Moins de lits, peu de médecins et trop de dettes : à Auxerre, l’hôpital concentre tous les maux

Le premier hôpital de l’Yonne est acculé. Avec 26 millions d’euros de dette, l’établissement ne pourra pas payer ses charges sociales du mois d’octobre.

 La baisse des tarifs a fait perdre à l’hôpital d’Auxerre 2,7 millions d’euros entre 2017 et 2018.
La baisse des tarifs a fait perdre à l’hôpital d’Auxerre 2,7 millions d’euros entre 2017 et 2018. PHOTOPQR/« La Montagne »/Jeremie Fulleringer

    Dans le secteur privé, le Centre hospitalier d'Auxerre (Yonne), aurait été placé en redressement depuis longtemps. Avec 26 millions d'euros de déficit cumulé sur un budget annuel de 160 millions d'euros, il est aux abois.

    Selon des documents confidentiels que nous avons pu consulter, les délais de paiement des fournisseurs ont atteint des sommets : 283 jours pour un maximum légal de 90 jours. Sur les vingt plus gros créanciers, 17 sont des laboratoires pharmaceutiques. Au premier rang, l'américain Celgene, spécialisé en oncologie et hématologie, auquel l'hôpital doit 1,4 million d'euros.

    L'établissement a aussi une ardoise de 1,3 million d'euros auprès de l'Etablissement français du sang, également en situation précaire. L'hôpital ne peut plus payer ni son chauffage ni son assureur, la société Sham, dont la dette atteint 332 000 €. Pas une semaine ne passe ici sans qu'un créancier ne vienne réclamer son argent. L'hôpital ne pourra pas payer ses charges sociales du mois d'octobre. Pour la troisième fois depuis un an, il vient de demander un délai de paiement aux Urssaf.

    Pourtant, jusqu'en 2015, les comptes de cet hôpital à la maternité toute neuve et au service de cardiologie en pleine rénovation étaient excédentaires. Que s'est-il passé ? Et comment a-t-on pu laisser se dégrader pendant quatre ans la santé d'un hôpital ?

    Le recours aux médecins intérimaires coûte très cher

    « Notre activité est centrée sur la médecine-chirurgie-obstétrique, la plus impactée ces dernières années par les baisses de tarifs », explique Pascal Gouin, qui dirige l'hôpital depuis douze ans. Selon un bilan de trésorerie que nous avons pu consulter, la baisse des tarifs a fait perdre à l'hôpital 2,7 millions d'euros entre 2017 et 2018.

    « Pour faire des économies, on nous demande de fermer des lits et de développer la chirurgie ambulatoire. Mais quand vous êtes confrontés à une population âgée, et qu'il n'y a pas de médecins en ville pour prendre en charge les patients à la sortie, comment vous faites? », interroge le directeur. Autre problème : faute de cabinets de généralistes suffisant dans le coin, l'hôpital soigne tout, y compris les pathologies les moins bien remboursées par l'assurance maladie.

    Ce territoire de l'Yonne peine à attirer les médecins. À l'hôpital d'Auxerre, 30 postes sur 163 sont vacants malgré un recours massif aux professionnels diplômés à l'étranger. Ce que ne dit pas le directeur, c'est que pour éviter la fermeture de services, il est obligé de recourir massivement aux intérimaires. Surnommés les « mercenaires de l'hôpital », ils lui ont coûté 3,7 millions d'euros en 2017, 2,8 millions en 2018 et sans doute 1,6 million à la fin 2019. Sans compter les médecins en CDI qui renégocient leur salaire en faisant du chantage au départ.

    Et remplacer devient prohibitif. « On est obligé de fermer des services dès qu'un médecin part en vacances, rapporte Marc, délégué CGT. Un service fermé un mois, c'est un million d'euros de recettes en moins pour l'hôpital ».

    8 millions d'euros à trouver au plus vite

    2020 se présente mal. L'hôpital a été repéré par les radars du Copermo, le comité interministériel chargé d'accompagner les établissements dans leur redressement. « Le Copermo, c'est l'arme fatale, ironise Marc, le délégué CGT. Ses plans de redressement se traduisent par des fermetures de lits, des suppressions de postes et des réductions de RTT. À Nancy, ils ont perdu 179 lits et 598 postes l'an dernier. »

    Et à Auxerre ? Personne n'ose avancer de chiffre car la négociation n'est pas ouverte, même s'il semble que l'hôpital va devoir trouver 6 millions d'économies par an. La rumeur évoque 100 postes supprimés sur 1 650.

    « Il nous faut 8 millions d'euros avant la fin d'année pour régler vite une partie des dettes, insiste le délégué syndical. Sinon, on ne s'en sortira pas et c'est la population qui sera pénalisée. » Contacté, Guy Férez, le maire ex-PS d'Auxerre et président du conseil d'administration du centre hospitalier, se veut optimiste : « L'Agence régionale de Santé m'a promis des fonds avant la fin d'année, et je vais solliciter auprès du ministère le bénéfice de l'enveloppe nationale de soutien aux hôpitaux en difficulté. Après quoi, nous bâtirons un projet médical ». Quel sera le montant de l'aide ? Aucun chiffre n'est avancé.