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Pôle emploi : comment les allocations des jeunes et des précaires vont baisser discrètement
L’Unedic estime que tous ceux qui n’auront pas travaillé complètement sur leur période d’activité de référence perdront 22% en moyenne de leurs ARE, qui fondra 905 à 708 euros.

Pôle emploi : comment les allocations des jeunes et des précaires vont baisser discrètement

Assurance chômage

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C'est l'Unedic qui l'a calculé : les travailleurs précaires pourraient perdre jusqu'à 22%, en moyenne, de leur allocation avec la réforme de l'assurance chômage qui entre en vigueur le 1er novembre. Et ce, sans qu'aucune étude ait étudié en amont l'impact de ce changement massif sur leurs comportements.

On en mesure l'ampleur avec plus de précision depuis la publication par l’Unedic de sa note d’impact : si la moitié des chômeurs seront touchés, les principales victimes de la réforme de l’assurance chômage imposée par le gouvernement seront massivement... les jeunes et les travailleurs précaires qui cumulent CDD d’usage et CDD de moins de six mois.

l'ARE pour certains va baisser de 22%

D’abord, parce qu'à partir de ce 1er novembre 2019, les nouveaux inscrits à Pôle Emploi devront avoir travaillé a minima six mois sur les 24 derniers mois pour se voir ouvrir des droits (2,9 milliards d’économies attendus sur 2020-2022). Ensuite, parce qu’ils verront leur salaire journalier de référence, base de calcul de leur indemnisation, fléchir. Ce dernier ne sera plus en effet évalué sur la base des seuls jours qu’ils auront travaillés, mais moyenné sur l’ensemble des jours de la semaine de la période (2,65 milliards d’économie attendus entre 2020-2022).

In fine, l’Unedic estime donc que tous ceux qui n’auront pas travaillé complètement sur leur période d’activité de référence perdront 22% en moyenne de leur ARE (allocation de retour à l'emploi), qui fondra en moyenne de 905 à 708 euros (et même de 868 euros à 431 euros pour ceux qui auront œuvré moins d’un jour ouvrable sur deux). Certains cependant pourront percevoir l'indemnité plus longtemps. Une « tuerie », s’indigne Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, syndicat qui a beaucoup œuvré en faveur des droits rechargeables au chômage. Quand la CGT, de son côté, annonce qu'elle va contester devant le Conseil d'Etat le décret de réforme publié cet été.

Décourager l'inscription à Pôle emploi ?

De fait, au regard de l’impact financier massif que va avoir cette réforme de l’assurance chômage sur les privés d’emploi stable, on attendait pour le moins que décisionnaires communiquent à l’Unedic des études indiscutables et spécifiques, documentant clairement les changements de comportement visés par la réforme. En vain ! La faiblesse de la note publiée par l’Unedic sur ce sujet clé en dit donc long, en creux, sur les motivations exclusivement budgétaires du gouvernement...

En page 47, cette note nous assène en effet qu’aucune étude n’a évalué spécifiquement dans quelle mesure une baisse d’allocation accélère effectivement la reprise d’emploi des chômeurs ! Gêné manifestement par cette absence de documentation, l’Unedic se contente de produire un tableau dit « d’élasticités » - corrélant variations de niveaux d’allocation et de durées du chômage dans sept pays très différents. On y observe d’abord que lorsque l’on augmente l’équivalent de notre allocation chômage de 1%, les demandeurs d’emploi indemnisés restent à peine plus longtemps désœuvrés aux États-Unis (0,1%), en Autriche (0,15%), en Norvège (0,3%). Mais plus longtemps en Finlande (2%). Bref, une fourchette si large qu’elle empêche toute conclusion pour la France... D’autant plus qu’on ignore si ces effets sont intervenus dans un contexte de récession économique ou de croissance, ce qui importe. Et qu’il n’y a pas de surcroît, précise l’Unedic, de consensus entre les experts sur un autre point décisif : les chômeurs qui touchent moins d’argent sont-ils ou pas contraints d’accepter des emplois de moindre qualité ? Contrainte qui conditionne, le cas échéant, le retour à la case chômage au bout de quelques mois...

Finalement, un seul effet apparaît parfaitement documenté : aux Etats-Unis, lorsque l’allocation des chômeurs augmente de 10%, 2,5% de privés d’emploi supplémentaires s’inscrivent. On peut donc en déduire qu’en baissant aussi drastiquement les conditions d’indemnisation des précaires en France, le gouvernement sait qu’il va décourager nombre d'entre eux de s’inscrire à Pôle Emploi. Et donc accélérer la fonte de ces chiffres... « Pour apprécier les différents effets de cette réforme d’ampleur, il est donc déterminant d’engager dès les prochains mois une démarche de suivi et d’évaluation », conclut prudemment l’Unedic. C’est le moins, en effet, d’évaluer l’impact d’une réforme budgétaire décidée quasi à l’aveuglette !

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne