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« Sept ans de prison pour deux pages » : des journalistes russes se mobilisent pour sauver Svetlana Prokopieva

La journaliste est poursuivie pour avoir lu à la radio une chronique hostile aux services de sécurité russes.

Par  (Moscou, correspondant)

Publié le 02 octobre 2019 à 12h49, modifié le 02 octobre 2019 à 13h02

Temps de Lecture 2 min.

La journaliste russe Svetlana Prokopieva.

Trois mois après avoir sorti des griffes de l’appareil policier leur confrère Ivan Golounov, accusé à tort de trafic de drogues, la communauté des journalistes russes se mobilise à nouveau, cette fois pour sauver Svetlana Prokopieva, journaliste de la région de Pskov (non loin de la frontière estonienne). Mardi 1er octobre, près de vingt titres de presse et sites Internet, dont Novaïa Gazeta ou le site de la chaîne Dojd, publient une lettre ouverte écrite par l’intéressée pour attirer l’attention sur son sort, passé jusque-là relativement inaperçu.

A la différence de M. Golounov, victime d’un coup monté, Mme Prokopieva, 40 ans, revendique haut et fort son acte : avoir lu à la radio une chronique critiquant la toute-puissance des forces de sécurité russes. Elle est pour cela accusée de « justification du terrorisme ». Elle risque une condamnation pouvant aller jusqu’à sept ans de prison. « Une banale vengeance ourdie par des services de sécurité offensés », considère-t-elle dans sa lettre ouverte, ajoutant :

« Ce qui m’arrive, l’affaire criminelle ouverte contre moi, ne fait que confirmer mes thèses, ce que j’ai dit à la radio. »

Svetlana Prokopieva, ancienne rédactrice en chef du journal local Pskovskaïa Goubernia, a lu la chronique en question à l’antenne de la radio Echo de Moscou à Pskov, le 7 novembre 2018. Quelques jours auparavant, un adolescent de 17 ans, Mikhaïl Jlobitskiï, s’était fait exploser devant les locaux du FSB d’Arkhangelsk, dans le Grand Nord, blessant trois agents des services de sécurité. Le jeune homme, qui se revendiquait « anarcho-communiste », avait laissé un message accusant le FSB de « fabriquer des affaires et torturer les gens ».

« Ils ont décidé qu’exprimer une opinion était un crime »

La violence extrême de cet acte avait stupéfié la Russie, mais Svetlana Prokopieva avait refusé d’y voir simplement l’acte d’un déséquilibré. « Si vous n’avez pas peur, republiez ma chronique », encourage-t-elle ses collègues dans sa lettre ouverte. En voici un extrait :

« Un Etat fort. Un président fort. Un gouverneur fort. Un pouvoir, un pays tenu par les forces de l’ordre. La génération à laquelle appartenait le jeune qui s’est fait exploser a grandi dans cette atmosphère. Elle sait qu’il est interdit de manifester – soit on vous disperse, soit on vous bat et on vous donne une affaire pénale. (…) Elle sait que seul un spectre d’opinions est toléré. Elle a appris que la justice n’a rien à voir avec les tribunaux – la cour ne fait que tamponner le verdict que le camarade major a amené. (…) La limitation des libertés civiles et politiques ces dernières années a créé un Etat répressif. Un Etat avec lequel il est dangereux et terrifiant d’avoir affaire. »

Les ennuis ont commencé deux mois plus tard : perquisitions, placement sous contrôle judiciaire, confiscation de son passeport et gel de son compte en banque. Le 4 juillet, la journaliste a aussi constaté que son nom était désormais inscrit sur la liste officielle des « terroristes et extrémistes », provoquant une première protestation de l’organisation Reporters sans frontières.

« Je n’ai pas justifié le terrorisme, conclut Svetlana Prokopieva dans sa lettre ouverte. J’ai essayé d’analyser les causes d’un acte terroriste et j’aimerais m’être trompée ! Mais personne ne m’a contredite. (…) Au lieu de cela, ils ont décidé qu’exprimer une opinion était un crime. Mon affaire criminelle, c’est le meurtre de la liberté d’expression. »

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