Incendie à Rouen : «Il est absurde de dire qu’il n’y a pas de risque lié aux fumées»

Président de l’association écologiste Robin des Bois, Jacky Bonnemains s’inquiète du panache de fumée qui s’échappe de l’usine Lubrizol en flammes.

 Rouen (Seine-Maritime), le 26 septembre 2019. L’incendie s’est déclaré vers 2h45 dans l’usine Lubrizol.
Rouen (Seine-Maritime), le 26 septembre 2019. L’incendie s’est déclaré vers 2h45 dans l’usine Lubrizol. AFP/Philippe Lopez

    Un important incendie s'est déclaré dans la nuit de mercredi à jeudi, dans une usine classée Seveso seuil haut de Rouen (Seine-Maritime), provoquant un très important panache de fumée. Cette usine est spécialisée dans la fabrication d'additifs qui servent à enrichir les huiles, les carburants ou les peintures industriels.

    En fin de matinée, le préfet de Seine-Maritime, a assuré qu'il n'y a « pas de toxicité aiguë sur les principales molécules » en feu. Et d'insister : « Il n'y a pas de minoration des risques par les autorités. S'il avait fallu confiner, nous l'aurions fait. S'il avait fallu évacuer, nous l'aurions fait ».

    Mais le président de l'association écologique Robin des Bois, inquiet, exige que des prélèvements soient faits en ville et à la campagne.

    Cette usine Lubrizol de Rouen, c'est un site que vous connaissez bien ?

    JACKY BONNEMAINS. Oui, notamment depuis la fuite de mercaptan survenue en janvier 2013. L'odeur de gaz avait à l'époque été perçue de Londres jusqu'au sud de la région parisienne. Mais c'était un incident beaucoup moins grave que ce qui est en train de se produire aujourd'hui.

    Le ministre de l'Intérieur s'est voulu rassurant en indiquant qu'il n'y avait « pas d'élément qui permette de penser qu'il y a un risque lié aux fumées ».

    C'est une blague. Il est beaucoup trop tôt pour certifier qu'il n'y a pas de pollution. Quand on voit l'ampleur du panache, que l'on sait que cette usine située dans une zone urbaine dense est divisée en cinq secteurs à risque, qu'elle contient 2500 tonnes de substances très toxiques dont certaines figurent sur une liste de produits d'exportation contrôlés, il est absurde de dire qu'il n'y a pas de risque lié aux fumées. Je ne comprends pas cette précipitation des autorités à dire que tout va bien. Il va falloir faire des prélèvements en ville, dans les écoles mais aussi à la campagne car des résidus de suie et de cendre sont retombés à 20 km de l'usine. Et il faudra déterminer dans quelle mesure les cultures et les élevages de vaches laitières ont été impactés.

    L'usine est située près de la Seine. Le fleuve risque-t-il d'être contaminé ?

    La Seine sera touchée, c'est certain. On peut même s'attendre à des mortalités de poissons, liées notamment à des rejets de produits chimiques dans le fleuve suite au débordement des bassins de rétention d'eau.

    Combien de sites Seveso de ce type y a-t-il en France ?

    On estime qu'il y a en France un peu moins de 1200 sites classés Seveso, dont 650 de seuil haut comme celui de l'usine Lubrizol. Le problème est que l'on déplore aujourd'hui en France de plus en plus d'incendies et d'explosions dans des établissements industriels, classés Seveso ou non. Cet été encore en Normandie, il y en a eu. A chaque fois, nous écrivons aux préfets pour leur demander de déclencher des prélèvements dans les cours d'école, de procéder à des opérations de nettoyage et à d'éventuels retraits de produits alimentaires.

    Pourquoi y a-t-il davantage d'incidents sur ces sites sensibles ?

    Par effet de routine et par excès de confiance des gestionnaires de ces sites. Il y a par ailleurs une baisse incontestable du nombre de visites de ces établissements par les inspecteurs des installations classées. Les directions régionales de l'environnement sont en sous-effectif et effectuent de moins en moins de visites sur le terrain. Du coup, les industriels sont livrés à eux-mêmes.