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Au Tchad, la sécheresse décime les récoltes et fait craindre une explosion de l’insécurité alimentaire

Alors que les Nations unies peinent à convaincre les Etats de lutter contre le réchauffement, l’Afrique est en première ligne. Au Tchad, la baisse de la pluviométrie s’accentue.

Par Aurélie Bazzara-Kibangula (N’Djamena, correspondance)

Publié le 24 septembre 2019 à 19h00

Temps de Lecture 3 min.

Un lit de rivière asséchée près de Bredjing, dans l’est du Tchad, en août 2004.

Assis sous une hutte de brindilles qui le protège du soleil écrasant, Honoré Djimrabaye est inquiet. « Mes cultures sont sèches », explique-t-il, en scrutant son champ d’un demi-hectare qui lui permet de nourrir sa famille. Cet agriculteur de 22 ans fait pousser exclusivement du mil, base de l’alimentation tchadienne. « Il n’y a presque rien sur les tiges. Il faudrait de l’eau pour que les céréales continuent à pousser, mais la pluie ne vient pas, se désole ce père de trois enfants. La récolte va être catastrophique. »

A Mandélia, une localité située à une quarantaine de kilomètres de N’Djamena, le sol est sec et laisse paraître de nombreuses fissures. Le résultat d’une saison qui a manqué cruellement de pluies. « Depuis quarante ans, la courbe des précipitations diminue très nettement, alors que celle des températures augmente au Tchad », constate Hamid Abakar Souleymane, directeur adjoint à l’Agence nationale de météorologie.

Depuis les années 1970, le pays enregistre une baisse de la pluviométrie de 50 % en moyenne sur l’ensemble du territoire. Illustration emblématique de ce phénomène d’assèchement : le lac Tchad. Sa superficie est passée de 25 000 km2 en 1963 à environ 2 500 km2 aujourd’hui, selon le rapport publié en 2017 par la Commission du bassin du lac Tchad.

Surtout, la saison des pluies s’est raccourcie : au lieu de s’étendre de juin à octobre, elle débute désormais en juillet pour s’achever fin septembre. Une situation critique pour Abderamane Hissein Ado, céréalier de 53 ans à la silhouette élancée : « J’ai semé tard, je vais récolter tard. Les temps sont durs, mes stocks de nourriture récoltés l’année passée sont déjà épuisés. » Pour accélérer la floraison de ses parcelles et éviter le pire, il a réparé en urgence un groupe électrogène bringuebalant qui lui sert à pomper l’eau du fleuve Chari qui borde ses cultures. « L’achat de l’essence est un sacrifice », explique ce père de six enfants.

Exode vers le sud du pays

Au Tchad où 80 % de la population vit d’une agriculture de subsistance, l’assèchement des terres et l’avancée du désert font craindre une explosion de l’insécurité alimentaire. Selon Médecins sans frontières, 151 022 enfants de moins de 5 ans sont atteints de malnutrition sévère cette année, soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période en 2018. L’ONG pointe une baisse du pouvoir d’achat des ménages et un rallongement des périodes de soudure, ce moment qui précède les premières récoltes alors que celles de l’année passée ont déjà été consommées.

Autre conséquence du manque de précipitations : une véritable ruée vers l’eau s’est opérée. « Les habitants du nord aride migrent vers des zones plus propices à l’élevage et à l’agriculture, vers le sud du pays », analyse Ahmed Moussa N’Game, membre de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et d’artisanat du Tchad. Résultat : il n’y a plus assez de terres pour tout le monde, moins de couloirs de transhumance pour les animaux et une pression accrue sur les ressources naturelles.

« Les rendements diminuent car plus aucun champ n’est mis en jachère, une technique pourtant nécessaire pour le renouvellement des sols », précise le spécialiste. Et d’ajouter : « Cet exode a également intensifié les conflits communautaires dans la zone sahélienne. » L’est du Tchad est en effet le théâtre de violences depuis plusieurs années. Selon le rapport de la Convention tchadienne de défense des droits humains (CTDDH), au moins 84 personnes ont été tuées dans des conflits entre agriculteurs et éleveurs depuis janvier.

En réponse à ces difficultés croissantes et pour doper une économie fragile à la suite de la chute des cours du pétrole en 2014, le gouvernement a désigné les secteurs de l’agriculture et de l’élevage comme priorités nationales. Pourtant, l’Etat consacre moins de 6 % de son budget à ces mamelles nourricières, alors que celui de la sécurité avoisine les 30 %.

Pour respecter ses engagements, le Tchad fait appel aux bailleurs de fonds internationaux. Deux projets sont en cours : le Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANA), financé à hauteur de 4 millions d’euros par l’Union européenne, et le Projet d’amélioration de la résilience des systèmes agricoles au Tchad (Parsat), d’un coût de 32 millions d’euros, soutenu par le Fonds international de développement agricole.

« Les agriculteurs sont formés à l’utilisation de semences qui résistent à la sécheresse, à l’interprétation d’informations météorologiques et à des systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte », détaille Mahamat Yacoub Adoum, responsable de l’adaptation aux changements climatiques au ministère de l’environnement.

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Mais, là aussi, ce n’est pas suffisant pour certains. « Le gouvernement peine à vulgariser ses projets une fois les financements des partenaires épuisés », explique une diplomate qui suit le dossier. Et de conclure : « C’est avant tout une question politique. Au début des années 1960, l’Etat a tout mis en place pour développer l’agriculture. Il y a eu ensuite l’ère du tout-pétrole et, aujourd’hui, nous sommes à l’ère du tout-sécuritaire. »

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