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"Sortir de l'hétérosexualité" : quand Les Inrocks se vautrent dans les apories du nouveau féminisme

"Sortir de l'hétérosexualité" : quand Les Inrocks se vautrent dans les apories du nouveau féminisme

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Ce mardi débute le festival féministe "sortir de l'hétérosexualité", assimilée à "un régime d’exploitation". Rien que ça !

Indéniablement, il y aura un avant et un après « sortir de l’hétérosexualité », le festival féministe qui débute ce mardi 24 septembre à Paris. Au programme, des ateliers à même de déconstruire tous nos stéréotypes pour les remplacer par d’autres et de nous aider enfin à penser, comme « érotisation de la violence » (avec l’inénarrable Valérie Rey-Robert), « répartition raciale du travail de care », « économie du désir » (avec Morgane Merteuil, Laclos aurait apprécié) ou encore « production médicale de la binarité des sexes ».

Les Inrocks ne s’y sont pas trompés, eux qui ont toujours su distinguer avec clairvoyance, pensée complexe et imposture farfelue. « Plus qu’une simple orientation sexuelle, l’hétérosexualité est avant tout un régime politique », prévient d’emblée le journaliste en charge du papier, en omettant toutefois de préciser qu’il est « systémique ». « On ne naît pas hétérosexuel.le, on le devient », renchérit une des militantes interrogées, reléguant par cet aphorisme Simone de Beauvoir au rang d’écrivaillon. L’année dernière, le festival s’était déjà signalé par son audace puisqu’il entreprenait de « dénaturaliser le mot "femme" en travaillant sur le désalignement genre/sexe ». Mais cette fois-ci, il s’agit d’aller encore plus loin. Et de faire comprendre notamment que l’hétérosexualité est « un régime d’exploitation et une fiction politique » et qu’« elle est aussi en lien étroit avec la construction du capitalisme puisqu’elle permet de ne pas salarier le travail de reproduction », le tout, et ce n’est pas un mince exploit, sans jamais verser dans le complotisme.

"Réfléchir d'un point de vue féministe"

L’hétérosexualité n’a pas seulement gangréné le couple car même celles qui « ne sont pas appropriées dans leur vie privée par un homme » doivent aussi affronter « des patrons, des pères, des voisins, des violeurs ». On la retrouve partout jusque dans les sciences ou la médecine : « Les corps ne sont pas une donnée mais des archives du sexisme et du patriarcat », rappelle fort à propos une des militantes. Certes, tout cela est déjà extrêmement édifiant et pourtant ce ne serait rien sans la question que tout le monde se pose, celle qui brûle les lèvres du journaliste et qu’il pose dans un ultime élan de déconstruction salvatrice : « Quels sont les liens entre régime hétérosexuel et régime colonial, blanchité et hétérosexualité ? ». Réponse : « Si on part du principe – et c’est notre cas – que l’hétérosexualité a avant tout une utilité économique, alors elle va forcément s’insérer dans l’économie capitaliste qui est une économie racialisée et coloniale ».

Et les mêmes qui n'ont pas de mots assez durs pour fustiger ceux qui enjoignent les homos de devenir hétéros valident ainsi l'idée selon laquelle l'orientation sexuelle est un choix

La démonstration est imparable et personne n’oserait contester cette absence d’argument. L’hétérosexualité est d’ailleurs « la pierre angulaire de la construction du patriarcat », explique l’une des militantes. Et pour cela, quoi de mieux que de refuser le français qui en est sa langue officielle en déclarant qu’il faut « adresser ces communautés en tant que minorités » ou « re-réflechir d’un point de vue féministe les normes esthétiques et la manière de produire » ?

Puis l’une d’elles d’ajouter : « On veut dire aux femmes que ça n’est pas leur destin de faire leur vie avec des hommes et pour les hommes ». Déjà qu'elles sont victimes, comme l'a expliqué le site Terra femina, de « caca shaming », cette oppression patriarcale de la cuvette des WC - alors que les hommes défèquent à tout moment en public sans aucune gêne - il serait irresponsable de les encourager à faire leur vie avec un monstre masculiniste. Comme jadis l’homosexualité, l’hétérosexualité est donc en passe de devenir la tare dont il faut guérir pour mieux se convertir aux nouvelles normes de sexe et de genre. Et les mêmes qui n'ont pas de mots assez durs pour fustiger ceux qui enjoignent les homos de devenir hétéros valident ainsi l'idée selon laquelle l'orientation sexuelle est un choix. On ne peut que s’en réjouir : on en a peut-être fini, enfin, avec « la construction de l’hétérosexualité comme mode d’organisation de la vie désirable (...) infusée par la blanchité ». Une militante conclut : « En fait tu ressors non-hétéro et brainwashé ». On n'arrête plus le progrès !

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne