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Le coût réel de la discrimination

Des lois, politiques et pratiques punitives alimentent les épidémies et écartent les personnes des services de santé

Story by United Nations Development Programme

Les progrès réalisés dans la prévention et le traitement du VIH et de la tuberculose ont permis de sauver des millions de vies. Mais les lois, politiques et pratiques punitives alimentent les épidémies et écartent les personnes des services de santé. Ce sont les groupes les plus vulnérables qui sont pénalisés. Sans action urgente, l’Objectifs de développement durable 3 visant à mettre un terme aux épidémies de VIH et de tuberculose d’ici 2030 est voué à l’échec.

Rosa, Grace et Isaac racontent leurs histoires et suggèrent ce qui peut être fait pour remédier à cet état de choses.

ROSA : des soins de santé pour les plus exposés

Rosa coordonne depuis 19 ans les activités de prévention de la tuberculose et de la lèpre à Mombasa, au Kenya. Elle a vécu l’impact de la stigmatisation lorsqu’elle travaillait dans un hôpital pour patients tuberculeux. 

« Un membre de ma famille s’est mis à tousser et les aides-soignants n’ont pas compris pourquoi les antibiotiques ne fonctionnaient pas. La tuberculose avait fait son apparition dans ma famille. C’était la pire chose qui pouvait arriver », se souvient-elle. 

« Je n’ai rien dit à personne ». 

« Je me souviens de femmes atteintes de tuberculose qui ont été chassées du domicile conjugal et d’une femme allaitante à qui on avait retiré son bébé. 

Rosa s’efforce maintenant de permettre aux consommateurs de drogues d’accéder aux services de santé. Pour cette population à haut risque, l’exclusion sociale, la pauvreté et éventuellement des antécédents d’emprisonnement créent un environnement dans lequel la tuberculose peut se propager rapidement. Mais la peur de la discrimination et de la criminalisation conduit souvent ceux qui consomment de la drogue à la clandestinité, mettant ainsi leur vie et celle de ceux qui les entourent en péril.

« Les personnes qui utilisent des drogues ne sont pas acceptées dans la plupart des communautés et lorsqu’elles décident de bénéficier d’un soutien, elles ont déjà la tuberculose depuis longtemps. Il arrive également que l’accueil réservé par certains agents sanitaires ne soit pas positif, même si cela est en train de s’améliorer », dit encore Rosa. 

Les schémas thérapeutiques longs et difficiles à respecter pour les personnes qui utilisent des drogues, compliquent le rôle du personnel sanitaire. 

« Quand une personne qui consomme de la drogue commence un traitement à long terme, vous savez que le succès du traitement n’est pas toujours garanti. Parfois, nous ne pouvons plus suivre les patients, car ils disparaissent ou ont peut-être été mis en prison », explique Rosa. 

Pour elle, ce problème ne sera résolu qu’en garantissant que le personnel des services de santé est formé à reconnaître les vulnérabilités spécifiques des groupes de populations prioritaires, à les encourager à partager leurs expériences et à fournir des soins sans jugement.

« Les personnes qui consomment des drogues ne sont pas moins humaines que les autres. » 

GRACE : Autonomiser les populations clés

« Le VIH disparaîtra si nous agissons correctement », explique Grace Kamau.

« Nous nous sommes battus pour que les travailleurs/travailleuses du sexe soient reconnus, mais nous devons maintenant nous concentrer sur un engagement authentique. » 

En tant que travailleuse du sexe, Grace a été témoin de la façon dont les lois punitives qui criminalisent le commerce du sexe favorisent la stigmatisation et la discrimination. Il s’ensuit que les groupes de populations clés - notamment les hommes gays et d’autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs/travailleuses du sexe, les personnes transgenres ou qui s'inhectent des drogues, les prisonniers et autres personnes incarcérées - deviennent de plus en plus isolées.

« Le fait que le travail du sexe soit illégal dissuade les personnes d’accéder aux soins sanitaires, car elles craignent d’être arrêtées », dit Grace. 

« Les travailleurs/travailleuses du sexe doivent être impliqués/ées dans la conception des programmes de santé afin de pouvoir donner leur opinion sur la nature de ces programmes.»  

Lorsqu’elle était à l’université, Grace a été dirigée par ses collègues vers une clinique locale pour les travailleurs/euses du sexe. 

« La clinique nous a vraiment aidés. Avant, c'était l’argentqui importait et non sur la sécurité. Mais ils nous ont appris que “notre santé était notre richesse”.»

À présent, Grace rend visite à d’autres travailleurs/euses du sexe pour partager des informations sur les cliniques compréhensives à leur égard, gérées par et pour des travailleurs/travailleuses du sexe. 

« Les problèmes des travailleurs/euses du sexe ne sont pas faciles à expliquer dans les cliniques générales. Par exemple, lorsque vous vous présentez avec des maladies sexuellement transmissibles récurrentes, il est possible que vous ayez du mal à vous exprimer. Mais les cliniques favorables aux travailleurs/travailleuses du sexe ne jugent personne », a-t-elle déclaré. 

Ce que Grace a vécu il a quelques années dans une clinique générale n’a malheureusement pas été positif. 

« Ils ont dit : pourquoi as-tu besoin de tous ces préservatifs ? Que vas-tu en faire ? » J’ai dû les rendre, car je ne voulais pas que l’agent de santé continue à me questionner. 

La stigmatisation et la discrimination m’ont amenée à avoir des relations sexuelles non protégées. » 

Cependant, Grace estime que la situation s’améliore et elle est déterminée à contribuer à un réel changement. En participant à des forums régionaux sur le VIH, la tuberculose et le droit, elle a noué des contacts avec la police et les juges et s’emploie désormais à les sensibiliser aux problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs/travailleuses du sexe.  

Isaac : le droit des prisonniers à la santé

 « Les personnes en prison sont déjà stigmatisées du simple fait qu’elles sont “prisonnières”. En plus de cela, vous pouvez être séropositif et du même coup vous faites face à une double stigmatisation », explique Isaac Zimba, commissaire de police à la police zambienne et coordinateur national de la lutte contre le VIH et le sida.

Ses nombreuses années de travail avec les détenus ont transformé sa vision, ce qui selon lui est un privilège. « Mon travail m’a fait découvrir le visage humain du VIH et de la tuberculose. Auparavant, j’avais très peu d’informations et j’aurais même pu faire partie de ceux qui font preuve de discrimination. 

Au début de ma carrière, une collègue est devenue séropositive et s’est mise à parler de sa situation. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à voir les choses différemment. » 

La surpopulation, une nutrition et des systèmes sanitaires inadéquats contribuent à créer un environnement carcéral dangereux. Les taux de VIH en prison atteignent 50 %, tandis que les taux d’incidence de la tuberculose sont en moyenne 23 fois plus élevés que dans la population en général. 

« Les nombreuses interventions effectuées en Zambie ont permis aux détenus de connaître leur statut de séropositivité ou de tuberculose. Cela a été très utile. À l’avenir, je pense que nous aurons besoin de plus d’agents de santé qui travaillent dans les prisons », a-t-il conclu.

Sur la question des droits de l’homme et des prisonniers, Isaac est déterminé. 

« Une approche fondée sur les droits de l’homme est importante pour une simple raison : peu importe que vous soyez prisonnier, vous êtes toujours un être humain. » 

Malgré cela, il reconnaît la nécessité de concrétiser les approches fondées sur les droits de l’homme. 

« Nous avons des lois qui protègent les personnes contre la stigmatisation et la discrimination, mais le défi consiste à appliquer ces lois importantes. Ce n’est pas simplement une question théorique », dit-il, bien qu’il reconnaisse les progrès déjà accomplis. 

« Il est possible de modifier les politiques. Un très gros travail a été accompli en Zambie. »

Concentrer la lutte sur les droits

Selon l’ONUSIDA, en 2018, 54 % des nouvelles infections à VIH dans le monde concernaient des groupes de personnes prioritaires et leurs partenaires sexuels. Les systèmes de santé ont également omis de mentionner quatre millions de personnes atteintes de tuberculose en 2017, ce qui signifie qu’elles n’ont été ni diagnostiquées ni traitées, et l’on estime que bon nombre des « quatre millions manquants » appartiennent à des groupes de personnes prioritaires, vulnérables ou mal desservies.

Pour y remédier, le PNUD, le Kenya Legal and Ethical Issues Network on HIV & AIDS (KELIN) et le Global Fund to Fight Aids, Tuberculosis and Malaria (Réseau kenyan des questions juridiques et éthiques sur le VIH et le sida [KELIN] et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme) se sont récemment associés à des agents sanitaires, des responsables de l’application des lois et des représentants provenant des groupes de populations prioritaires pour étudier comment les pratiques discriminatoires alimentent les épidémies de VIH et de tuberculose en Afrique et pour identifier des solutions collectives. 

Conformément aux recommandations de la Global Commission on HIV and the Law (Commission mondiale sur le VIH et le droit), le forum a mis en exergue le besoin urgent d’adapter les services de santé aux groupes de populations prioritaires et a partagé des exemples de bonnes pratiques de la région.

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 Avec le Fonds mondial (Global Fund), le PNUD collabore avec dix pays africains et quatre organisations de la société civile africaines de premier plan - the AIDS and Rights Alliance for Southern Africa, ENDA Santé, KELIN et le Southern Africa Litigation Centre (l’Alliance du sida et des droits pour l’Afrique australe, ENDA Santé, KELIN et le Centre des litiges pour l’Afrique australe) - afin de soutenir des programmes de lutte contre le VIH et la tuberculose. Conformément au UNDP Strategic Plan 2018-2021 (Plan stratégique du PNUD pour 2018-2021) et comme indiqué dans la UNDP HIV, Health and Development Strategy 2016-2021 : Connecting the Dots (Stratégie du PNUD en matière de VIH, de santé et de développement 2016-2021 : Relier les points), ce travail contribue à de nombreux objectifs du Programme 2030 et à son engagement de “ne pas faire de laissés-pour-compte”.

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Location: Nairobi, Kenya
Footnotes: Photos: Kevin Ouma for UNDP
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