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Toto Morand: «Alors que les gitans font peur, leur musique plaît»

Depuis six ans, chaque dernier week-end de septembre, la salle des Fêtes d’Epalinges vibre aux sons des musiques du monde. Une initiative conviviale et salutaire signée d’une figure locale bien connue, Toto Morand

Goran Bregovic sur la Grande scène du Paléo Festival, juillet 2006. — © Martial Trezzini/KEYSTONE
Goran Bregovic sur la Grande scène du Paléo Festival, juillet 2006. — © Martial Trezzini/KEYSTONE

Commerçant de chaussures au long cours, dont la boutique-mère Pomp it Up est l’un des lieux historiques de la culture urbaine du quartier lausannoise du Flon, Guillaume «Toto» Morand est un empêcheur de tourner en rond. Depuis 2012, il ne cesse de bousculer le paysage politique vaudois avec son Parti de Rien, puis son combat virulent en faveur de la Forêt du Flon. Résident à Epalinges, Toto Morand n’a pas pu s’empêcher d’y faire un peu d’activisme local en lançant un festival dont le nom en forme de code postal cache mal son ouverture vers le monde et son militantisme. Explications dans son entrepôt de Bussigny, entre piles de cartons de chaussures et palettes d’affiches du festival.

Le Temps: Pourquoi un festival de musiques à Epalinges?

Guillaume «Toto» Morand: J’ai grandi à Epalinges depuis l’âge de 7 ans, je suis un Palinzard. Et j’ai voulu rendre hommage au festival folk que Géo Voumard avait lancé dans les années 1970 enfin. Parallèlement, à Lausanne, il y avait le problème des Roms et de la mendicité. D'où l'envie de consacrer la première édition du festival, en 2013, aux populations stigmatisées avec, en particulier, une soirée consacrée au Gitans des Balkans. L’idée était de montrer la richesse culturelle de ces gens-là.

Et vous avez continué sur votre lancée avec une programmation «musiques du monde» et régulièrement des soirées tziganes. Vos têtes d’affiche cette année sont d’ailleurs Goran Bregovic et le chanteur de flamenco Duquende…

Oui, c’est un paradoxe. Alors que les Gitans font peur, leur musique plaît. Nous, on aime leur sens de la fête. Cela correspond bien à l’esprit de convivialité que nous cherchons à créer à Epalinges. Le festival ce n’est pas seulement des concerts mais aussi un espace extérieur festif. Nous accordons un grand soin à embellir la place. On met de la moquette rose, des meubles de jardins que je stocke dans mes entrepôts. Et bien que l’été indien s’arrête généralement avec le début du festival, il y a toujours des gens qui viennent juste pour l’ambiance. Et on souhaite que la population d'Epalinges s'implique toujours plus.

Quel est le public du 1066 Festival?

Selon les statistiques, il y a à peu près 15% de gens d’Epalinges, 40% de Lausannois et 45% de gens qui viennent d’ailleurs, de Neuchâtel entre autres. Beaucoup de jeunes d’Epalinges font partie de l’équipe de bénévoles et on a deux municipaux qui s’impliquent aussi dans l’organisation du festival.

Vous êtes une figure de la scène lausannoise. En plus de votre entreprise de chaussures, on vous connaît pour votre combat pour la Forêt du Flon et comme unique membre du Parti de Rien. Quel est votre moteur?

Le combat pour la Forêt du Flon, c’est une conviction profonde depuis sept ans. Le Flon est mon quartier, cet engagement c’est ma mission et je ne lâcherai jamais. D’autant que je reçois un succès populaire toujours plus grand. J’ai fait ma première campagne avec le Parti de Rien en 2012 aussi, juste avant de m’engager pour la Forêt du Flon. Et puis bien sûr, j’adore faire la fête et en organiser. Le festival concilie mon engagement et cet esprit.

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Comment faites-vous pour gérer toutes vos activités de front?

J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur des collaborateurs fidèles. Dans mon entreprise, la plupart travaillent avec moi depuis plus de vingt ans et je peux leur faire entièrement confiance. Dans le cadre de l’équipe du festival, je suis certainement celui qui travaille le moins ! De toutes façons, tant qu’il y a du plaisir, tant qu’on rigole, ça va.

D’est en ouest

Depuis son lancement, le 1066 Festival porte une attention particulière aux musiques tziganes. En premier lieu celles qui viennent des Balkans. L’édition 2019 ne faillit pas à la règle avec le concert très attendu de Goran Bregovic, célèbre pour avoir réalisé la bande-son du Temps des Gitans, d'Emir Kusturica, qui se produisait lui-même avec son groupe No Smoking sur cette même scène l’an dernier. Bregovic est le roi des bandes originales de films, mais aussi des musiques manouches festives qu’il revisite avec son orchestre de mariage et d’enterrement.

Le lendemain, c’est une des plus grandes voix actuelles du flamenco, Duquende, qui foulera la scène d’Epalinges avec son combo de clappeurs, de guitaristes – dont Diego Del Morao, fils de Moraito et de la danseuse Gema Moneo. Aux côtés de ces grands noms, le festival propose des vraies découvertes musicales avec des formations qui n’ont encore jamais mis les pieds sur le territoire suisse. A l’est ce seront la fanfare déjantée Batiar Gang et les étonnantes vibrations bulgares de Oratnitza et à l’ouest la nouvelle génération espagnole qui vient démontrer que le flamenco a désormais son pendant folk avec Makandé et hip hop avec Calima. E. St.

1066 Festival, Epalinges, Grande salle des Fêtes, vendredi 27 et samedi 28 septembre.