Les Patronnes

La Bistrote, dans "Les Portraits" d'Alain Cavalier - © Caméra One Télévision
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A l'agenda ce week-end les Journées du patrimoine mais aussi Journées du matrimoine. L'association Osez le féminisme organise cette manifestation pour mettre en valeur les femmes qui ont marqué l'histoire. En effet, contrairement à une idée reçue qui a la vie dure, les femmes ont toujours travaillé.

Les femmes ont toujours travaillé. La plupart du temps, elles ont travaillé gratuitement, ce qui a fait perdurer longtemps l’idée reçue selon laquelle elles ne travaillaient pas.

Travail des femmes : les clichés ont la vie dure

Depuis le début du XIXe siècle les femmes sont en majorité agricultrices, comme la plupart des hommes, mais elles sont aussi commerçantes, patronnes d’industrie, domestiques et ouvrières. Sylvie Schweitzer dans Les Femmes ont toujours travaillé, paru en 2002, pointe les méthodes statistiques qui rendent invisible le travail féminin. Mariées, elles ne sont pas considérées comme actives. Au XIXe siècle par exemple, les recensements classent une agricultrice ou une commerçante dans les catégories « sans profession », « ménagère », parfois on leur attribue le métier de l’époux. Jusqu’aux années 1980 encore, les catégories de l’INSEE n’enregistrent qu’un seul chef d’exploitation, les femmes d’agriculteurs étaient classées dans la catégorie des aides familiales, des forces de travail secondaires et fantomatiques. Et les femmes dirigent des entreprises de longue date aussi, mais les trouver dans les archives restent un douloureux problème pour les historiennes et les historiens. 

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Des femmes patronnes bien cachées ?

Le diable est là encore dans les chiffres. Les entreprises sont tenues conjointement par le couple quand elles ne sont pas entièrement dirigées par la femme mais elles sont déclarées au nom du mari. Lorsqu’elles déclarent leur entreprise elles sont bien souvent veuves ou divorcées. Une autre historienne, Claire Zalc, a croisé les chiffres du registre du commerce et des déclarations de profession dans les recensements pour débusquer les entrepreneuses étrangères, des années 20 et 30. Les femmes sont encore une fois masquées dans l’équation du travail conjugal, à l’exception de certains cas spécifiques où l’immatriculation de l’entreprise par la femme constitue un avantage. Claire Zalc cite l’exemple de Marie Laurent épouse Castallio, née en France et devenue espagnole par son mariage. C’est elle qui déclare l’épicerie conjugale Au bon coin, à Bondy. C’est ici la contrainte qui permet au travail féminin d’apparaître puisque la loi interdit depuis 1915 aux étrangers résidents depuis moins de cinq ans sur le territoire national de posséder un établissement vendant des boissons alcoolisées. La stratégie de contournement fait apparaître la patronne au détour des exigences administratives.  

Être cheffe d’entreprise n’est pas toujours synonyme d’émancipation

L’indépendance a un prix, paradoxalement, elle rime avec une plus grande dépendance vis à vis du conjoint. Et la promiscuité du rôle professionnel et familial favorise une activité sans reconnaissance voir sans rémunération. Le mélange des genres, la relation maritale et professionnelle, c’est un risque à prendre. 

Ce week-end ce sont les Journées du patrimoine, mais c’est aussi les Journées du matrimoine. L'association " Osez le féminisme" organise cette manifestation pour mettre en valeur les femmes qui ont marqué l'histoire. Les rues de Marseille seront renommées pour l’occasion avec des noms de femmes toujours minoritaires dans ce panthéon urbain. C’est peut-être l’occasion aussi de renommer les devantures des magasins et des entreprises qui ont pignon sur rue ?

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