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Tabac : la filière française face au risque de disparition

La dernière usine de transformation française, basée à Sarlat, ferme ses portes le mois prochain. Pour les 650 tabaculteurs encore en activité l'avenir passe par des marchés de niche, comme le tabac à chicha ou des cigarettes originales.

Culture du tabac en Dordogne, la région qui devrait le plus souffrir.
Culture du tabac en Dordogne, la région qui devrait le plus souffrir. (Shutterstock)

Par Frank Niedercorn

Publié le 25 sept. 2019 à 09:14

Au mois d'octobre, l'atelier de transformation de tabac de Sarlat fermera ses portes. Un coup dur pour l'économie périgourdine qui pourrait aussi annoncer la disparition de la culture du tabac en France. Avec ses 33 employés cette entreprise qui appartient à France Tabac, une émanation des coopérateurs français, était le dernier site industriel de tabac de l'Hexagone depuis la fermeture en 2016 de l'usine de cigarettes de Riom .

L'an dernier, après des années de difficultés, on croyait le site sauvé grâce à l'allemand Alliance One, qui promettait d'apporter près de 4.000 tonnes supplémentaires par an. Un an plus tard, l'industriel allemand est revenu sur sa décision entraînant la fin de l'usine. Celle-ci intervient au plus mauvais moment pour les 176 agriculteurs de la coopérative Périgord Tabac. « Nous devons écouler la récolte 2019, soit 550 tonnes, qui est en train de sécher. Nous avons fait fonctionner nos réseaux et nous sommes en pleine négociation. Je suis convaincu que nous allons y arriver », assure Laurent Testut, le président de la coopérative.

Le poids des politiques antitabac

C'est à moyen terme l'existence même de la culture du tabac qui se pose avec 650 agriculteurs actifs en France pour un chiffre d'affaires d'environ 25 millions d'euros. Si les rangs se sont éclaircis à ce point, c'est que cette culture, coûteuse en main-d'oeuvre, n'est plus aussi rentable. Leprix de vente moyen du tabac brut se situe autour de 3 euros le kilogramme mais pour un temps de travail 100 fois supérieur à celui des céréales. En bout de chaîne, les grands industriels de la cigarette font désormais jouer à fond la concurrence avec les gros producteurs, comme le Brésil, le Malawi ou le Zimbabwe.

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Ils font aussi payer à l'Europe sa politique antitabac . « Il y a encore une décennie les multinationales tenaient compte des coûts de production locaux. Il y avait une sorte de renvoi d'ascenseur pour accéder aux marchés occidentaux. Le resserrement des politiques de santé publique a changé la donne », analyse Rémy Losser président de France Tabac.

De nouvelles variétés

Ce qui reste de cette culture est-il condamné ? « Le nombre d'exploitants devrait tomber à moyen terme à 400 exploitants, étant donné l'âge moyen de la profession », estime François Vedel, porte-parole de France Tabac, qui précise : « On devrait avoir en revanche des professionnels plus impliqués dans la qualité. » C'est le noeud du problème qui a contribué à couler l'usine de Sarlat, tiraillée entre le besoin de produire en quantité suffisante et une stratégie visant le haut de gamme. « Nous avons souffert d'un manque de qualité qui nous a éloignés des standards internationaux », souffle Eric Tabanou, le directeur général.

Investir les marchés de niche est pourtant la seule issue possible. Près de 80 % de la production repose déjà sur la variété Virginia, cultivée au nord de la Loire sur des exploitations mécanisées. Ce tabac pauvre en nicotine et plus sucré est très adaptée au marché de la chicha, qui a le vent en poupe. « A Dubaï, en Jordanie ou en Egypte, l'étiquette 'french tobacco' est très valorisante », assure Rémy Losser, qui cultive du Virginia dans le Bas-Rhin. En revanche, l'avenir de la variété Burley, d'abord destinée au marché de la cigarette mais très concurrencée par l'étranger, est sombre. « Bassin historique de la culture du tabac, la Dordogne est probablement la zone qui va le plus souffrir », reconnaît François Vedel, qui va plus loin : « On peut même se demander s'il reste de la place pour cette culture dans un pays à fort niveau de vie, comme le nôtre. »

Pour d'autres, il existe une planche de salut c'est « l'adaptation », insiste Anna Malpica, qui dirige Bergerac Seed & Breeding, filiale de 7 personnes de France Tabac qui a créé de nouvelles variétés de tabac : « Le marché est en pleine mutation et a besoin de tabac très différent avec des équilibres chimiques variés plus ou moins riches en nicotine, aromatiques ou de textures différentes. Il existe des places à prendre sur des produits atypiques ou d'exception. La France en a la capacité. »

Frank Niedercorn (Correspondant à Bordeaux)

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