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Mobilisation antimafia en Corse : « Tout le monde sait qui sont les criminels »

Pour Xavier Crettiez, professeur de science politique, la libération de la parole sur l’emprise mafieuse dans l’île reste partielle.

Propos recueillis par  (Bastia, correspondant)

Publié le 01 octobre 2019 à 14h29, modifié le 01 octobre 2019 à 15h27

Temps de Lecture 2 min.

Xavier Crettiez, professeur de science politique à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), est également directeur du diplôme d’établissement sur le renseignement et les menaces globales. Il décrypte les initiatives qui ont éclos pour dénoncer les dysfonctionnements de la Corse après la mort, le 12 septembre, de Maxime Susini, assassiné dans une paillote.

Assiste-t-on à une libération de la parole en Corse ?

Oui, parce que c’est une bonne chose d’inscrire à l’agenda public la question de la violence criminelle, d’assister à la mobilisation de la société civile et des acteurs politiques, à la condition toutefois que les uns et les autres soient eux-mêmes irréprochables. Non, parce que persiste ce sentiment surprenant : tout le monde sait qui sont les criminels et de quelle manière ils agissent, mais le seul à être dénoncé et nommé, c’est l’Etat. En Corse, on entend souvent dire « une » bande ou « des » élus plus ou moins compromis, mais ça va rarement plus loin.

Pourquoi cette dénonciation de la « mafia » intervient-elle à ce moment précis de l’histoire de la Corse ?

La première raison tient sans doute à la prise de conscience d’un niveau de criminalité de plus en plus important et, en tout cas, qui paraît sans commune mesure avec ce à quoi la Corse avait été habituée jusque-là. Ce qui surprend, en revanche, c’est la labellisation de la violence sous le terme de « mafia », qui s’incarne en théorie dans une organisation tout à fait particulière avec ses rituels, son rôle social, parfois son internationalisation. Or, il me semble que cela ne correspond pas à la réalité de la grande criminalité en Corse. Utiliser ce terme, c’est un moyen de mettre à distance toute responsabilité d’autres formes de violence dans la situation de la Corse d’aujourd’hui.

L’Etat ne semble pas se soucier du niveau de violence dans l’île avec tout l’intérêt qu’il devrait y consacrer

Lesquelles ?

Celles mises en œuvre par les structures nationalistes clandestines, notamment, à la fois à travers les attentats, mais aussi d’autres pratiques, qui paraissent anecdotiques ou folkloriques en Corse mais choqueraient partout ailleurs, comme ces tags très violents qui couvrent les murs de l’île depuis des décennies. Certains nationalistes portent une part de responsabilité dans l’acceptabilité par une partie de la population au recours à la violence, dans la diffusion d’une rhétorique de l’action illégale, pas nécessairement perçue ni présentée comme illégitime.

La Corse est-elle sortie de l’agenda politique national ?

L’Etat ne semble pas se soucier du niveau de violence dans l’île avec tout l’intérêt qu’il devrait y consacrer, peut-être parce que la Corse est considérée comme un nain électoral et démographique et qu’elle représente toujours un risque politique pour un gouvernement. On sait bien que taper sur la Corse, c’est souvent bien vu électoralement et, au contraire, trop aider les Corses, plutôt mal vu.

Reste que le peu de résultats en matière judiciaire s’explique aussi par des facteurs locaux, comme la difficulté à obtenir des informations. Mais sans doute l’Etat s’est-il longtemps focalisé sur les nationalistes. Son logiciel de lutte contre la violence criminelle de droit commun a périmé. C’est ce que l’on observe pour n’importe quelle politique publique : un assez long délai pour que le logiciel de l’Etat s’adapte enfin à une nouvelle réalité. La Corse n’y fait pas exception.

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