MHz, mais elle pourrait utiliser des bandes beaucoup plus élevées. Or, plus on monte dans les fréquences, plus la longueur de l’onde se réduit. « Certaines fréquences 5G auront des longueurs d’ondes comparables à [la taille] des insectes », explique l’auteur de l’étude, Arno Thielens, chercheur de l’université belge de Gand.

Le physicien prend comme hypothèse de travail une fréquence maximale de 120 GHz (c’est-à-dire supérieure à la fréquence la plus haute envisagée pour la 5G, qui est de 86 GHz). L’onde est tellement courte qu’elle atteint la taille d’un insecte. L’animal pourrait alors être « chauffé » par l’onde électromagnétique, selon Arno Thielens. Des résultats à prendre avec précaution, puisque l’auteur précise ne pas avoir « effectué de simulations complètes en raison d’incertitudes concernant les capacités thermiques spécifiques des insectes et les mécanismes de dissipation de la chaleur ».

Le contexte

L’encadrement des effets thermiques sur la santé humaine

Les effets thermiques des ondes électromagnétiques, concrètement une augmentation de la température des tissus de la peau, sont indéniables ; ils sont même calculés par les autorités sanitaires afin qu’ils respectent des seuils maximaux. En France, le débit d’absorption spécifique (ou DAS) représente la quantité d’énergie d’un équipement, par exemple un téléphone mobile, absorbée par l’organisme sous forme de chaleur par unité de temps.

Il est « mesuré sur l’ensemble du corps ou sur une de ses parties et s’exprime en watts par kilogramme (W/kg) », explique le ministère de la santé. Les normes sont revues régulièrement et adaptées aux différents usages, par exemple, l’apparition du kit mains libres ou la disparition de l’étui permettant de porter le téléphone à la ceinture.

« Pour l’instant, nous n’avons repéré aucun effet des ondes millimétriques sur les cellules. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’en l’état actuel de la recherche, nous ne connaissons qu’un seul effet possible des ondes sur leur environnement. C’est l’effet thermique, celui qui permet à votre eau de bouillir au four à micro-ondes. Et les puissances utilisées en télécommunications, quel que soit le type d’ondes, sont trop faibles pour générer un tel échauffement », précise le biologiste Yves Le Dréan, enseignant-chercheur à Rennes-I.

3. Un effet cancérigène très faible chez des rongeurs

Un rapport du Programme national de toxicologie (NTP) – un programme fédéral piloté par le département de la santé et des services sociaux des Etats-Unis – a mis récemment en lumière une augmentation des risques de tumeurs cardiaques chez des rats mâles exposés à des niveaux élevés d’ondes électromagnétiques utilisées en téléphonie 2G et 3G. Mais les conclusions de ce rapport, estime l’auteur principal John Bucher, ne permettent pas d’établir de lien concret et définitif entre l’exposition aux ondes et un cancer.

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Le chercheur en santé environnementale, interrogé par l’agence de presse AP, affirme ainsi qu’au pire « il pourrait y avoir un faible effet cancérigène… s’il y en a bien un ». « Nous avons constaté que l’ADN avait pu être endommagé sur certains animaux, mais nous ne pouvons pas déduire quoi que ce soit de cet effet biologique », explique John Bucher.

Surtout, au-delà des nuances qu’imposent les conclusions de ce rapport, il serait hasardeux de vouloir transposer ces résultats à l’homme. « Les expositions utilisées dans les études ne peuvent pas être comparées directement à l’exposition que subissent les humains lorsqu’ils utilisent un téléphone », insiste le chercheur. D’une part, les niveaux et les durées d’exposition étaient bien supérieurs à ce que les gens vivent au quotidien. D’autre part, les rongeurs ont reçu des radiations de radiofréquences sur tout leur corps, alors que les humains sont principalement exposés sur des tissus locaux, à l’endroit où ils tiennent leur téléphone.

« Dans le cas de l’humain, (…) l’absorption se fait effectivement de façon très superficielle et a beaucoup plus de mal à atteindre le cerveau, par exemple », assure Alain Sibille, professeur de physique à Télécom ParisTech. C’est d’ailleurs ce que concluait l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), en 2010, lors de la publication d’une évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation d’un scanner corporel à ondes millimétriques (24 à 30 GHz), « en raison notamment de leur faible longueur d’ondes, celles-ci ne pénètrent pratiquement pas dans l’organisme ». Le prochain rapport de l’Anses sur la 5G est attendu d’ici à la fin de l’année.

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