Jacques Chirac enjambant le tourniquet du métro : l’histoire derrière la fameuse photo

Le cliché pris en 1980 à la station Auber a durablement forgé l’image d’un homme ne reculant devant rien pour atteindre ses objectifs.

 Jacques Chirac « ne prend jamais le métro, il ne sait pas comment ça fonctionne », a témoigné l’auteur de la photo, Jean-Claude Delmas.
Jacques Chirac « ne prend jamais le métro, il ne sait pas comment ça fonctionne », a témoigné l’auteur de la photo, Jean-Claude Delmas. AFP/Jean-Claude Delmas

    Parmi les images qui viennent à l'esprit quand on pense à Jacques Chirac, décédé ce jeudi, il y a cette photo en noir et blanc. Celle où celui qui n'est pas encore président mais maire de Paris enjambe un tourniquet dans le métro parisien, à la manière d'un resquilleur.

    La scène se déroule le 5 décembre 1980 à la station Auber. L'homme fort de la droite française vient de fêter ses 48 ans. Jean-Claude Delmas, photographe pour l'Agence France-Presse (AFP), est présent. C'est lui qui signe ce cliché resté ancré dans les mémoires. « L'histoire est toute simple. Jacques Chirac venait inaugurer une expo de peintures dans la station. Je ne voulais pas faire une photo banale du maire regardant une exposition. On était quelques journalistes et je me suis dit je vais quand même faire son arrivée au métro, on ne sait jamais. J'ai fait en tout sept photos de la séquence», raconte Jean-Claude Delmas, depuis La Réunion où il réside.

    Pourquoi Jacques Chirac a-t-il commis ce geste digne d'un fraudeur ? « Le directeur de la RATP lui a glissé un billet dans le portique mais Chirac a oublié de le reprendre, se souvient le photographe. Il ne prenait jamais le métro, il ne savait pas comment ça fonctionnait, comme beaucoup de politiques. Le ticket étant encore dans la machine, le portillon ne s'est pas ouvert. Il a donc décidé de sauter par-dessus ».

    Cet acte transgressif a imposé l’image d’un Jacques Chirac conquérant.  Jean-Claude Delmas/AFP
    Cet acte transgressif a imposé l’image d’un Jacques Chirac conquérant. Jean-Claude Delmas/AFP AFP/Jean-Claude Delmas

    Une « transgression en mouvement »

    Les photos marquent les esprits. Dès le lendemain, la presse publie ces clichés insolites, accompagnés de légendes humoristiques. A l'époque, Jacques Chirac se remet d'un accident de voiture, survenu en Corrèze en 1978. Le « saut » du métro montre qu'il n'a rien perdu de ses capacités physiques et de sa vitalité.

    VIDÉO. « Pschitt », « Abracadabrantesque »… : les phrases cultes de Jacques Chirac

    Au-delà de l'anecdote, ces clichés ont aussi une réelle portée politique. « À cinq mois de l'élection présidentielle de 1981, le maire de Paris affiche clairement qu'il n'est pas homme à reculer devant l'obstacle. Car, au-delà du geste spontané de l'ancien officier de cavalerie, tel est bien également la symbolique politique que renvoie cette image », écrit Jean-Félix de Bujadoux, auteur de l'article « Jacques Chirac ou la transgression en mouvement » dans la revue Parlement(s).

    « Un personnage à part »

    La séquence du métro impose durablement dans l'opinion l'image d'un Jacques Chirac conquérant, énergique, et prêt à toutes les audaces pour atteindre ses objectifs. Jean-Claude Delmas, qui a suivi Jacques Chirac dès la présidentielle de 1965, confirme . Il se souvient d'un « personnage théâtral, faisant de grands gestes. Il était dynamique, vraiment à part. La plupart des politiques d'alors étaient assez figés ».

    Invité à l'Elysée en 1998, le photoreporter eut l'occasion d'offrir au président Chirac un tirage des fameuses photos. Qu'en pensait-il ? « Comme souvent, sa réaction était sans parti pris, se remémore Jean-Claude Delmas. On s'est regardé et on a ri ensemble ».

    Le photographe Jean-Claude Delmas (à droite), invité à l'Elysée en 1998, remet à Jacques Chirac les fameuses photos prises dans le métro en 1980. /
    Le photographe Jean-Claude Delmas (à droite), invité à l'Elysée en 1998, remet à Jacques Chirac les fameuses photos prises dans le métro en 1980. / AFP/Jean-Claude Delmas
    Jean-Claude Delmas, ancien photographe à l'AFP./Jean-Claude Delmas
    Jean-Claude Delmas, ancien photographe à l'AFP./Jean-Claude Delmas AFP/Jean-Claude Delmas